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Économie - Rapport

La BM qualifie à son tour le système financier libanais de « pyramide de Ponzi »

L’institution internationale pointe du doigt la substitution des groupes confessionnels à l’État pour assurer les services publics.

La BM qualifie à son tour le système financier libanais de « pyramide de Ponzi »

Les partis qui se partagent le pouvoir ont encouragé le développement des générateurs privés, des exploitants illégaux dont les tarifs sont plus élevés et dont le fonctionnement a même été réglementé – via la fixation de tarifs et l’installation de compteurs. Photo M.A.

Dès les premiers mois de la crise en 2019, le think tank libanais Triangle et l’économiste libano-américain Nassib Nicholas Taleb avaient assimilé le système financier libanais à une pyramide de Ponzi. L’expression désigne un montage financier frauduleux consistant à rémunérer les investissements effectués par les clients principalement à l’aide des fonds procurés par les nouveaux entrants, l’ensemble bénéficiant principalement au créateur du système et aux premiers déposants.

Encore contestée par certains banquiers, cette analyse est aujourd’hui appuyée par un acteur institutionnel de taille : la Banque mondiale, qui vient de publier un nouveau rapport évaluant l’état des finances publiques libanaises et décrivant son rôle de rouage dans un « système de Ponzi » entretenu par la classe dirigeante du pays dès les années 1990. Avec un ton encore plus critique que celui employé dans deux de ses précédents rapports – la « Dépression délibérée » fin 2020 et « Le grand déni » début 2022 –, les experts de l’institution ont également dénoncé les conséquences directes de ces choix, à savoir l’explosion des dettes du pays et l’effondrement des services publics.

Message au peuple libanais

L’institution décline ses motivations dans un « message au peuple libanais » traduit en anglais, arabe et français et servant d’ouverture au rapport de plus de 130 pages. Elle y prévient que les composantes-clés de l’économie de l’après-guerre civile « ont disparu pour toujours ».

Elle y explique en bref, avant de revenir plus longuement sur le sujet dans le rapport, que l’État a créé beaucoup plus de dette qu’il n’avait besoin pour financer ses dépenses et qu’une partie de ces montants a été utilisé pour maintenir un régime de taux de change surévalué et stabilisé par la Banque du Liban depuis les années 1990, à savoir la fameuse parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar.

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La finalité de ce « système de Ponzi », insiste la BM, a consisté à attirer un maximum de capitaux de l’étranger vers les banques libanaises, en comptant notamment sur les déposants expatriés ou encore l’aide internationale, via notamment les conférences de Paris I, II et III. La stabilité du taux de change a entretenu l’illusion que l’économie du pays, pourtant en pleine phase de reconstruction après la fin de la guerre civile en 1990, état repartie sur des bases saines. Le fait que ce taux de change était surévalué a contribué à entretenir le mirage libanais en maintenant le pays dans une catégorie de revenus supérieure à laquelle il pouvait prétendre compte tenu ses ressources véritables et à maintenir la consommation, alimentée en grande majorité par des importations à un niveau « excessif ».

Le fait que la BDL stabilisait systématiquement le taux faisait qu’il était possible pendant plus de 20 ans de convertir instantanément des livres en dollars et inversement à ce taux au point que les deux monnaies pouvaient librement être utilisées dans les transactions sur le territoire. La combinaison de ces facteurs – auxquels s’ajoute l’atout non négligeable du secret bancaire, qui a été en partie aménagé la semaine dernière par le Parlement – a joué le rôle d’aimant à déposants au Liban comme à l’étranger, les poussant à transférer leurs économies dans les établissements du pays dans des dépôts à terme aux rendements alléchants.

Ces fonds ont en grande partie été réinvestis dans des titres de dette publique émis par un État en déficit permanent, ce qui a gonflé les quantités de devises à absorber. Cela a voué le pays à afficher une balance courante structurellement déficitaire et à négliger les investissements dans les secteurs productifs et les infrastructures, accroissant sa vulnérabilité face aux multiples chocs.

