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Politique - Circonscriptions

À Baalbeck-Hermel, le Hezbollah veut régner en maître absolu

Dans son fief, le parti pro-iranien affronte les FL dont la liste a subi un sérieux revers après le retrait de deux candidats chiites. Décryptage.

À Baalbeck-Hermel, le Hezbollah veut régner en maître absolu

Des partisans du Hezbollah célébrant la victoire du parti aux législatives, le 6 mai 2018. Haytham el-Tabei/AFP

La circonscription de Baalbeck-Hermel (Békaa III) est un fief incontesté du Hezbollah. Mais c’est aussi la seule région où le parti chiite affronte frontalement son plus grand adversaire sur la scène locale : Samir Geagea et ses Forces libanaises. Hussein Hajj Hassan, actuel député Hezbollah de Baalbeck, a déjà donné le ton : « Les FL sont le fer de lance de la bataille contre la résistance », a-t-il tonné le 11 avril. En 2018, ce parti avait créé la surprise en faisant son entrée dans ce bastion du parti pro-iranien grâce à la nette victoire d’Antoine Habchi, qui avait emporté le seul siège maronite de la circonscription. Pour le scrutin de 2022, l’objectif du parti chiite est clair : se réaffirmer en maître incontestable de la Békaa III, face à la société civile et aux groupements issus de la contestation, mais surtout face aux FL à qui il est parvenu à arracher deux candidats chiites qui se sont retirés de la course. Outre ces retraits, qui pourraient se multiplier selon plusieurs experts électoraux, des menaces et des incidents sécuritaires ciblant des opposants au Hezbollah ont été récemment enregistrés dans la circonscription. Une tentative claire de museler et de décourager toute voix dissonante.

Les forces en présence

Dix sièges sont à pourvoir dans cette circonscription : six chiites, deux sunnites, un maronite et un grec-catholique.

Six listes se lancent dans la compétition qui promet d’être fiévreuse. L’une d’elles est le fruit de l’alliance entre le tandem Amal-Hezbollah d’une part et le Courant patriotique libre de l’autre. Un rapprochement auquel s’est joint le Parti syrien national social (PSNS, l’aile Assaad Hardane). Cette liste devra croiser le fer avec une autre parrainée par les FL, qui ont tendu la main au cheikh Abbas Jaouhari, un dignitaire chiite connu pour son opposition au Hezbollah. Parallèlement, trois listes relèvent de la contestation d’octobre 2019, dont une parrainée par Charbel Nahas, chef du mouvement Citoyens et citoyennes dans un État. Sur cet échiquier, il faut naturellement ajouter une liste parrainée par les tribus et clans dont la présence est traditionnelle dans la région de Baalbeck-Hermel.

Entre 2018 et 2022

Lors du scrutin précédent, le tandem Amal-Hezbollah avait formé une liste avec le PSNS. Après avoir obtenu 140 747 votes alors que le seuil électoral était de 18 706 voix, elle a raflé huit sièges, dont les six chiites. Il s’agit de Jamil Sayed (33 223 voix préférentielles), Ihab Hamadé (18 404), Ghazi Zeaïter (17 767), Ali Mokdad (17 321), Ibrahim Moussaoui (16 942) et Hussein Hajj Hassan (15 662). Quant aux sièges sunnites, le tandem chiite en a emporté un, Walid Succariyé au Hermel (6 916 voix), et concédé le second au courant du Futur. En ce qui concerne le PSNS, il avait fait élire Albert Mansour (grec-catholique), figure prosyrienne, grâce à 5 881 voix. M. Mansour a renoncé cette année à briguer un nouveau mandat parlementaire. Et c’est à partir de son siège que le CPL pourrait faire son entrée dans la région. Car un accord a semble-t-il été conclu avec le Hezbollah pour que le siège grec-catholique revienne à la formation aouniste (qui appuie à cet effet la candidature de Samer Toum). En échange, le Hezbollah devrait obtenir le siège chiite de Jbeil, en conduisant Raëd Berro à la Chambre.

