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Économie - Rapport

L’ONU tire à boulets rouges sur le pouvoir politique et la BDL

« Le Liban doit changer de cap », a plaidé l’institution internationale, à quelques jours des élections législatives prévues ce dimanche 15 mai.

L’ONU tire à boulets rouges sur le pouvoir politique et la BDL

« La crise économique aurait pu être évitée (…), elle a été provoquée par des politiques gouvernementales défaillantes », a critiqué l’ONU dans son rapport sur le Liban publié hier.

Après la récente publication d’un rapport de la Banque mondiale (BM) sur les « Macro Poverty Outlook Indicators » (MPO) dans lequel l’organisation a admis que la classe dirigeante libanaise n’était toujours pas prête à mettre en place les réformes nécessaires pour relancer une économie en lambeaux, c’est désormais au tour des Nations unies de tirer à boulets rouges sur les autorités du pays. Dans un nouveau rapport publié hier, l’ONU accuse sans mâcher ses mots le gouvernement et la Banque du Liban (BDL) de « violations des droits de l’homme » pour avoir créé les conditions qui ont conduit à l’une des plus graves crises économiques de l’histoire moderne, déclenchée il y a bientôt trois ans.

C’est en novembre 2021 que le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, Olivier De Schutter, a entamé son évaluation au Liban des répercussions de cette crise économique inédite dans le pays. S’il avait alors déjà dressé un premier bilan cinglant de l’action du gouvernement, ses propos écrits dans cette évaluation finale de la situation sont sans équivoque. « La crise économique aurait pu être évitée, (…) elle a été provoquée par des politiques gouvernementales défaillantes », critique-t-il au nom de l’ONU dans un constat qui fait écho à celui déjà établi par la BM depuis au moins fin 2020.

Le point de vue d'Olivier De Schutter

Le prochain gouvernement libanais devra récupérer les richesses volées et renforcer la responsabilité

Les Nations unies reprochent plus précisément au gouvernement et à la BDL d’avoir provoqué un « appauvrissement inutile de la population », dont plus de 80 % vivent dans une « pauvreté multidimensionnelle », selon la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (Escwa). La BDL est, elle, plus précisément accusée de s’être livrée à un « tour de passe-passe comptable en lien avec ses pertes (…) qui a discrètement créé une dette publique énorme (…) qui condamnera les Libanais pendant plusieurs générations ». « Le Liban doit changer de cap », ont encore plaidé les auteurs du rapport, à quelques jours des élections législatives prévues ce dimanche 15 mai.

Aggravée en parallèle par la pandémie de Covid-19 et, récemment, par la guerre en Ukraine, la crise a entraîné une dévaluation de la valeur de la monnaie nationale de près de 95 %, alors que les prix à la consommation ont augmenté de plus de 200 %. Lors de ses prévisions de croissance fin avril, la BM a anticipé de son côté une contraction de 6,5 % du PIB libanais, après celles de 21,4 % en 2020 et de 10,5 % en 2021.

Silence du gouvernement

Ces chiffres traduisent une réalité beaucoup moins abstraite sur le terrain. Selon l’ONU, neuf personnes sur dix ont actuellement du mal à subvenir à leurs besoins en raison de leurs faibles revenus et plus de six personnes sur dix quitteraient le pays si elles le pouvaient. Des chiffres qui résultent de la crise, bien qu’enracinés dans une société très inégalitaire, même avant la crise, note le rapporteur spécial, citant : « Des niveaux effroyables de concentration de la richesse au sommet, des politiques fiscales qui favorisent l’évasion et profitent aux riches, des services publics d’éducation et de santé chroniquement négligés, un système de protection sociale inadéquat et un secteur de l’électricité défaillant. »

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À la suite de ces défaillances gouvernementales, « des économies de toute une vie ont été anéanties par un secteur bancaire imprudent », regrette encore l’ONU avant de lister les conséquences de ce désastre : « Une génération entière condamnée à la misère » ; « des familles sautant des repas » ; « des enfants contraints de travailler » ; « des femmes confrontées à une violence accrue » ; « des réfugiés syriens et palestiniens poussés dans le travail informel et connaissant des difficultés extrêmes » ; « des travailleurs migrants piégés dans des relations de travail abusives et des personnes handicapées rendues invisibles et sans soutien ».

