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Moyen-Orient - Iran

« Diplomatie des otages », la stratégie que Téhéran est soupçonné de mener

Paris demande la « libération immédiate » de deux Français détenus par la République islamique.

« Diplomatie des otages », la stratégie que Téhéran est soupçonné de mener

Benjamin Brière a été arrêté en mai 2020 pour avoir pris « des photographies de zones interdites » avec un drone de loisir dans un parc naturel en Iran. Photo d’archives AFP

C’est une stratégie bien rodée selon les ONG : dans le cadre de sa « diplomatie des otages », l’Iran est accusé de détenir des étrangers, majoritairement binationaux, pour tenter par ce biais d’arracher des concessions à l’Occident sur des dossiers sensibles en cours.

Cette tactique, qui a toujours été démentie par Téhéran, a refait parler d’elle hier après l’arrestation, jugée « sans fondement » par Paris, de deux Français en Iran et dont les circonstances restent à ce stade encore floues. Le ministère des Affaires étrangères affirme avoir « été informé de l’arrestation de deux ressortissants français en Iran », dans un communiqué, sans préciser leur identité, au lendemain de l’annonce par Téhéran de l’arrestation de deux Européens « entrés dans le pays dans le but de déclencher le chaos et déstabiliser la société ».

Selon des sources proches du dossier, les prisonniers seraient une responsable d’un syndicat de l’enseignement et son compagnon. « Le gouvernement français condamne cette arrestation sans fondement. Il demande la libération immédiate de ces deux ressortissants français et restera pleinement mobilisé à cette fin », souligne le Quai d’Orsay, qui ajoute que « l’ambassadeur à Téhéran a effectué des démarches (...) pour obtenir un accès consulaire (...) et le chargé d’affaires de l’ambassade d’Iran à Paris a été convoqué au ministère ».

« C’est la diplomatie par la coercition : ne pas régler les différends internationaux simplement par la négociation classique entre États », résume un bon connaisseur occidental du dossier.

Mise en œuvre par l’Iran depuis la création de la République islamique de 1979, cette stratégie s’est traduite par l’arrestation de dizaines d’étrangers ou de ressortissants binationaux. En prison ou en résidence surveillée, les détenus font l’objet d’accusations que leurs familles et les ONG jugent absurdes, comme espionnage ou atteinte à la sécurité de l’État.

Parmi eux, le Français Benjamin Brière condamné en janvier à huit ans et huit mois de prison pour « espionnage » et « propagande » contre le régime. M. Brière, qui s’est toujours présenté comme un touriste, avait été arrêté en mai 2020 pour avoir pris « des photographies de zones interdites » avec un drone de loisir dans un parc naturel en Iran.

« Les enjeux » de cette condamnation « sont ailleurs et sont politiques », a déclaré sa sœur, Blandine Brière, à l’heure où sont toujours en cours des négociations extrêmement délicates pour relancer l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran de 2015.

Évoquant son cas et celui de Fariba Adelkhah, chercheuse franco-iranienne détenue en Iran, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian avait affirmé en janvier tout faire pour que « les otages, il faut appeler les choses comme cela », soient libérés.

Charges fictives

Selon les défenseurs des droits de l’homme, le régime iranien tente par ces incarcérations reposant selon eux sur des charges fictives de faire pression dans les négociations sur le dossier du nucléaire iranien ou d’obtenir la libération de prisonniers iraniens. Des accusations balayées par Téhéran qui assure que ces prisonniers sont détenus selon une procédure judiciaire indépendante, sans intervention gouvernementale.

« Généralement, l’Iran arrête des ressortissants binationaux (le pays ne reconnaît pas la double nationalité), donc ça lui permet d’arrêter ces personnes sans que ces dernières puissent bénéficier de l’aide consulaire », relève le bon connaisseur du dossier. « Ces arrestations obéissent selon l’Iran officiellement à un schéma d’une arrestation et d’une détention classique », ajoute-t-il. « Par rapport à un groupe terroriste qui va demander une rançon, on est dans une logique beaucoup moins assumée parce qu’elle s’intègre dans la diplomatie d’un État ». Et cette stratégie n’est pas récente. En 1979, une partie du personnel de l’ambassade américaine avait été retenue pendant 444 jours.

En 2009, la libération de l’étudiante française Clotilde Reiss avait été rapidement suivie de celle de Ali Vakili Rad, un Iranien condamné à Paris en 1991 pour le meurtre de l’ancien Premier ministre Chapour Bakhtiar. Paris avait alors réfuté tout lien de cause à effet.

D’autres cas sont encore plus sensibles comme celui d’Ahmadreza Djalali, chercheur irano-suédois condamné à mort pour espionnage et dont la famille craint l’exécution imminente.

Marchandage politique

« La peine de mort ne doit pas être utilisée comme un outil de marchandage politique », a prévenu le directeur d’Ensemble contre la peine de mort, Raphael Chenuil Hazan, et « l’Iran doit comprendre que son exécution aura irrémédiablement un coût politique fort ». M. Djalali « est un test très important pour l’Europe. Qu’elle puisse le sauver sera décisif », estime Mahmood Amiry-Moghaddam, de l’ONG Iran Human Rights, qui appelle les Européens à adopter « une position ferme contre la prise d’otages et cesser de la récompenser ».

Plusieurs échanges de prisonniers ont eu lieu ces dernières années. Parmi eux, le journaliste du Washington Post Jason Rezaian, Irano-Américain échangé en 2016 contre sept Iraniens détenus aux États-Unis. Ou encore Massoud Soleimani, un scientifique iranien relâché contre la libération en décembre d’un universitaire américain, Xiyue Wang.

Pour le spécialiste du dossier, la stratégie de Téhéran lui « donne des leviers, elle permet aux négociateurs iraniens de partir dans la négociation à un niveau plus élevé, ça leur donne plus de choses à négocier et plus de capacité d’obtenir des concessions ». « Mais sur le long terme, cette stratégie contribue à marginaliser l’Iran, à en faire un acteur qui ne respecte pas le droit international », ajoute-t-il.

Source : AFP

C’est une stratégie bien rodée selon les ONG : dans le cadre de sa « diplomatie des otages », l’Iran est accusé de détenir des étrangers, majoritairement binationaux, pour tenter par ce biais d’arracher des concessions à l’Occident sur des dossiers sensibles en cours.Cette tactique, qui a toujours été démentie par Téhéran, a refait parler d’elle hier après...

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