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Économie - Monnaie

Pourquoi le dollar a repassé la barre des 30 000 LL après les législatives

La Banque du Liban dément les rumeurs annonçant l’arrêt du mécanisme de la circulaire 161.

Pourquoi le dollar a repassé la barre des 30 000 LL après les législatives

Un bureau de change à Jounieh, dans le Mont-Liban. Photo P.H.B.

Pendant que les Libanais découvraient la composition définitive du nouveau Parlement qui s’est progressivement dévoilée au fil des deux jours qui ont suivi la tenue du scrutin, le dollar a, lui, entamé une nouvelle phase d’ascension sur le marché des changes, en dépassant la barre des 30 000 livres, une première depuis le 4 janvier dernier. Le seuil a été atteint en milieu d’après-midi sur la plupart des plateformes suivant le marché (dont lirarate.org et l’application Adde dollar). Il a continué à grimper jusqu’en début de soirée pour graviter autour de 30 200 livres, confirmant que la monnaie nationale avait donc perdu à ce stade 95 % de sa valeur.

Cette poussée interrompt un cycle de stabilité relative d’un peu moins d’un mois où le taux a évolué entre 25 000 et 27 000 livres. Elle est en partie attribuée par plusieurs sources concordantes observant régulièrement le marché aux « spéculateurs » qui parient contre la monnaie nationale sur fond de crise économique et financière, des restrictions bancaires persistantes et des incertitudes sur le plan politique.

Les rumeurs autour de Sayrafa

Selon l’une des sources, les spéculateurs font notamment écho aux rumeurs annonçant l’arrêt sans préavis de la plateforme Sayrafa opérée par la Banque du Liban et dont le taux, sensiblement inférieur à celui du marché, est utilisé pour certaines opérations (23 500 livres pour un dollar hier soir). C’est par exemple à ce taux que les importateurs de carburant sont autorisés à convertir leurs livres contre des dollars afin de pouvoir payer leurs fournisseurs. Le ministère de l’Énergie et de l’Eau en tient d’ailleurs compte pour calculer les prix de vente en livres de l’essence, du diesel et du gaz.

C’est aussi au taux de Sayrafa que les banques peuvent fournir des dollars aux déposants qui en font la demande en convertissant les montants équivalents en livres contenus sur leur compte, en vertu du mécanisme de la circulaire n° 161 de la BDL adopté en décembre dernier et dont la durée d’application a été prolongée à plusieurs reprises depuis. La Banque centrale fournit elle-même à ce même taux les dollars vendus par les banques dans le cadre du dispositif actif jusqu’à au moins fin mai. L’institution a d’ailleurs démenti hier des « rumeurs » faisant état d’un possible arrêt sans préavis du mécanisme.

Mais la récente hausse du taux ne peut cependant être imputée qu’à la spéculation, tant la situation économique et financière du pays est critique et que sa classe dirigeante, préoccupée par les élections, ne donne aucune garantie concernant sa volonté et sa capacité à pouvoir redresser le pays. Le décrochage de la monnaie nationale ne date pas d’hier en effet et il a commencé en même temps que la crise, mi-2019, reléguant la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar au rang de souvenir. Au fur et à mesure que les banques resserraient – illégalement – l’accès des déposants à leurs fonds en devises, la BDL a de son côté fait tourner la planche à billets. Les billets et les pièces en circulation en dehors de la Banque du Liban ont en effet atteint 36 716 milliards de livres en mars 2022, contre 5 562,4 milliards de livres à la même période deux ans plus tôt, soit une augmentation de 560 %. Dans le même temps, ses réserves de devises ont continué d’être rabotées et gravitent actuellement autour de 11 milliards de dollars (sans compter les 5 milliards d’eurobonds et les 18 milliards de réserves d’or).

