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Société - Explosions de Beyrouth

Aujourd'hui à 17h devant le port de Beyrouth... pour une 2e commémoration dans la douleur

Le drame du 4 août 2020 a fait un total de 224 morts et 7 000 blessés, dont 150 personnes devenues handicapées, selon les derniers chiffres fournis par l’Association des familles des victimes.

Aujourd'hui à 17h devant le port de Beyrouth... pour une 2e commémoration dans la douleur

Des manifestants rassemblés devant le port, le 4 août 2021, brandissant des photos de leurs proches disparus lors des explosions. Photo d’archives Ibrahim Amro/AFP

Le Liban s’apprête à commémorer aujourd'hui jeudi un des anniversaires les plus douloureux de son histoire. Celui des deux ans de l’explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020, qui a fait 224 morts et 7 000 blessés, dont 150 désormais handicapés, selon les derniers chiffres fournis par l’Association des familles des victimes du port. Pour commémorer cette date fatidique, plusieurs marches seront organisées dans la capitale qui déboucheront toutes devant la statue de l’Émigré, en face du port, à 17h. La première marche s’élancera du Palais de justice de Beyrouth à 15h. Un deuxième groupe partira à 16h du jardin Samir Kassir, près de l’immeuble an-Nahar, vers le port. Un autre groupe de manifestants devrait se rassembler devant la caserne des pompiers de la capitale à 16h, avant de rejoindre les autres protestataires à 17h en face du port.

« Nous voulons rappeler aux gens ce qu’est le 4 août », lance à L’Orient-Le Jour Tracy Naggear, qui a perdu sa fille Alexandra lors des explosions. « Les gens doivent comprendre pourquoi on accuse telle ou telle personne dans ce dossier. Nous avons l’impression que beaucoup ne savent pas. Il faut en parler à nouveau, pour que tout le monde comprenne où l’on en est au niveau de l’investigation », souligne-t-elle. « Je serai toute ma vie déprimée à cause de la mort de ma fille, mais j’ai de quoi aller mieux. Sauf qu’il y a des personnes qui ont perdu leurs habitations à cause des explosions et qui n’arrivent pas à les reconstruire. Ils n’arrivent pas non plus à s’occuper de leurs enfants, à les nourrir ou à les envoyer à l’école », confie la jeune femme, qui a accouché il y a quelques mois d’un petit garçon. « Ces gens-là, il faut les écouter. Il ne faut pas oublier ce qu’ils ont vécu, car leur vie est en chute libre à cause du 4 août 2020 et de l’incurie des autorités », ajoute-t-elle.

« Ils essaient de faire peur aux gens »

William Noun, frère du pompier Joe Noun, décédé alors qu’il tentait d’éteindre le feu qui s’était déclaré au port quelques minutes avant les explosions, dénonce une volonté des autorités de « semer la panique » parmi la population, pour la dissuader de prendre part aux manifestations. « Ils essaient de faire peur aux gens, avec leurs campagnes préventives sur le danger de la chute des silos, pour que ces derniers ne participent pas au sit-in. Heureusement que la partie la plus fragile des silos est tombée avant le 4 août, pour que les gens comprennent qu’il n’y a pas de danger », confie-t-il à L’OLJ.

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Du côté de la société civile et des députés de la contestation, on se prépare aussi à prendre part au rassemblement prévu devant le port. Waddah Sadek, député de la capitale et militant durant la thaoura au sein du groupe Khatt Ahmar, confie que la société civile sera présente sur le terrain « pour soutenir les familles des victimes ». « Il y aura aussi des personnes qui viendront spécialement de Tripoli ou de la Békaa pour prendre part à la manifestation », assure-t-il.

Jamal Terro, un militant qui a activement pris part au soulèvement populaire d’octobre 2019, confie que « plusieurs groupes de la thaoura se rendront à la manifestation jeudi, aux côtés des députés issus de la contestation », tels Aamiyyat 17 Teshrin, Li Hakki, Marsad ou encore l’Union des déposants. « Il ne faut pas que la date du 4 août soit celle d’une commémoration mais l’occasion de prendre notre revanche, surtout que les autorités veulent détruire les silos. Il faut investir les rues et y rester cette fois-ci », lance Jamal Terro.

Ibrahim Hoteit fait cavalier seul

Contacté par L’OLJ, Ibrahim Hoteit, ancien porte-parole de l’Association des familles des victimes du port, a annoncé qu’il organisait un sit-in jeudi à 17h, devant la porte numéro 3 du port. M. Hoteit, dont le frère Tharwat avait péri durant l’explosion, s’était détaché du groupe en octobre dernier, prétextant un désaccord sur la prestation du juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, qui est chargé de l’enquête. Il avait entraîné avec lui 33 familles qui se prononcent désormais en faveur d’une mise à l’écart de Tarek Bitar qu’ils accusent d’adopter « un comportement discrétionnaire » dans sa gestion de l’enquête. Selon ses détracteurs, il répercute désormais le son de cloche des forces de la Moumanaa, notamment du tandem chiite, concernant l’enquête, avec une tendance à vouloir défendre des personnalités proches du pouvoir, mises en cause dans l’affaire du port alors qu’elles refusent de comparaître devant la justice.