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Le PSNS, lui, sera représenté sur la liste du Hezbollah par l’aile Assaad Hardane avec Akid Hanna Hadchiti, qui brigue le siège maronite. Le parti pro-iranien a ainsi complété sa liste qui ne porte aucun changement au niveau des figures chiites. Même Jamil Sayed, actuel député de Baalbeck, vu comme un sérieux concurrent de Nabih Berry à la présidence de la Chambre, est parvenu à conserver sa place, aux dépens de Ali Hijazi, secrétaire général du parti Baas.

Intimidations

En face, les regards sont rivés sur les Forces libanaises. Lors des législatives de mai 2018, le parti chrétien avait réussi un coup de maître en menant Antoine Habchi à la Chambre, grâce à 14 858 voix préférentielles. Cette victoire était en partie le résultat de l’alliance tissée avec le courant du Futur. Celui-ci avait lui aussi conduit à l’Assemblée son candidat, Baker Hojeiri (originaire de Ersal, grand village sunnite de la région), qui avait séduit 5 994 votants.

En 2022, la donne semble un peu plus compliquée pour les FL qui ont perdu leur allié de poids du fait de la décision de Saad Hariri de boycotter les législatives. Les relations actuellement tendues avec le parti bleu leur compliquent un peu plus la tâche. Dans les milieux proches de Meerab, on se veut toutefois optimiste. « Nous avons de très bons rapports avec la communauté sunnite, et les choses progressent », affirme Nohra Abou Younès, responsable de la machine électorale FL à Baalbeck. « En 2018, les sunnites avaient accordé 15 000 votes à notre liste et 2 000 voix préférentielles à Antoine Habchi », souligne-t-il, reconnaissant qu’une probable abstention sunnite pourrait avoir des conséquences sur le score du parti dans les urnes. Mais de sources concordantes, on apprend que les FL bénéficient aujourd’hui du soutien de Fouad Siniora, ancien Premier ministre et adversaire déclaré du Hezbollah. L’ancien Premier ministre soutient la candidature de Zeidan Hojeiri qui fait partie de la liste des FL. « Il est très probable que les sunnites (non affiliés au Futur) votent pour lui, et donc pour la liste dont fait partie Antoine Habchi », commente Fouad Khalil, expert électoral et analyste originaire de Baalbeck, interrogé par L’Orient-Le Jour.

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Autre revers subi par la liste parrainée par les FL : deux des six candidats chiites, Ramez Ahmaz, ancien président de la municipalité de Laboué, et Hayman Mcheik se sont récemment retirés de la course. Et sur le terrain, des partisans du Hezbollah ont tenté d’intimider lundi le cheikh Abbas Jaouhari en plein meeting électoral. Dans une vidéo ayant circulé sur les réseaux sociaux, on voit le dignitaire chiite exhorter les électeurs à « voter librement » lorsque de jeunes éléments armés se mettent à tirer massivement en l’air. « Le Hezbollah tente de nous terroriser parce qu’il a peur d’une percée chiite », affirme sans ambages le cheikh à L’OLJ. « Ce parti est conscient du changement de tendance politique chez les chiites, et il a en a peur. Ces agissements ne vont pas nous effrayer. Bien au contraire, ils accroissent les rangs de nos partisans », affirme-t-il.

Pour ce qui est de la société civile, ses trois listes n’avaient obtenu aucun siège en 2018, n’ayant pas atteint le quotient électoral. Un scénario qui risque de se reproduire le 15 mai. D’autant que les groupements de la contestation n’ont pas réussi à unifier leurs rangs et que les candidats hostiles au Hezbollah semblent être victimes d’intimidations et d’agressions. Tel est le cas de Abbas Yaghi, candidat chiite sur la liste baptisée « La coalition du changement ». Selon notre correspondante dans la Békaa Sarah Abdallah, une personne a été blessée lors d’une dispute lundi dans le bureau de M. Yaghi, qui avait critiqué l’arsenal du Hezbollah.