Signe que la stabilité affichée ces derniers mois était précaire, la livre n’a d’ailleurs pas cessé de glisser depuis janvier, après que la circulaire n° 161 est entrée en vigueur en janvier, ce qui a été accompagné par une baisse fulgurante du taux (qui passa alors d’un pic supérieur à 33 000 livres à moins de 20 000 livres en un peu plus de 15 jours). Pendant cette période, la BDL a continué à injecter des dollars pour payer les importations de blé (pour lesquelles le taux est subventionné aussi), le carburant et les demandes de retraits via les circulaires 161, mais aussi 158 (qui autorise des retraits de 400 dollars via des comptes en devises bloqués par les restrictions, plus le même montant en livres au taux de 12 000 livres, un dispositif valable jusqu’à fin juin au moins). Le rythme auquel la Banque centrale injecte des dollars semble ralentir depuis quelques jours, comme en témoigne les volumes de transactions effectuées au taux de Sayrafa qu’elle relaye chaque soir (34 millions de dollars hier pour l’ensemble des opérations de conversion à ce taux, sans préciser les proportions de conversion dollar/livre et livre/dollar).

Taux d’escompte

La BDL a aussi tenté de limiter la quantité de livres en circulation en resserrant indirectement les plafonds de retraits en livres. De fait, la quantité de livres en circulation est passée de près de 47 000 milliards de livres à fin décembre 2021 à près de 41 000 milliards hier. Les restrictions sur les retraits de devises et celles de livres ont poussé à la création et à la perpétuation d’un marché informel où les chèques bancaires peuvent être échangés contre des espèces, en subissant des décotes. Selon les taux communiqués dans les milieux concernés, le bénéficiaire d’un chèque bancaire en livres devait renoncer à une portion allant de 30 à 32 % de sa valeur inscrite, un niveau plus intéressant que celui affiché au début du mois (36 % selon les mêmes sources pour des conversions appelées lira/bira).

Pour le bénéficiaire d’un chèque en dollars bancaires soumis aux restrictions, les fameux lollars selon l’appellation qui s’est démocratisée et qui les distingue des dollars « frais », le taux d’escompte avoisinait hier autour de 84 % (le bénéficiaire reçoit 16 % de la valeur du chèque). Un niveau également en légère hausse par rapport aux 86 % du début du mois.

Pendant que les Libanais découvraient la composition définitive du nouveau Parlement qui s’est progressivement dévoilée au fil des deux jours qui ont suivi la tenue du scrutin, le dollar a, lui, entamé une nouvelle phase d’ascension sur le marché des changes, en dépassant la barre des 30 000 livres, une première depuis le 4 janvier dernier. Le seuil a été atteint en milieu...

commentaires (3)

On n’a jamais vu un pays confier la gestion de ses ressources à des mafieux. Il n’y a qu’au liban que cela puisse arriver. Nous y voila avec ces voleurs qui ont sifflé toutes ses ressources plus l’argent de déposants et qui exigent qu’on leur baise la main pour le peu qu’ils donnent au retour. Satisfaits les libanais de vos zaims? Vous leur avait tellement scandé, BIL ROUH BIDAM, qu’ils vous ont pris aux mots.

Sissi zayyat

16 h 30, le 24 mai 2022

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Commentaires (3)

  • On n’a jamais vu un pays confier la gestion de ses ressources à des mafieux. Il n’y a qu’au liban que cela puisse arriver. Nous y voila avec ces voleurs qui ont sifflé toutes ses ressources plus l’argent de déposants et qui exigent qu’on leur baise la main pour le peu qu’ils donnent au retour. Satisfaits les libanais de vos zaims? Vous leur avait tellement scandé, BIL ROUH BIDAM, qu’ils vous ont pris aux mots.

    Sissi zayyat

    16 h 30, le 24 mai 2022

  • Aucune raison pour un dollar survalorisé. Sauf que c'est une combinaison politico-mafieuse, pour faire des profits très prochainement.

    Esber

    13 h 37, le 18 mai 2022

  • PARCEQUE LES LEGISLATIVES N,ONT APPORTE AUCUN CHANGEMENT RADICAL. LE PAYSAGE EST PRESQUE LE MEME QU,AVANT. INDEPENDANTS ET THAOURISTES DIVISES CHACUN POUR SOI ET ENCLINS AUX PRESSIONS ET A L,ACHAT POUR LA PLUPART. NOUS SOMMES AU LIBAN ET CES PRATIQUES MALHEUREUSEMENT FONT LARGEMENT PARTIE DU FOLKLORE NATIONAL. DONC, RIEN N,A CHANGE ! LES ARMES SONT TOUJOURS LA ET LEURS PARAVENTS TOUT AUSSI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 36, le 18 mai 2022

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