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La classe dirigeante a été encore plus loin dans le dévoiement, dénonce encore la BM, en utilisant les services publics comme « courroie de distribution de subventions et de transferts pour enraciner encore plus profondément le système confessionnel de partage du pouvoir ». L’institution poursuit : « Pour que les élites puissent accaparer les ressources à leurs propres fins, il a fallu dégrader les services publics assurés de manière à permettre : l’attribution au secteur privé de contrats et de marchés lucratifs pour des montants en dollars artificiellement gonflés (notamment pour l’importation de pétrole, la fourniture de générateurs, la collecte des déchets, mais aussi pour l’enseignement privé, les hôpitaux, etc.), le resserrement de l’emprise des groupes confessionnels qui se sont substitués à l’État pour assurer ces services. »

Bien qu’elle cite les commerçants qui ont bénéficié, avec l’appui de certains partis politiques des subventions sur les importations, essentiellement en 2020 et 2021, l’exemple des générateurs privés est sans doute un des plus parlants. La classe dirigeante a systématiquement rejeté toutes les tentatives de réformes du secteur, dont les tarifs sont figés depuis 1994 sur la base d’un baril de pétrole à une vingtaine de dollars. En revanche, la même mosaïque de partis qui se partage le pouvoir a encouragé le développement des générateurs privés, des exploitants illégaux dont les tarifs sont plus élevés et dont le fonctionnement a même été réglementé – via la fixation de tarifs et l’installation de compteurs. Dans sa longue étude, la BM se base sur des données allant de la fin de la guerre à 2019, soit le début de la crise. Toutefois, dans son avant-dernier rapport publié en mai, elle estimait que le PIB réel (auquel on retire l’effet de l’inflation) se contractera de 6,5 % en 2022, après avoir chuté de -10,5 % en 2021 et de -21,4 % en 2020.

Dès les premiers mois de la crise en 2019, le think tank libanais Triangle et l’économiste libano-américain Nassib Nicholas Taleb avaient assimilé le système financier libanais à une pyramide de Ponzi. L’expression désigne un montage financier frauduleux consistant à rémunérer les investissements effectués par les clients principalement à l’aide des fonds procurés par les...

commentaires (8)

Le KELLOUN ne marche plus … cependant il y’a quelque années j’avais prévenue sur le montage financier de la BDL ici même

Bery tus

14 h 31, le 03 août 2022

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Commentaires (8)

  • Le KELLOUN ne marche plus … cependant il y’a quelque années j’avais prévenue sur le montage financier de la BDL ici même

    Bery tus

    14 h 31, le 03 août 2022

  • Meme les instances economiques et financieres internationales les plus cupides (BM , FMI, IFI) accusent les dirigeants politiques et bancaires Libanais d'etre des crapules qui ont mene le pays vers la ruine "dliberement". Mais ces derniers n'en ont cure et poursuivent leurs petits jeux de corruption comme si de rien n'etait. Kellon ya3ne kellon....

    Michel Trad

    12 h 57, le 03 août 2022

  • C’est plutôt une mafia bien rodée depuis le temps et qui n’a pas eu d’opposants à ses méthodes et cela continue. Tant que le peuple continue à accepter d’être maltraité et malmené ils ne s’arrêteront pas. Le pire est à venir des ressources et des milliards les attendent, ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Tant pis pour tous les libanais puisque cela n’a pas l’air de trop les déranger.

    Sissi zayyat

    11 h 17, le 03 août 2022

  • Le peuple libanais est aussi complice. Pendant 30 ans il a vécu au-dessus de ses moyens. Chaque voiture, iPhone, ordinateur, fromage, parfum, litre d’essence, etc. achetés avec une livre maintenue artificiellement à 1500/$ a contribué au gaspillage des dépôts. Il est même doublement complice car il a lui-même voté, revoté, et rerevoté pour les mêmes mafieux incompétents, par pur intérêt personnel…

    Gros Gnon

    10 h 53, le 03 août 2022

  • La Banque Mondiale vient de confirmer le verdict du peuple : TOUTE LA CLASSE DIRIGEANTE DES POLITIQUES ET DES FONCTIONNAIRES TOUS BORDS CONFONDUS SONT RESPONSABLES ET COUPABLES DE L’EFFONDREMENT DU PAYS DANS TOUS LES DOMAINES ET DOIVENT IMMEDIATEMENT ÊTRE DÉMIS DE LEURS FONCTIONS ET TRADUITS DEVANT UNE JUSTICE INTERNATIONALE INTÈGRE ET APOLITIQUE. TOUS SANS AUCUNE EXCEPTION ET CEUX SUI DONT INNOCENTS QU’ILS LE PROUVENT

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 06, le 03 août 2022

  • Constat clair et irréfutable. Nous sommes gouvernés par une association de malfaiteurs qui ont tout volé. Le drame c’est que les Libanais ont voté pour la plupart de leurs tortionnaires. La réforme doit impérativement commencer par l’éveil du peuple libanais.

    Goraieb Nada

    07 h 27, le 03 août 2022

  • https://www.the961.com/lebanons-central-bank-governor-was-just-awarded-among-the-best-in-the-world/

    Roger Tabet

    04 h 59, le 03 août 2022

  • Les pharaons avaient leurs pyramides et nos polichinelles ont la leur

    Wlek Sanferlou

    02 h 55, le 03 août 2022

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