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Économie - Sécurité alimentaire

Nouvel épisode dans la saga de la crise du pain : Ali Ibrahim et les voleurs de farine

Le procureur financier Ali Ibrahim a reçu un rapport du député Waël Bou Faour accusant le ministère de l’Économie d’être impliqué dans le réseau détournant la farine subventionnée.

Nouvel épisode dans la saga de la crise du pain : Ali Ibrahim et les voleurs de farine

Une foule de clients devant une boulangerie au Liban-Nord, hier, en présence d’agents de la Sûreté de l’État. Photo Michel Hallak

C’est un Amine Salam passablement énervé qui a tenu hier une conférence de presse afin de remettre les points sur les « i » dans cette crise du pain qui sévit au Liban depuis plusieurs semaines, et qui ne constitue que l’une des strates de l’effondrement économique et financier que vit le pays depuis 2019.

Le ministre de l’Économie et du Commerce subit en effet l’après-coup de nouvelles accusations visant cette fois directement son ministère dans le détournement de la farine subventionnée. Un épisode de plus dans une crise qui vient vraisemblablement de se transformer en saga de l’été prête à alimenter les ragots à défaut de remplir les estomacs des Libanais.

Des accusations révélées jeudi par le quotidien al-Akhbar, mais reprises d’un rapport soumis la semaine dernière par le député du Parti socialiste progressiste Waël Bou Faour (Rachaya, Békaa) au procureur financier Ali Ibrahim. Les deux hommes ont confirmé l’information jeudi auprès de L’Orient-Le Jour.

« Tout le monde est impliqué : du ministère aux boulangeries, en passant par les moulins, minoteries, entreprises et petits commerçants », a résumé le député. Un réseau tentaculaire donc qui « ne pourrait exister sans le parrainage du ministère », a-t-il souligné.Ce nouveau rebondissement dans le dossier intervient alors que le bras de fer entre le ministre et les professionnels du secteur s’est poursuivi cette semaine après que ces derniers ont lancé mardi un ultimatum au ministère : s’il n’émet pas des autorisations de livraison de farine d’ici au 16 juillet, il devra « assumer la responsabilité de fournir du pain à la population ». De son côté, Amine Salam accusait hier une nouvelle fois de vol certains acteurs de la profession : « Ceux qui vendent le paquet de pain à 20 000 et 30 000 livres libanaises sont des voleurs, et ils sauront se reconnaître. »

Pendant que les accusations fusaient de toutes parts entre tous ces protagonistes, les Libanais, eux, ont encore fait la queue hier aux abords de boulangeries du nord et du sud du pays. À la veille de la fête d›al-Adha, ce sont en effet des clients inquiets qui ont tenté de s’approvisionner en pain pour les trois prochains jours, sachant que les établissements seraient fermés. Des scènes chaotiques, selon nos correspondants sur place, à l’image de ce match du « à qui la faute », qui n’est ainsi pas prêt de s’arrêter.

Ali Ibrahim et les voleurs de farine

En plus de ses commentaires sur les dénonciations fusant de part et d’autre, le ministre de l’Économie a aussi tenté de botter en touche en renvoyant la responsabilité première de la situation actuelle aux « politiques irréfléchies de subvention qui ont été mises en place par le gouvernement précédent ».

S’il a réaffirmé ne pas être « en faveur de ce mécanisme de subvention », qui permet au secteur d’importer le blé via un financement en devises au taux officiel (1 507,5 livres pour un dollar, alors que le taux avoisine les 30 000 livres sur le marché de change) fourni par la Banque du Liban, Amine Salam a cependant réitéré qu’il n’accepterait l’arrêt de la subvention sur le blé « qu’après une décision de l’État et sur base du plan de la Banque mondiale ».

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Ce plan prévoit un prêt de 150 millions de dollars répartis entre sept et neuf mois, avait-il précédemment expliqué à L’Orient-Le Jour, et servirait à sécuriser l’approvisionnement en blé du Liban en raison de la crise et du conflit russo-ukrainien qui a mis à mal les exportations de céréales de ces deux pays. Pour que ce plan entre en vigueur, il faut seulement attendre son approbation par le Parlement qui ne se réunit plus qu’en session extraordinaire, soit sous l’injonction du chef de l’État en accord avec la primature. En début de soirée, le bureau de presse du ministère a toutefois annoncé qu’une délégation de la BM visiterait Beyrouth à ce propos « entre les 18 et 26 juillet » courant.

Concrètement, lors de sa conférence de presse, Amine Salam a annoncé que 40 000 tonnes de farine doivent arriver dans les deux prochaines semaines afin d’apaiser la situation durant l’été, ajoutant que 20 000 tonnes se trouvent actuellement dans les minoteries. Mardi, le vice-président de la Fédération des syndicats des boulangeries et minoteries au Liban Ali Ibrahim (homonyme du procureur financier susmentionné) avait estimé la pénurie actuelle dans les moulins sur l’ensemble du territoire à quelque « 4 190 tonnes de farine ».

Enfin, en sus de la cacophonie nationale, le ministre a également pointé du doigt la contrebande de farine et de pain subventionnés vers la Syrie, que des « rapports » indiquent « à hauteur de 40 % » des matières présentes dans le pays, a-t-il chiffré. Une contrebande qui n’existait pas il y a trois semaines, selon l’armée, mais qui s’est finalement révélée « massive » la semaine d’après, selon de nouvelles indications de l’institution militaire au ministre, avait-il confié également à L’Orient-Le Jour. Un siphonnage contre lequel Amine Salam a admis hier « ne pas pouvoir lutter seul ».

Le dénouement de cette affaire se trouve ainsi entre les mains de la justice, incarnée ici par le procureur financier qui a confirmé hier à notre journal avoir en sa possession toutes les pièces du dossier, « celles remises par Waël Bou Faour, certes, mais aussi celles que j’ai moi-même récoltées et celles du ministre lui-même il y a quelques semaines ». Néanmoins, l’affaire est complexe et lui demandera « du temps pour arriver à un résultat », a-t-il prévenu.

En attendant, les forces de sécurité patrouillaient hier dans certaines régions pour s’assurer que les boulangeries affichaient le prix officiel du pain, alors que le représentant des boulangeries de la Békaa et membre du syndicat des boulangeries de Beyrouth et du Mont-Liban Abbas Haïdar prévenait hier que la société Big Mills of the South, détenue par le porte-parole des importateurs de blé au Liban Ahmad Hoteit et « qui distribue la plus grande quantité de farine au Liban-Sud, dans la banlieue sud de Beyrouth et dans plusieurs autres régions, a arrêté aujourd’hui (hier) sa distribution » faute de matière première.

C’est un Amine Salam passablement énervé qui a tenu hier une conférence de presse afin de remettre les points sur les « i » dans cette crise du pain qui sévit au Liban depuis plusieurs semaines, et qui ne constitue que l’une des strates de l’effondrement économique et financier que vit le pays depuis 2019.Le ministre de l’Économie et du Commerce subit en effet...

commentaires (7)

notre histoire est faite de rendez-vous ratés. en votant en majorité pour les mêmes criminels, nous avons manqué une occasion unique de changer les choses. la prochaine ne se présentera pas de sitôt (pour autant qu'on retienne les leçons). en attendant, on peut se concentrer sur ce qu'on fait de mieux, pleurer et s'apitoyer sur notre sort.

N.A.

11 h 38, le 11 juillet 2022

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Commentaires (7)

  • notre histoire est faite de rendez-vous ratés. en votant en majorité pour les mêmes criminels, nous avons manqué une occasion unique de changer les choses. la prochaine ne se présentera pas de sitôt (pour autant qu'on retienne les leçons). en attendant, on peut se concentrer sur ce qu'on fait de mieux, pleurer et s'apitoyer sur notre sort.

    N.A.

    11 h 38, le 11 juillet 2022

  • On peut dire qu’ils sont bien inspirés. A la tête de leur état une bande de criminels voleurs pour leur donner l’exemple et ça devient une course effrénée à qui volera le plus.

    Sissi zayyat

    11 h 58, le 10 juillet 2022

  • Le cycle de vol est éternel et interminable au Liban Et nos gouvernants viennent du peuple et non de Venus

    KASSIR Mounir

    15 h 41, le 09 juillet 2022

  • Quelle justice? Les justiciers de tout ordre sont à l’abri de la famine puisqu’on vient de multiplier leurs salaire par trois pour les mettre dans leurs poches et acheter leur silence, pendant que le libanais lambda est scruté à la loupe pour chaque centime qui lui arrive pour le racketter et en bonus l’humilier par dessus le marché. Justice?

    Sissi zayyat

    15 h 16, le 09 juillet 2022

  • Il faut arrêter immédiatement les subventions sur le blé et la farine. Car, stockage, contrebande, et marché noir. Tout comme les carburants. En contrepartie, faire bénéficier à chaque famille libanaise, une somme couvrant la différence de la levée des subventions. D'ailleurs, l'application Impact a tout ce qu'il faut pour régler le problème rapidement. En distribuant les cartes de crédit aux familles inscrites et vérifiées ou en envoyant les sommes par OMT. Allez vite pour finir de ce problème et sauver les sommes qui sont volées.

    Esber

    10 h 57, le 09 juillet 2022

  • ARAF!

    Christine KHALIL

    10 h 55, le 09 juillet 2022

  • "Les forces de sécurité patrouillaient hier dans certaines régions pour s’assurer que les boulangeries affichaient le prix officiel du pain". Afficher e prix officiel là où il n'y a rien à vendre ... ça ne mange pas de pain! Quant à la contrebande, comme celle qui a sévi pour les carburants lorsqu'ils étaient subventionnés, il ne faut pas compter voir les forces de sécurité s'y opposer puisque le Hezbollah a déclaré jadis qu'il s'agit, d'un "devoir national".

    Yves Prevost

    07 h 02, le 09 juillet 2022

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