Kim Kardashian, des révolutionnaires et un écrivain espagnol « dans le plus beau pays du monde »

Michael Jackson s’est exilé à Bahreïn, c’était « en plein scandale des accusations de pédérastie », et le fils du roi, le prince Abdallah ben Hamed ben Issa al-Khalifa, lui avait proposé de venir s’installer sur l’archipel et « versé 4,7 millions de livres d’acompte pour qu’il enregistre deux disques » avec des chansons que le prince avait écrites (tant qu’à faire !). Onze mois plus tard, Michael Jackson est reparti, et le prince a poursuivi le chanteur devant un tribunal britannique pour non-respect d’un contrat musical. « Un an plus tard, Michael Jackson est mort. »Kim Kardashian, elle, « a visité Bahreïn en 2012 pour inaugurer le bar Millions of Milkshakes (…) Elle a déclaré que Bahreïn était le plus beau pays du monde et demandé à tous les Américains de venir en vacances dans un endroit aussi merveilleux. Elle a même posté des photos sur son compte Twitter où elle pose avec des chameaux dans le désert ». Pendant ce temps, l’association des droits de l’homme norvégienne HRFNA profitait de la venue de l’influenceuse pour faire fuir un blogueur bahreïni, un activiste, Ali Abdulemam, qui se cachait dans le pays depuis le soulèvement bahreïni en 2011.

Au milieu de tout ça, il y a un écrivain espagnol, Emilio Sanchez Mediavilla, qui a rejoint sa femme à qui on a proposé un poste. Une datcha dans le Golfe est le récit journalistico-intimiste de ses années à Bahreïn, cet « archipel de trente-trois îles, et cette information n’est même pas certaine parce qu’entre le moment où j’écris ces lignes et celui où tu le liras, de nouvelles îles artificielles auront surgi, construites sur des terrains gagnés sur la mer ». Pays musulman à majorité chiite, Bahreïn est gouverné par une monarchie sunnite dans une société qui combine « la tolérance religieuse la plus avancée du Golfe avec des veines souterraines de rigorisme wahhabite et de rigorisme chiite ».

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On suit Emilio Sánchez Mediavilla dans ses péripéties, lorsqu’il cherche une maison à louer ou qu’il rencontre un prince arabe playboy, un Bahreïni laïcard qui voue une admiration pour le Hezbollah ou encore un Libanais qui affirme : « Je suis chrétien, l’alcool est aussi important pour moi que Dieu. »

L’écrivain raconte le soulèvement qui a eu lieu place de la Perle en 2011, où la monarchie (après avoir tiré à balles réelles sur les manifestants) a alors eu cette idée improbable de détruire le monument situé au centre de la place pour saper le mouvement, un peu comme si, en octobre 2019, Michel Aoun aurait décidé de détruire en pleine révolution la statue des Martyrs du centre-ville de Beyrouth.

Bahreïn, c’est aussi « le premier pays de la région où les syndicats avaient été fondés », mais où le système de parrainage (kafala) fonctionne à plein régime, et le premier pays musulman à avoir dépénalisé l’homosexualité. C’est également le siège de la Ve Flotte américaine et où l’on trouve la plus grande cathédrale du Moyen-Orient, la cathédrale Notre-Dame d’Arabie.

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« Pour les Saoudiens, Bahreïn est la liberté la plus proche, une échappatoire où l’on peut se rendre en voiture. » Pour Emilio Sanchez Mediavilla, c’est le sujet d’un livre (une échappatoire où l’on ne peut se rendre qu’en se perdant) qui nous aide à nous y retrouver un peu sur ce « plus beau pays du monde ».

Une datcha dans le Golfe

Emilio Sánchez Mediavilla,

éditons Métailié.

Écrivain, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, Sabyl Ghoussoub est l’auteur de deux romans aux éditions de l’Antilope : « Le nez juif » et « Beyrouth entre parenthèses ». Son troisième roman, « Beyrouth-sur-Seine », sortira aux éditions Stock le 24 août 2022.