Rechercher
Rechercher

Culture - Festival

La riche Semaine de l’orgue au Liban, comme aux jours heureux d’avant la crise

La riche Semaine de l’orgue au Liban, comme aux jours heureux d’avant la crise

La soprano libanaise Marie-Josée Matar a donné une poignante interprétation de l’« Ave Maria » de Verdi. Photo DR

La riche Semaine de l’orgue au Liban (SOL) initiée par le père Khalil Rahmé, directeur de l’école de musique de Notre Dame University, et le père Riccardo Ceriani, superintendant du festival d’orgue Terra Santa, s’est achevée en beauté le week-end dernier avec deux excellents concerts qui se sont tenus l’un en l’église Saint-Joseph à Beyrouth et l’autre en l’église Mar Zakhia à Ajaltoun.

Samedi, Fadi Khalil faisait ses débuts de chef à la tête de l’Orchestre philharmonique du Liban et du chœur Notre Dame University. Et quels débuts ! Précision, sensibilité et, chose rarissime et très difficile, il a dirigé par cœur. Pas la moindre partition devant ce chef d’orchestre, ce qui lui permet l’extraordinaire liberté de regarder chacun dans les yeux, d’être avec chaque choriste et chaque instrumentiste à tout moment. Tout le long du concert, l’orchestre et le chœur ont été rivés au chef, formant une matière intense et contrastée.

Ce concert a débuté par deux cantates pour chœur et orgue du compositeur libanais Iyad Kanaan (né en 1972), fleuron du patrimoine musical libanais, qui était lui-même présent dans l’église pleine à craquer, comme aux jours heureux d’avant la crise. L’organiste Silvio Celeghin a fait merveille bien qu’il jouait un orgue électronique. Il a su retentir avec force ou se retirer pour laisser la parole au chœur. L’œuvre est belle et sombre. Les textes sont ceux de deux psaumes, le n° 13 (Jusqu’à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse ?) et le n° 42 (Comme une biche soupire après des cours d’eau). La musique de Kanaan allie la science du chœur et l’imagination poétique épousant les contrastes du texte entre joie et colère, révolte et résignation, tristesse et bonheur. Le chœur a été d’une extraordinaire homogénéité et a restitué l’intention sous la direction inspirée de Fadi Khalil qui a profondément intériorisé l’œuvre.

En l’église Mar Zakhia de Ajaltoun, Les Cordes résonnantes et les élèves de la classe d’orgue de l’école de musique Notre Dame University. Photo DR

Puis est arrivé un ange de douceur, la soprano Marie-Josée Matar, qui a proposé une poignante interprétation de l’Ave Maria de Verdi, extrait d’Otello. La chanteuse s’est montrée irrésistible dans cette déchirante et ultime prière qui dans l’opéra précède de peu l’assassinat de l’héroïne par son mari jaloux.

Enfin, sont venues les Quatre pièces sacrées de Verdi pour chœur, orgue et orchestre, qui traduisent un mélange de piété et d’ambiguïté, parfois apaisées, comme en apesanteur, détachées des choses terrestres, d’autre fois au contraire douloureuses, imprégnées d’humanité, secouées de révolte face à l’inexorable, quasiment théâtrales. Soudés comme un seul homme, le chœur, l’orchestre et l’organiste ont su aller d’un extrême sonore à l’autre, entre austérité monacale et débordement lyrique, toujours conduits sans faille par Fadi Khalil. La difficulté technique de cette œuvre est immense et l’admiration a été grande de la voir interprétée avec un naturel qui fait oublier les terribles embûches vocales et musicales dont elle est tissée.

En bis retour de Marie-Josée Matar pour une superbe (et méconnue !) œuvre de Jules Massenet (que l’on appelle le Verdi français), Souvenez-vous Vierge Marie, qu’elle a interprété dans un doux et harmonieux dialogue avec les voix de femmes du chœur.

Fadi Khalil faisait ses débuts de chef à la tête de l’Orchestre philharmonique du Liban et du chœur Notre Dame University. Photo DR

Orgue baroque

Le lendemain dimanche, en l’église Mar Zakhia de Ajaltoun, le baroque était au programme avec quelques petites incursions dans le classique pour l’orchestre de chambre Les Cordes résonnantes et les élèves de la classe d’orgue de l’école de musique Notre Dame University. Les organistes (Jad Alghaoui, Raphaël Tabet, Rita Abou Khalil, Céline Hjeily, Bachir Hjeij) ont présenté des œuvres de Bach, Pachelbel, Sigismondo, Bruhns, avant qu’interviennent Les Cordes résonnantes pour des sonates de Mozart et un concerto de Haendel. Tous étaient placés sous la pétillante et efficace direction du chef italien Cosimo Prontera.

Le nom de Haendel est certes bien connu de tous, mais son merveilleux Concerto opus 7 n° 5 n’encombre en général pas les programmes de concert. Cette œuvre publiée à titre posthume par l’éditeur anglais de Haendel fait partie d’un cycle de plusieurs concertos qui lui servaient d’interludes pendant les représentations et les oratorios. Il a été ici joué avec un style et une tendresse qui ont montré d’évidence que les interprètes étaient très à leur aise dans ce répertoire. Les Sonates de Mozart pour orgue et orchestre, juvéniles et joyeusement enlevées, ont complété avec bonheur cet étincelant bouquet musical.

Outre ces partitions relativement méconnues et superbes, ce concert a permis de (re)découvrir l’orchestre de chambre Les Cordes résonnantes, ensemble frémissant et plein du relief de la joie de jouer. Leur complicité avec le chef s’est traduit de manière intensément évocatrice, toujours dans le ton juste et dans l’esprit de l’œuvre.

Il est revigorant de constater que, contre vents et marées, il existe encore au Liban une vie musicale de grand intérêt, notamment grâce à de jeunes interprètes qui résistent courageusement et luttent âprement afin de maintenir, malgré les difficultés existentielles traversées par chacun, un haut niveau d’exigence artistique.

La riche Semaine de l’orgue au Liban (SOL) initiée par le père Khalil Rahmé, directeur de l’école de musique de Notre Dame University, et le père Riccardo Ceriani, superintendant du festival d’orgue Terra Santa, s’est achevée en beauté le week-end dernier avec deux excellents concerts qui se sont tenus l’un en l’église Saint-Joseph à Beyrouth et l’autre en l’église Mar...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut