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Société - Repère (Dans nos archives)

Réfugiés syriens au Liban : combien sont-ils, quelles aides touchent-ils?

De nombreuses idées reçues non conformes à la réalité continuent d’entourer la présence de ces déplacés, notamment le fait qu’ils sont payés en dollars par les donateurs internationaux, contrairement à la majeure partie des Libanais.

Réfugiés syriens au Liban : combien sont-ils, quelles aides touchent-ils?

Un père syrien se tenant avec ses enfants sur les ruines de leur camp incendié à Bhanine, en décembre 2021. Photo João Soussa

(NDLR : Alors qu'à travers le Liban, la tension monte, ces derniers jours, au sujet des réfugiés syriens, sur fond d'expulsions menées par l'armée libanaise, de manifestations et de contre-manifestations de déplacés et de Libanais excédés, nous republions cet article tiré de nos archives. Il avait été publié le 22 juin 2022, après l'annonce par le ministre Hajjar d'un plan de retour)


Alors que les officiels libanais ont appelé la communauté internationale à augmenter ses aides lors d’une cérémonie avec l’ONU qui a eu lieu lundi au Grand Sérail, que le ministre des Affaires sociales Hector Hajjar a annoncé un plan pour le retour des déplacés chez eux, et que le Premier ministre Nagib Mikati menace d’intensifier les expulsions, L’Orient Today se penche sur les idées reçues qui continuent d’entourer la présence des réfugiés syriens.

Combien de réfugiés syriens y a-t-il au Liban ?

Quelque 839 000 réfugiés syriens sont actuellement enregistrés auprès de Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Liban. Le nombre exact de Syriens présents au Liban n’est toutefois pas connu car le gouvernement libanais a demandé au HCR de cesser d’enregistrer les nouveaux réfugiés qui ont déferlé à partir de 2015. Ceux-ci peuvent être inscrits auprès de l’agence et recevoir dans certains cas une aide, mais ils ne sont pas officiellement enregistrés.

Si les responsables citent fréquemment une estimation de 1,5 million de réfugiés enregistrés et non enregistrés au Liban, il faut savoir que ce chiffre remonte en fait à 2015, quand le nombre de réfugiés enregistrés était considérablement plus élevé qu’aujourd’hui, atteignant près de 1,2 million. Depuis, un grand nombre d’entre eux sont partis vers l’Europe ou d’autres pays tiers, soit par le biais du processus de relocalisation du HCR, soit par des voies légales ou illégales. D’autres sont rentrés en Syrie.

Que reçoivent les réfugiés en termes d’aides ?

En 2021, 88 % des réfugiés syriens au Liban vivaient dans une extrême pauvreté, selon une enquête annuelle de l’ONU. Début 2019, avant l’effondrement économique au Liban, ce taux s’élevait à 55 %. Le nombre de réfugiés recevant une aide internationale a également augmenté au cours de cette période. En juin 2021, environ 75 % des ménages de réfugiés interrogés recevaient une aide en espèces, contre 47 % en août 2020. Les réfugiés vivant dans certaines régions, comme au Akkar, à Baalbeck-Hermel et dans la Békaa, sont plus susceptibles de recevoir une telle aide, plus de 90 % contre 26 % à Beyrouth.

Une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU a déclaré que depuis mai, l’agence et le Programme alimentaire mondial (PAM) apportent une aide en espèces à quelque 262 000 familles, soit 98 % des personnes jugées « gravement vulnérables ».

Avant la crise, les réfugiés recevaient de l’ONU une assistance en espèces de 27 dollars par personne, pour la nourriture et les produits de première nécessité. Actuellement, et contrairement aux idées reçues suivant lesquelles les Syriens sont payés en dollars par la communauté internationale, ces versements sont effectués en livres libanaises, suivant des taux de change variables. Ainsi, certaines familles reçoivent une aide mensuelle d’un million de livres libanaises (autour de 35 dollars au taux du marché parallèle), tandis que d’autres reçoivent 500 000 livres par personne (environ 18 dollars). Certains, mais pas tous, bénéficient des deux aides. Les montants des aides ont été réévalués à la hausse en avril dernier (avant, ils s’élevaient à 800 000 LL par famille et 300 000 LL par individu).

