"Une cinquième colonne est derrière l'arrestation de l'archevêque" Moussa el-Hage, a accusé jeudi le chef des Marada, Sleiman Frangié, au sujet de l'affaire du vicaire patriarcal maronite, archevêque de Haïfa et Jérusalem, qui a été arrêté et détenu pendant huit heures au point frontalier de Ras Naqoura, réservé aux religieux et au corps diplomatique, entre le Liban et Israël, avant d'être convoqué par le tribunal militaire à Beyrouth.
Le leader maronite de Zghorta a tenu ces propos à Dimane, siège estival du patriarcat maronite libanais, où il a rencontré le patriarche Béchara Raï. La veille, le patriarcat avait exprimé son indignation suite à cet incident inédit, dénonçant les circonstances "urgentes et graves" de celui-ci et sommant l’État libanais de mettre fin "à la farce sécuritaire, judiciaire et politique". Le Conseil restreint permanent de l’Église maronite a également réclamé le limogeage du commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire, Fadi Akiki, qui est à l'origine du mandat d'arrêt sur la base duquel le véhicule transportant l'archevêque a été intercepté.
Le tandem chiite pointé du doigt
Dans son commentaire, Sleiman Frangié ne s'est pas contenté d'évoquer une cinquième colonne, mais il a également affirmé que "les juges sont politisés alors qu'ils devraient rester honnêtes et se tenir à distance du reste du monde". "Les magistrats doivent faire preuve de sagesse dans leur traitement des affaires, et c'est selon moi le tandem chiite qui est le plus affecté par le dossier concernant Fadi Akiki", a-t-il estimé, alors que, d'une part, le juge Akiki a épousé une nièce du chef du mouvement chiite Amal, Nabih Berry, et accréditant ainsi, d'autre part, l'hypothèse selon laquelle l'arrestation de Mgr Hage serait un message adressé par le Hezbollah au chef de l'Église maronite Béchara Raï, qui multiplie les critiques contre le parti chiite pro-iranien.
"Je suis pour la neutralisation des armes" du Hezbollah, a en outre affirmé le chef des Marada. "Nous devons être objectifs, et le sujet des armes de la Résistance (nom que se donne le Hezbollah, ndlr) est régional, international et local, et toutes les surenchères à ce sujet mènent à la haine", a-t-il poursuivi, semblant ainsi vouloir ménager le parti de Hassan Nasrallah. Sans solution internationale, régionale et locale, "ce problème ne sera pas réglé", a-t-il insisté au sujet de l'arsenal du parti chiite.
"Mon nom est sur la table"
"Je ne me suis jamais porté candidat à la présidence, mais mon nom est proposé", a par ailleurs affirmé M. Frangié. "Je suis ouvert, mais je garde ma position politique. Qui pense que celui qui ne complote pas contre ses alliés prend ses ordres de chez eux ?", a-t-il ajouté dans une allusion à ses relations avec le Hezbollah, dont il critique l'arsenal illégal mais qu'il tente de ménager politiquement, puisque les députés de la formation chiite pourraient potentiellement contribuer à son accession à la magistrature suprême.
"Depuis l'élection du patriarche Raï, nous n'avons eu aucun désaccord et n'en aurons jamais aucun. Notre relation a toujours été excellente et le restera", a également affirmé le chef des Marada suite à son entretien avec le chef de l'Église maronite. Ce dernier brosse régulièrement le portrait du président idéal à ses yeux, invoquant le principe de "neutralité" du Liban.
'Je n'ai pas rencontré Gebran Bassil et n'ai aucun lien direct avec lui, mais je n'ai pas non plus de problème avec lui", a également déclaré le leader zghortiote. "Je savais que le député Khazen (proche des Marada, ndlr) l'a rencontré, mais ce n'était pas à ma demande, et nous soutenons l'idée de former un gouvernement au plus vite", a-t-il poursuivi.
MM. Frangié et Bassil sont deux candidats présumés à la présidentielle. Ordinairement opposés sur la scène politique, et a fortiori depuis l'accession de Michel Aoun, fondateur du Courant patriotique libre que dirige Gebran Bassil, à Baabda face à Sleiman Frangié, les deux hommes semblent toutefois opérer un rapprochement depuis les législatives de mai. En avril dernier, le chef du Hezbollah les avait invités à un iftar.
Le mandat de M. Aoun prend fin en octobre prochain, et le délai constitutionnel pour l'élection de son successeur débute le 1er septembre. Les tractations vont donc bon train entre les différentes formations politiques pour préparer cette échéance.
De son côté, le leader druze du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a commenté l'affaire de Mgr Hage, estimant dans un tweet que "quelles que soient les circonstances derrière l'arrestation de l'évêque, une résolution calme est préférable à ce vacarme. Le respect des institutions dans cette situation difficile doit passer au-dessus de toute autre considération", a-t-il écrit jeudi. "D'un autre côté, nous refusons l'exploitation israélienne des hommes du clergé, afin de faire rentrer illégalement de l'argent à des fins politiques", a-t-il ajouté, alors que cette question a suscité un tollé d'un côté, et que, d'un autre côté, certaines voix estiment que l'archevêque Hage fait preuve de "félonie" en transférant des fonds au Liban à partir d'Israël, même s'il s'agit d'une aide humanitaire de personnes privées à leurs proches dans un pays en plein effondrement.
commentaires (18)
Si je comprend bien, M.Franjieh accuse le patron de la SG, le juge Akiki et son parent et protecteur Nabih Berry ainsi que la justice militaire, de faire partie de la cinquieme colonne ????? Clairvoyant le gars !
Michel Trad
21 h 30, le 22 juillet 2022