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« Nous allons lire un communiqué et prier pour les victimes, comme nous le faisons tous les mois à cet endroit-là. Nous allons éviter la rue pour ne pas entrer en confrontation avec certains membres de la société civile qui ne partagent pas notre point de vue sur l’affaire », a confié Ibrahim Hoteit à L’OLJ. « Le seul conflit qui nous oppose aux autres familles de victimes concerne la prestation du juge Bitar. J’ai pleuré lorsqu’une partie des silos s’est effondrée l’autre jour. Nous n’avons jamais retrouvé la dépouille de mon frère. Il y a encore des morceaux de lui dans le port », soupire-t-il.

Ibrahim Hoteit, frère d’une des victimes de l’explosion dans le port de Beyrouth. Capture d’écran

Hoteit se déchaîne contre Bitar

Ibrahim Hoteit, porte-parole d’une partie des familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth, qui représente le point de vue du tandem chiite Hezbollah-Amal, s’est attaqué hier au juge d’instruction près la Cour de justice chargé de l’affaire, Tarek Bitar, lui demandant de se récuser, pour cause de « complot » contre les proches des victimes.

M. Hoteit, qui s’était dissocié en octobre dernier du comité représentant la majorité des proches des victimes, quelque temps après avoir vraisemblablement été intimidé et agressé par des partisans du chef du Parlement et du mouvement Amal, avait alors aussitôt appelé le juge Bitar à se mettre à l’écart du dossier. Hier, lors d’une conférence de presse tenue à l’occasion de la deuxième commémoration de l’explosion, il a rappliqué en interpellant le juge en des termes très violents : « Vous n’êtes pas seulement arbitraire et politisé, mais vous complotez contre notre cause. (…) Laissez-nous tranquilles, vous êtes désormais notre adversaire, vous ne pouvez pas poursuivre l’enquête. Vous devriez avoir honte de vous, présentez votre démission. » Cet appel fait écho à la campagne menée contre le juge Bitar par Amal et le Hezbollah, dont sont proches des responsables mis en cause dans l’enquête du juge Bitar, à l’instar des députés Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil (bloc Amal).

Lui-même frère d’une victime, M. Hoteit a exposé hier des faits sur base de documents qu’il affirme avoir consultés, présentant plusieurs fonctionnaires actuellement sous les verrous – à l’instar de Abdel Hafiz Kaïssi, ancien directeur général du ministère des Transports, et Chafic Merhi, ancien chef des douanes – comme ayant correctement rempli les obligations de leurs charges, et n’ayant rien à se reprocher. Il a également défendu l’ancien ministre des Transports, Youssef Fenianos, objet d’un mandat d’arrêt dans la même affaire. Il s’est en revanche demandé pourquoi l’ancien ministre de la Justice sous le gouvernement de Tammam Salam, Achraf Rifi (actuel député), n’a pas été interpellé, alors que, selon lui, il avait reçu une correspondance évoquant la présence du nitrate d’ammonium stocké au port (et dont l’explosion est à l’origine de la catastrophe).

M. Hoteit a par ailleurs rejeté la responsabilité du débarquement du nitrate d’ammonium sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui patrouillait au large du port de Beyrouth selon lui, ainsi que sur l’armée (et son commandant en chef de l’époque, le général Jean Kahwagi), qui avait alors jugé que ces produits n’étaient pas illégaux.

Il a également placé dans son collimateur le juge des référés à l’époque des faits Jad Maalouf. Ce dernier a été interrogé par le parquet de cassation, mais ne fait pas l’objet de poursuites.

Le Liban s’apprête à commémorer aujourd'hui jeudi un des anniversaires les plus douloureux de son histoire. Celui des deux ans de l’explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020, qui a fait 224 morts et 7 000 blessés, dont 150 désormais handicapés, selon les derniers chiffres fournis par l’Association des familles des victimes du port. Pour commémorer cette date...

commentaires (6)

Ni le président Macron ni la communauté internationale tout entière, n'a intérêt ni ne veut d'enquête internationale, car elle impliquerait directement la responsabilité directe d'Israël dont les avions de chasse ont sans nul doute, frappé le port de Beyrouth il y a deux ans jour pour jour. M. Netanyahu, alors premier ministre israélien, n'avait-il pas indiqué quelques jours auparavant, publiquement, avec cartes à l'appui, qu'il y avait à Beyrouth une très grande quantité de nitrate d'ammonium appartenant au Hezbollah et qu'il fallait l'"éliminer" ? Ne soyons pas dupes, la responsabilité des Israéliens ne sera jamais établie mais celle de ceux qui ont déposé ces matières hautement explosives en plein Beyrouth, eux doivent et seront tôt ou tard démasqués et jugés et punis. Hélas, tant que le Liban restera prisonnier de l'hégémonie des armes du Hezbollah, rien ne changera.

