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Culture - Exposition

David Daoud, peindre au soleil noir de la mélancolie

C’est un artiste habité par un « Rêve d’absolu » que présente la galerie Cheriff Tabet. Un peintre franco-libanais hanté par les thèmes du départ, de l’exil, de l’éloignement et de l’éternelle solitude des hommes.

David Daoud, peindre au soleil noir de la mélancolie

« Songe », huile et graphique sur toile de David Daoud (150 x 150cm, 2021). Courtesy de l’artiste et de la galerie Cheriff Tabet

Il fait partie de ces artistes qui n’habitent pas le présent. De ces rêveurs qui échappent à la violence et au chaos du monde en se réfugiant dans leur univers imaginaire. Dans la musique, la poésie, la nature aussi... Un artiste à l’ancienne – dans le sens positif du terme – qui irrigue son inspiration aux sources de l’art pariétal, des grands maîtres de la peinture, des morceaux du répertoire romantique allemand, des oratorios de Haendel, des poèmes baudelairiens ou encore de la contemplation de la nature. Ici, une référence aux fresques antiques, là, des figures graphiques évocatrices de scènes primitives, plus loin, des ensembles de personnages tracés d’un pinceau enlevé à la Rembrandt. Un mélange d’inspirations et d’influences qui donne à ses peintures une esthétique intemporelle, entre touches contemporaines et souffle classique.

L’éternité sur une toile…

Qu’il s’agisse d’huile sur toile ou d’encre de Chine sur papier, les œuvres récentes que David Daoud dévoile à la galerie Cheriff Tabet jusqu’au 24 juin transportent le visiteur dans un univers tissé de songes et de silences, de paysages indéfinis et de formes figuratives qui se libèrent dans l’abstraction… Un univers dans lequel évoluent des silhouettes antiques, voire même bibliques, aux traits à peine ébauchés qui semblent s’être échappés des interstices du temps…

Une peinture traversée par les thèmes de l’exil, du voyage, de l’absence, de la solitude et de l’éternité… Et baignée du soleil noir de la mélancolie. Un état d’âme qui a éclos durant l’enfance solitaire, passée au pensionnat loin de ses parents, de ce peintre franco-libanais, au point d’en être devenu sa seconde nature. Et la facture immédiatement reconnaissable de ses toiles.

Celles-ci déploient, au moyen de superpositions chromatiques (souvent vives et éclatantes) ponctuées d’éléments et de personnages graphiques, le « Rêve d’absolu » (titre de son exposition) qui l’habite. Un rêve dans lequel il entraîne le spectateur de ses toiles à travers les atmosphères fortes qui se dégagent de chacune de ses compositions.

Des atmosphères évocatrices de l’immuable destinée humaine, de ses cycles de vie et d’éternel retour, de cette perpétuelle lignée d’hommes et de femmes lancée sur les chemins de l’existence. À l’instar de ce Voyage dans l’inconnu représentant une procession de silhouettes féminines qui semblent lentement avancer dans le crépuscule d’un paysage désertique et séculaire vers un avenir aussi incandescent qu’incertain. Ou encore de cet immense paysage nocturne, baptisé Chemin vers les hauteurs, créé sur un morceau symphonique de Beethoven et qui renvoie immanquablement par l’intensité de son clair-obscur au poème Élévation de Baudelaire. Entre transcendance et onirisme, veine symboliste et expressionnisme romantique, les peintures et œuvres graphiques de David Daoud semblent ressusciter des souvenirs issus de la nuit des temps.

Si la pratique artistique est pour David Daoud l’expression d’une quête intérieure, elle est aussi et surtout une façon de nouer le lien avec l’autre, ce frère d’humanité. « Je ne peins pas juste pour moi-même. Mon travail est surtout destiné aux spectateurs », assure-t-il. Une aspiration qui se manifeste particulièrement dans l’une des toiles de cette exposition portraiturant, dans une attitude songeuse et mélancolique, l’un des manifestants de la révolution d’octobre 2019 parti de guerre lasse s’installer en France. Et que l’artiste a hébergé chez lui un temps. Une œuvre qui, bien qu’intitulée Songe, se distingue d’ailleurs par une note plus réaliste et contemporaine.

Du mur au musée

Né au Liban en 1970, David Daoud a commencé à peindre très jeune, sur les murs de son pensionnat notamment. À la fin de ses études, il part en France poursuivre une formation aux beaux-arts et des études à l’École supérieure nationale des arts décoratifs à Paris. Depuis, bien qu’installé à Paris, il fait de fréquents allers-retours vers le Liban où il expose régulièrement depuis 2007.

Lauréat du prix Frédéric de Carfort de la Fondation de France en 2011, nommé dans la liste des 200 meilleurs artistes contemporains du magazine Miroir de l’art en 2018, ce peintre et sculpteur a également reçu en septembre 2020 le prix de la Fondation de l’Ermitage lors d’une cérémonie à l’Institut du monde arabe à Paris. Lequel a intégré à cette occasion deux de ses œuvres dans la collection permanente de son musée.

Outre ses nombreuses expositions dans des galeries, des musées et des sites culturels en France et en Belgique, David Daoud, dont le pinceau tisse spontanément des correspondances entre musique et peinture, a aussi illustré la pochette de l’album Levantine Symphony de son célèbre compatriote, le musicien et compositeur Ibrahim Maalouf.

* « Rêve d’absolu » de David Daoud à la galerie Cheriff Tabet, D Beirut, Bourj Hammoud, route côtière ; jusqu’au 24 juin.

Il fait partie de ces artistes qui n’habitent pas le présent. De ces rêveurs qui échappent à la violence et au chaos du monde en se réfugiant dans leur univers imaginaire. Dans la musique, la poésie, la nature aussi... Un artiste à l’ancienne – dans le sens positif du terme – qui irrigue son inspiration aux sources de l’art pariétal, des grands maîtres de la peinture, des...

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