Les principaux enjeux

- Le siège maronite : actuellement occupé par Antoine Habchi, ce siège semble être au cœur de la confrontation entre les FL et le Hezbollah. Car de l’avis de plusieurs experts, le retrait de Ramez Amhaz et Hayman Mcheik serait le résultat d’une manœuvre du Hezbollah pour affaiblir la liste parrainée par les FL, élever le seuil d’éligibilité et réduire les chances de M. Habchi de conserver son siège. Une lecture que M. Amhaz ne partage pas. « Je n’ai subi aucune pression », assure-t-il à L’OLJ. « Je ne suis pas contre l’arsenal du parti, mais j’ai des remarques sur l’action de ses parlementaires. Je n’ai donc pas pu passer outre à la pression de ma famille et mon clan, qui défendent les armes du parti, dont les FL veulent se débarrasser », confie-t-il, croyant savoir que son colistier a dû subir les mêmes pressions familiales. Quoi qu’il en soit, les FL se disent en bonne position. « Ces agissements du Hezbollah ne nous étonnent pas, mais nous sommes confiants dans la victoire de M. Habchi et œuvrons pour remporter un second siège », assure Nohra Abou Younès.

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- L’inconnue sunnite : les sunnites constituent 14 % de l’électorat dans cette circonscription. Que feront-ils maintenant que le leader Saad Hariri s’est retiré de la scène ? « Le Hezbollah fait tout pour augmenter le seuil électoral et compliquer la tâche de ses adversaires, notamment les FL », analyse Fouad Khalil, rappelant que le parti de Samir Geagea a perdu avec le Futur un allié de poids. « Si les sunnites décident de bouder les urnes, il sera difficile pour les FL de conserver leur siège maronite », dit-il. « Tous les indices montrent que les sunnites vont boycotter le scrutin », avance-t-il. Avant de préciser que si cette tendance s’inverse à la dernière minute, une réélection de M. Habchi devient probable.

Listes en compétition

1- Loyauté et fidélité : tandem chiite Amal-Hezbollah + Courant patriotique libre + (l’aile Hardane du) Parti syrien national social Samer Toum ; Melhem Houjeiri ; Yanal Solh ; Ali Mokdad ; Hussein Hajj Hassan ; Ibrahim Moussaoui ; Jamil Sayed ; Ihab Hamadé ; Akid Hadchiti.

2 – Édifier un État : Forces libanaises + le cheikh Abbas Jaouhari Élie Bitar ; Saleh el-Chall ; Zeidan Mohammad Houjeiri ; Rachid Issa ; Hussein Raad ; Refaat Masri ; le cheikh Abbas Jaouhari ; Antoine Habchi ; Ramez Amhaz et Hayman Mcheik (se sont retirés de la course).

3 – Le coalition du changement : contestation Talal Makdessi ; Khaled Solh ; Mohammad Mahmoud Houjeiri ; Ali Abi Raad ; Oussama Chamas ; Samy Toufaily ; Chérif Sleiman ; Abbas Yaghi ; Youssef Fakhry.

4 – Indépendants contre la corruption : contestation Abdallah Aad ; Ahmad Carnaby ; Ali Abdel Hamid ; Hassan Mazloum ; Ahmad Chokr ; Hussein Darwiche ; Imad Nasreddine ; Hani Chamas ; Chaouki Fakhry.

5 – Capables : Citoyens et citoyennes dans un État (de Charbel Nahas) Michel Mhanna ; Mohammad Jabaoui ; Sarah Zaaiter ; Daher Amhaz.

6 – Les tribus et les familles pour le développement : tribus et clans de Baalbeck-Hermel Mohammad Fliti; Ali el-Mawla ; Medhat Zeaïter ; Chéhrazad Hamié ; Mohammad Osman.

Fiche technique

Deux cazas : Baalbeck et le Hermel

Nombre d’électeurs inscrits : 341 293 dont 7 854 expatriés.

Répartition confessionnelle des électeurs : 72% chiites, 14% sunnites, 7% maronites, 5% grecs-catholiques, 1% grecs-orthodoxes, 1% autres.