Tony BASSILA

19 h 42, le 04 août 2022

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Commentaires (6)

  • Ni le président Macron ni la communauté internationale tout entière, n'a intérêt ni ne veut d'enquête internationale, car elle impliquerait directement la responsabilité directe d'Israël dont les avions de chasse ont sans nul doute, frappé le port de Beyrouth il y a deux ans jour pour jour. M. Netanyahu, alors premier ministre israélien, n'avait-il pas indiqué quelques jours auparavant, publiquement, avec cartes à l'appui, qu'il y avait à Beyrouth une très grande quantité de nitrate d'ammonium appartenant au Hezbollah et qu'il fallait l'"éliminer" ? Ne soyons pas dupes, la responsabilité des Israéliens ne sera jamais établie mais celle de ceux qui ont déposé ces matières hautement explosives en plein Beyrouth, eux doivent et seront tôt ou tard démasqués et jugés et punis. Hélas, tant que le Liban restera prisonnier de l'hégémonie des armes du Hezbollah, rien ne changera.

    Tony BASSILA

    19 h 42, le 04 août 2022

  • Surprenant de voir la place que L'OLJ donne à ce pauvre M. Hoteit, qui ne peit qu'obeir aux mafieux qui veulent étouffer le scandale du port ! Sa désinformation commandée n'aurait pas dû être aussi fortement relayée.

    GM92190

    19 h 39, le 03 août 2022

  • En attendant les gens qui ont soufferts sont seuls face à leur douleur. Pendant que certains s'égosillent en prononçant leur vérité des faits. Tant qu'il n'y a pas une vraie justice dans une vraie démocratie, il n'y aura pas de vérité et au Liban il n'y en aura jamais.

    Zeidan

    11 h 58, le 03 août 2022

  • "M. Hoteit a par ailleurs rejeté la responsabilité du débarquement du nitrate d’ammonium sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui patrouillait au large du port de Beyrouth selon lui, ainsi que sur l’armée (et son commandant en chef de l’époque, le général Jean Kahwagi), qui avait alors jugé que ces produits n’étaient pas illégaux. Il a également placé dans son collimateur le juge des référés à l’époque des faits Jad Maalouf. Ce dernier a été interrogé par le parquet de cassation, mais ne fait pas l’objet de poursuites." Malheureusement, Hoteit a raison de mettre en cause Kahwaji et Jad Maalouf! Comment se peut-il qu'un commandant en chef de l'armée puisse considérer les 2750 tonnes de nitrate d'ammonium introduits au port de Beyrouth SANS PERMIS comme "produits non illégaux"? Mais il se fout de nous ou quoi? Cela fait deux ans que je crie à chaque occasion que l'introduction de nitrate d'ammonium explosif au Liban ne peut se faire qu'en vertu d'un permis issu par LE CONSEIL DES MINISTRES ET APRES APPROBATION DU MINISTERE DE LA DEFENSE! D'un autre côté, comment est-ce que le juge Maalouf s'est permis de décider le déchargement de la cargaison de NA au port, alors qu'il sait très bien qu'elle est ILLEGALE? N'a-t-il jamais entendu parler du décret -loi 137 du 12/6/1959 qui régit les armes et munitions? Ces deux individus sont responsables de l'explosion du 4 aout 2020 autant. sinon plus, que le reste des hommes politiques incriminés...

    Georges MELKI

    10 h 55, le 03 août 2022

  • Je ne comprends pas l'important espace accordé au discours d'Ibrahim Hoteit dans l'article, sans apport d'analyse concernant sa fonction de cheval de Troie; ce monsieur joue le jeu de torpillage des mécanismes de justice et de vérité au profit de la machine d'occupation syro-iranienne du Liban, dans l'affaire la plus criminelle de l'histoire du pays.

    Zerbé Zeina

    09 h 04, le 03 août 2022

  • Voilà donc que Mr Hoteit balance gratuitement des accusations contre des personnalités diverses. Cela s’appelle de la diffamation et si seulement il n’était pas couvert par l’état profond à la solde de l’entité néo-safavide qui vole l’argent des citoyens soi-disant bloqué en banque et qui en retour les nourrit d’explosifs au nitrate d’ammonium, il serait jugé pour ce délit et puni par la loi.

    Citoyen libanais

    08 h 01, le 03 août 2022

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