Sans reprendre son souffle, le rapport accuse explicitement le gouvernement du Premier ministre, Nagib Mikati, formé en septembre 2021 après un vide de 13 mois à la suite de la démission de celui de Hassane Diab dans le sillage de la terrible explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, de ne pas avoir tenu ses promesses. L’ONU souligne notamment son « incapacité à reconnaître et à distribuer équitablement les pertes du secteur financier », obligeant ainsi « les plus vulnérables à (les) assumer ». Il note également que « l’influence indue du secteur bancaire dans le processus continue d’influencer les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) », au détriment de ces mêmes plus vulnérables de la société.

Le rapport énumère de plus un large éventail de défaillances imputables à l’exécutif, comme les pénuries chroniques d’électricité dans le pays ; l’absence de filet de sécurité sociale ; l’état déplorable du système scolaire du pays et le taux croissant de travail des enfants ; la loi sur la nationalité qui empêche les femmes libanaises de transmettre la citoyenneté à leurs enfants ; ce qui entrave l’accès des enfants à l’école et à l’emploi ; les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants ; et les obstacles bureaucratiques qui empêchent les réfugiés palestiniens et syriens de travailler légalement.

L’ONU pointe également du doigt les manquements des donateurs internationaux, notant que « l’évolution rapide des besoins humanitaires du Liban au cours des deux dernières années a conduit les donateurs internationaux à (précipiter le versement) des aides, à adopter des méthodes opaques de distribution des bénéfices », pour un résultat de moins en moins efficace « en raison du chevauchement des programmes ».

Invité à examiner une version préliminaire du rapport avant sa publication, le gouvernement n’a pas tenté de réfuter les allégations qu’il contient, a précisé Olivier De Schutter.

Le changement, c’est maintenant

Mais les reproches des Nations unies ne s’arrêtent pas là, l’organisation réservant une grande partie de son constat au vitriol à l’adresse du secteur financier et à la BDL en particulier. Pour elle, les « actions de la banque centrale ont amené l’État libanais à contrevenir clairement à ses obligations internationales, notamment celle de garantir un niveau de vie adéquat à sa population ».

Olivier De Schutter cite notamment le manque de transparence de la BDL en matière de rapports financiers, sa pratique antérieure à la crise consistant à offrir « des taux d’intérêt disproportionnés aux banques commerciales et aux riches déposants » pour maintenir un taux de change fixe insoutenable de 1 507,5 livres pour un dollar et sa pratique consistant à laisser prospérer des taux de change multiples, ce qui « représente actuellement un obstacle aux négociations avec le FMI et est connu pour mener à la corruption ». Sur le marché parallèle, le dollar s’échange dernièrement autour de 27 000 livres, tandis que le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, fait l’objet d’enquêtes de plusieurs pays européens sur des allégations de détournement de fonds et de blanchiment d’argent.

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Après ces salves de critiques, le rapport conclut sur une série de recommandations capables, selon ses auteurs, de commencer à résoudre les problèmes identifiés. Pour réduire la pauvreté, Olivier De Schutter souligne que « le Liban doit présenter un plan de redressement économique et financier crédible dans lequel les pertes de la BDL sont reconnues et assumées par les actionnaires et les riches déposants ». Le Liban doit également, selon lui, modifier ses législations et réglementations pour permettre aux femmes d’accorder la citoyenneté à leur conjoint et à leurs enfants ; accorder le droit de travailler dans toutes les professions aux réfugiés syriens et palestiniens ; abolir le système de kafala (parrainage) pour les travailleurs migrants ; adopter un nouveau contrat de travail standard avec des droits renforcés ; et développer une « stratégie nationale de protection sociale » qui « devrait être financée par un système d’imposition progressif qui taxe la richesse et la lutte contre l’évasion fiscale ».

Grâce à ces solutions, « la misère infligée à la population peut être inversée à travers un leadership qui place la justice sociale, la transparence et la responsabilité au cœur de ses actions », prévient le rapport dans un appel du pied non voilé aux listes politiques issues de la contestation populaire du 17 octobre et œuvrant pour le changement du système libanais. Selon des experts, des candidats indépendants devraient d’ailleurs gagner plus de sièges que lors du dernier scrutin de 2018 mais aucun changement majeur dans l’équilibre des pouvoirs n’est attendu. Néanmoins, toutes les cartes sont entre les mains des électeurs devant se rendre aux urnes dimanche.

Après la récente publication d’un rapport de la Banque mondiale (BM) sur les « Macro Poverty Outlook Indicators » (MPO) dans lequel l’organisation a admis que la classe dirigeante libanaise n’était toujours pas prête à mettre en place les réformes nécessaires pour relancer une économie en lambeaux, c’est désormais au tour des Nations unies de tirer à boulets rouges...

commentaires (9)

Pourquoi vous ne saisissez pas les avoirs de ces traîtres mafieux comme vous venez de le faire avec les oligarques russes ? Après tout c’est bien une agression envers le peuple libanais dont il s’agit ? Aidez-nous à restituer les sommes dérobées aux libanais Svp.