Selon un porte-parole du HCR, « cette augmentation tant attendue a permis à l’agence et au PAM de soutenir des familles vivant dans une extrême pauvreté, grâce à une somme qui représente un minimum pour la survie ».

Navires de la mort

Le naufrage tragique d’un bateau de passeurs au large des côtes de Tripoli en avril – sept personnes ont trouvé la mort et 33 sont toujours portées disparues – a attiré l’attention sur le nombre croissant de citoyens libanais qui tentent de quitter le pays par des voies illégales et dangereuses. Mais la grande majorité des personnes qui montent à bord des bateaux de passeurs en direction de Chypre ou de l’Europe continentale restent des réfugiés syriens.

En 2021, le HCR a recensé au moins 1 570 personnes ayant quitté le Liban via des « départs irréguliers par bateau ». Quelque 72 % des passagers étaient syriens. Les données de l’ONU montrent une augmentation significative du nombre de personnes embarquant sur des bateaux de passeurs depuis le début de la crise (de 270 passagers en 2019 à 794 en 2020 et 1 570 en 2021). Pour l’année 2022, l’agence onusienne a déjà enregistré 597 départs jusqu’au mois dernier. Le nombre de passagers clandestins entre janvier et avril a augmenté de 212 % par rapport à la même période de l’année précédente.

Dans un contexte de répression croissante de la part des autorités chypriotes et libanaises à l’encontre des bateaux de passeurs – qui a entraîné l’expulsion de certains passagers vers la Syrie –, certains se sont tournés vers d’autres routes. Ils empruntent notamment la voie terrestre à travers la Syrie et Idleb vers la Turquie, prennent l’avion pour la Libye, avec l’intention de gagner l’Europe par mer, ou encore se sont envolés l’année dernière vers la Biélorussie, profitant d’un accès facile à des visas touristiques, avec pour projet d’entrer en Union européenne par voie terrestre.

« Si le désir de partir est susceptible d’augmenter, il sera probablement atténué par un certain nombre de facteurs, notamment la capacité limitée des personnes à payer les frais de passage ou le transport aérien », note un document résumant une récente réunion interagences de responsables libanais et de l’ONU.

Retourner en Syrie, volontairement ou non

Alors qu’un nombre croissant de réfugiés ont tenté de passer du Liban à l’Europe ou ailleurs, le nombre de retours en Syrie – qui avait progressivement augmenté avant les crises économiques au Liban et en Syrie et la fermeture de la frontière liée à la pandémie de Covid-19 – a considérablement diminué.

Depuis 2016, environ 69 400 réfugiés enregistrés sont rentrés volontairement en Syrie depuis le Liban, selon les chiffres du HCR. En 2019, année record pour les retours, l’agence a compté quelque 22 700 « retours volontaires » de réfugiés syriens depuis le Liban. À l’époque, la Sûreté générale organisait des trajets de retour, rassemblant les informations sur les Syriens intéressés par un retour et partageant ensuite les noms avec les autorités syriennes pour s’assurer que les rapatriés n’étaient pas recherchés dans ce pays (ce qui est l’une des principales craintes empêchant les réfugiés de retourner chez eux). Les groupes de défense des droits de l’homme ont documenté de nombreux cas de rapatriés ayant été arrêtés à leur retour avant d’être torturés ou de mourir en détention. La Sûreté générale affrétait alors des bus pour faire passer la frontière aux réfugiés.

Les voyages de retour ont été interrompus avec le début de la pandémie de Covid-19. En 2021, seuls quelque 3 600 retours volontaires du Liban ont été enregistrés par le HCR, et environ 2 800 à ce jour en 2022.