Seuil électoral en 2018 : 10% des voix, soit 18 706 suffrages.

Tensions nocturnes à Beyrouth, des affiches électorales incendiées

Des manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs quartiers de Beyrouth, dans la nuit de mardi à mercredi, coupant certains axes et incendiant des affiches électorales, rapportent plusieurs médias locaux. Des routes ont été bloquées au moyen de bennes à ordures dans les quartiers de Corniche Mazraa et Kaskas, selon ces médias, qui précisent que les manifestants protestaient contre la crise économique et les coupures de courant. Sur des photos, l’on peut également voir que des affiches, notamment de la liste du candidat indépendant Fouad Makhzoumi, ont été incendiées et décrochées par les contestataires. Les quartiers où ces mouvements de protestation ont eu lieu sont plutôt traditionnellement liés au courant du Futur de l’ex-Premier ministre Saad Hariri, qui a décidé de se retirer de la scène politique et de boycotter le scrutin.

La circonscription de Baalbeck-Hermel (Békaa III) est un fief incontesté du Hezbollah. Mais c’est aussi la seule région où le parti chiite affronte frontalement son plus grand adversaire sur la scène locale : Samir Geagea et ses Forces libanaises. Hussein Hajj Hassan, actuel député Hezbollah de Baalbeck, a déjà donné le ton : « Les FL sont le fer de lance de la...

commentaires (9)

Ils ont dû dire à Ramez Amhaz et Hayman Mcheik: nous savons où vous habitez et où vos enfants vont à l’école. Tout simplement…

Gros Gnon

12 h 04, le 29 avril 2022

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Commentaires (9)

  • Ils ont dû dire à Ramez Amhaz et Hayman Mcheik: nous savons où vous habitez et où vos enfants vont à l’école. Tout simplement…

    Gros Gnon

    12 h 04, le 29 avril 2022

  • Chapeaux au Chiites qui se présentent contre le HA! Il faut avoir une paire de... pour les affronter... Bravo!

    Marwan Takchi

    22 h 56, le 28 avril 2022

  • Il faut un sacré courage à un chiite pour se présenter contre le Hezbollah à Baalbek.

    Yves Prevost

    15 h 06, le 28 avril 2022

  • La simple tenue d'élections avec la participation du Hezbollah mais aussi de ses pendants aux autres extrêmes est une parodie de démocratie, une catastrophe en soi, une tromperie, une honte sachant que la plupart des gens veulent émigrer justement sous des cieux où ces bandes n'ont pas cours. Mais je voterai, exactement comme des jeunes qui veulent le changement me diront de faire.

    M.E

    14 h 40, le 28 avril 2022

  • C’est pour cela qu’il faut voter FL .. en masse !!

    Bery tus

    14 h 01, le 28 avril 2022

  • De la mouise.

    Sissi zayyat

    11 h 56, le 28 avril 2022

  • Il veut régner par la terreur comme tous les dictateurs qui l’inspirent. Quel deshonneur et quelle manque de dignité que d’aller voter pour des partis qui ont comme initial NPNS et jama’a islamya, alliés de nos chers protecteurs des chrétiens. THFOU TFOU MILLE TFEH sur les traitres de ce pays et ceux qui iront les voter. Il ne faut pas aller pleurer après coup et quémander l’aide des pays étrangers pour les tirer de la mousse dans laquelle ils se sont volontaire fourrés.

    Sissi zayyat

    11 h 18, le 28 avril 2022

  • Sa communauté ( pardon, mauvaise manipulation matinale)

    Citoyen

    10 h 07, le 28 avril 2022

  • Peut on m'expliquer la complexité et l'inutilité certe élection ? Présenter des listes appartenant à une confession mais qui serait élue par une autre confession, majoritaire et implantée dans la région ou dans le village ? La confession un député ne représente donc plus sa confession, et n'oeuvre donc pas afin d' aider s

    Citoyen

    08 h 37, le 28 avril 2022

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