Wow

17 h 27, le 12 mai 2022

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Commentaires (9)

  • Pourquoi vous ne saisissez pas les avoirs de ces traîtres mafieux comme vous venez de le faire avec les oligarques russes ? Après tout c’est bien une agression envers le peuple libanais dont il s’agit ? Aidez-nous à restituer les sommes dérobées aux libanais Svp.

    Wow

    17 h 27, le 12 mai 2022

  • Juste avant les élections ? Quel timing ! Quelle ingérence dans les affaires intérieures !

    Chucri Abboud

    15 h 30, le 12 mai 2022

  • Les libanais attendent toujours des actes concrets de la part des instances de justice internationale pour voir tous ces malfrats traduits en justice. Or, jusqu’alors ils ne font que constater ce que tous les libanais savent et les manigances de vols de tout genre continuent pendant que le peuple n’a plus de quoi s’éclairer ni se nourrir. Pourquoi les voleurs n’ont pas encore été sanctionnés ouvertement et leurs biens restitués au peuple sous le contrôle d’une institution internationale? Ils nous gavent de constatations et se mêlent les pinceaux en évoquant plusieurs problèmes dont le travail des réfugiés syriens et palestiniens alors que le taux de chômage des libanais a dépassé son record depuis des années et quand un libanais trouve du travail, il est payé au lance pierre, un salaire qui ne lui permet même pas de subvenir a ses besoins alimentaires. C’est quoi cette comédie qui s’étire et s’aggrave au fil du temps sans qu’aucun pays ne lève le petit doigt pour y mettre fin concrètement et non avec des accusations et des discours creux qui ne nous mènent nulle part à part à l’enfer promis par notre cher président depuis le début de son mandat et qui se concrétise jour après jour pendant que le FMI et les autres le regardent sans agir d’une manière adéquate à la hauteur de ce drame. Il s’agit d’un génocide sans armes ni bombes mais une guerre de famine qui menace des millions de libanais d’exode ou d’une mort certaine.

    Sissi zayyat

    10 h 57, le 12 mai 2022

  • yaani serieusement ils ont du merite, bcp de merite tous ces organismes internationaux de continuer a publier des analyses/conclusions/accusations qui visent nos mafieux au pouvoir actuels,precedents &, je le crains futurs. du merite car ils ne se degonflent pas au vu non pas de la non reaction de ces mafieux la, mais de leur reaction ignoble,vomitive a force d'arrogance et de mensonges debites sans vergogne, pour qui ttes les admonestations du monde ne leur fait que penses qu'il pleut sur leur face non qu'on leur crache dessus.

    Gaby SIOUFI

    10 h 16, le 12 mai 2022

  • IL NE SUFFIT PAS. IL FAUT DEBARRASSER LE PAYS DE CES MAFIAS, GUARANTIR LES DEPOTS DES GENS ET METTRE LE PAYS SOUS MANDAT FRANCAIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 14, le 12 mai 2022

  • Et pour terminer le commentaire de “Liberté de penser” que tous ces bandits de banquiers et autres renegats rendent tout l’argent qu’ils ont volé au Liban et au peuple libanais

    Khoury-Haddad Viviane

    09 h 47, le 12 mai 2022

  • Et encore le rapport de l’ONU est indulgent avec les dirigeants politiques et le gouverneur de le BdL. Mon rêve le plus cher est que toute cette bande passe devant une cour de justice internationale qui leur confisque tout l’argent volé et les condamne aux peines de prison adéquates

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 19, le 12 mai 2022

  • Quadreen ? Ils veulent affronter les voleurs mais absolvent les assassins. Encore de la poudre au yeux.

    Michel Trad

    09 h 18, le 12 mai 2022

  • Je vous invite à lire le programme de Qadreen qui a fait la même analyse que l onu aux dernières législatives de 2018 en prévenant que les banques allaient vers la faillite et qu il fallait réagir avant que le sachet de pain n arrive à 10 000 livres et le bidon d essence à 300 000 livres ! Aujourd’hui des actions sont possibles et des solutions à portée de main il manque le courage Votez pour l opposition qui présente des solutions et pas des slogans

    Marie line Jureidini

    07 h 53, le 12 mai 2022

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