Toutefois, le nombre de cas d’expulsion de réfugiés syriens par les autorités libanaises a augmenté. Le « Access Center for Human Rights » (Centre d’accès aux droits de l’homme), une organisation non gouvernementale basée entre le Liban et la France et travaillant sur les conditions des réfugiés syriens au Liban, a enregistré 59 cas de « déportation arbitraire » en 2021. En 2020, seulement deux cas ont été constatés, « en raison de la fermeture des frontières entre les deux pays suite à la pandémie de coronavirus ». Il y a également eu une augmentation depuis 2019, où 42 cas avaient été recensés.

La grande majorité des cas d’expulsion documentés en 2021 – 51 – concernaient des personnes ayant quitté le Liban vers Chypre via des bateaux de contrebande et ayant été renvoyées de force au Liban par les autorités chypriotes. Les politiques internes du Liban permettent d’expulser les Syriens qui sont entrés dans le pays via des passeurs après le 24 avril 2019. Cependant, 18 des personnes expulsées en 2021 étaient entrées légalement au Liban, et 15 d’entre elles étaient enregistrées auprès du HCR. Les responsables libanais ont signalé lundi que ces chiffres pourraient encore augmenter.

Lors du lancement d’un appel à un financement international supplémentaire de 3,2 millions de dollars pour faire face aux effets de la crise des réfugiés lundi, le ministre des Affaires sociales Hector Hajjar a déclaré qu’il prévoyait d’annoncer un nouveau plan pour le retour des réfugiés, tandis que le Premier ministre Nagib Mikati appelait la communauté internationale à « coopérer avec le Liban pour faire revenir les Syriens déplacés vers leur pays ». « Sinon, le Liban se retrouvera dans une situation qui n’est pas souhaitable pour les pays occidentaux, et qui consiste à œuvrer pour faire sortir les Syriens du Liban par des moyens légaux, par l’application ferme des lois libanaises », a-t-il ajouté.

Cet article a été originellement publié en anglais sur le site de « L’Orient Today», le 20 juin 2022.

(NDLR : Alors qu'à travers le Liban, la tension monte, ces derniers jours, au sujet des réfugiés syriens, sur fond d'expulsions menées par l'armée libanaise, de manifestations et de contre-manifestations de déplacés et de Libanais excédés, nous republions cet article tiré de nos archives. Il avait été publié le 22 juin 2022, après l'annonce par le ministre Hajjar d'un plan de...

commentaires (4)

C’est des colons!

Jack Gardner

07 h 41, le 27 avril 2023

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Commentaires (4)

  • C’est des colons!

    Jack Gardner

    07 h 41, le 27 avril 2023

  • Même des pays comme le Danemark retirent le droit d’asile aux Syriens. La Syrie n’est plus aussi dangereuse, il est temps pour eux de partir !

    Yehya CHEIKH EL ARD

    12 h 34, le 22 juin 2022

  • des chiffres pour le moins non precis ! nos frontieres etant aussi permeables a tout syrien qui desirerait "visiter" ! mais le probleme ne reside pas seulement en cela. Il reside en le fait que des dizaines de milliers de ces "freres" ont etabli chez nous des commerces &/ou ont pris des emplois lucratifs -legalement ou pas je ne sais pas- qu'ils n'oseraient meme pas rever avoir pareil en syrie, alors que les citoyens libanais s'enfoncent dans la M.... PS. surtout qu'on ne sorte pas ce pretexte qui veut que" le libanais refuse d'accomplir un travail "subalterne". SURTOUT PAS CETTE BETISE qui ne fait que confirmer l'incompetence des responsables a faire leur boulot.

    Gaby SIOUFI

    09 h 10, le 22 juin 2022

  • La photo d’abord et l’article ensuite ont pour objectif de rallier le lecteur à la ‘cause’ des réfugiés et minimiser leur impact (économique, social, criminel etc.) sur les libanais. Pourquoi ne pas dire la vérité que ce sont des auto-déplacés et non plus des réfugiés.?

    Mago1

    05 h 36, le 22 juin 2022

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