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Économie - Focus

L’économie libanaise manque cruellement de femmes

« Les stéréotypes ont encore la peau dure, avec nombre de restrictions d’origine sociale et culturelle qui entravent l’accès des Libanaises aux postes de responsabilité », déplore une entrepreneure.

L’économie libanaise manque cruellement de femmes

Graffiti de femme sur un mur de Beyrouth. Photo P.H.B.

En 2019, avant que le Liban ne sombre dans une crise multidimensionnelle dont il peine encore à voir le bout, la Société financière internationale (SFI), bras privé de la Banque mondiale, appelait à augmenter l’inclusion des femmes dans le processus de décision des entreprises libanaises en mettant en avant, études à l’appui, ses effets vertueux pour l’économie. Au début de la même année, le pays s’apprêtait même à lancer une stratégie, financée par la BM, la SFI et le gouvernement canadien, pour augmenter la participation des femmes sur le marché du travail.

Si des progrès ont bien été réalisés depuis, ils sont cependant encore loin d’être suffisants. En mars dernier, un rapport de la Banque mondiale sur la question (Les Femmes, l'entreprise et le droit 2022) plaçait le Liban au 160ème rang mondial sur 190 pays dans le monde, et au 7ème rang sur 20 pays arabes dans son classement de l’indice évaluant l’influence des réglementations sur la participation économique des femmes, ainsi que sur l’égalité des chances entre les deux sexes sur le marché du travail.

Ce positionnement marque un léger mieux par rapport au précédent classement – 9 places de plus au niveau mondial, une au niveau régional et un score en progression de 6,5 points à 58,75 sur 100 – mais ne modifie pas encore sensiblement le constat de départ qui souligne les carences libanaises dans ce domaine. L’indice d’égalité de genre du Liban s’élève pour sa part à 0,638, ce qui le place au 132ème rang sur 155 dans le classement mondial établi par le Forum économique mondial, dans son rapport de 2021 sur l'écart entre les femmes et les hommes.

Difficultés d'accès aux services

"Il y a des efforts pour renforcer l’autonomisation des femmes et leur niveau de participation à l’économie du pays, mais cela reste encore basique", confirme Fidèle el-Achkar. Consultante en sécurité alimentaire et fondatrice de la plateforme de conseil en ligne FoodSight, cette entrepreneure est aussi membre du MENA Women Business Club, lancé pour soutenir l'entrepreneuriat des femmes dans la région par l’Onudi (Organisation onusienne pour le développement), l'Union pour la méditerranée (UpM, organisation intergouvernementale regroupant 42 pays, dont les 27 membres de l’UE ainsi que le Liban et plusieurs de ses voisins) et le Business Club Africa.

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"Les stéréotypes ont encore la peau dure, avec nombre de restrictions d’origine sociale et culturelle qui entravent par exemple l’accès des Libanaises aux postes à responsabilités. L’écosystème est, lui, toujours très lacunaire sur ce plan", ajoute la consultante. En marge de la journée de la femme le mois dernier, elle participait au lancement d’un autre rapport, le premier réalisé dans le cadre du mécanisme intergouvernemental de suivi de l'égalité des sexes en Méditerranée, lancé par l’UpM. Principal enseignement : c’est en Europe (3,4%) et dans la région MENA (4,1%) que les pourcentages de nouvelles entreprises créées par des femmes sont les plus faibles par rapport à la moyenne mondiale de 5,5%. Parmi les causes principales de ce constat d’échec, les auteurs citent notamment "les difficultés d'accès aux services et réseaux de soutien aux entreprises, l'accès limité aux ressources productives (en particulier au financement) et le manque de compétences et d'opportunités de formation".

Métiers difficiles

Ces handicaps s’appliquent aussi au cas libanais, selon Anna Dorangricchia, experte sur les questions de genre à l’UpM. Elle concède toutefois que les données concernant le Liban sont lacunaires, les autorités n’ayant pas répondu à toutes les demandes d’informations formulées par ses rédacteurs. Selon les informations ayant pu être collectées via d’autres sources (dont des chiffres des Nations unies), il ressort notamment que le Liban fait malheureusement partie des pays membres de l’UpM dont la législation ne consacre pas explicitement l’égalité homme/femme en matière de rémunération, tandis qu’elles sont souvent écartées de certains métiers qualifiés de "difficiles" et "dangereux", mais sans les lister.

Concernant cette dernière catégorie, le rapport ne cite pas d’exemples, mais il est connu que les femmes ne sont quasiment pas représentées parmi les ouvriers de chantiers ou les ramasseurs de déchets, sans que cette situation ne soit entérinée par une loi. À titre de comparaison, l’Algérie partage cette spécificité, tandis qu’Israël limite de la même manière l’accès des métiers "dangereux" aux femmes, selon les données du rapport. "C’est à ce niveau que les stéréotypes ont le plus d’impact, les femmes étant littéralement découragées par leur environnement à s’orienter vers des métiers considérés comme physiques, dangereux, voire techniques", commente Fidèle el-Achkar.

Autre donnée propre au Liban mise en exergue par le rapport et qui peut se révéler handicapante pour une femme engagée dans une carrière professionnelle, la durée des congés de maternité est moins élevée (10 semaines) que dans les autres pays de l’EpM (14 semaines). La Palestine (territoires palestiniens occupés) ou encore la Tunisie sont dans le même cas. "Emploi, création d’entreprise, recherche d’investisseurs… Tout est plus compliqué pour les Libanaises", enchaîne Fidèle el-Achkar, qui met également en avant "le comportement des consommateurs", qui vont parfois se distancier d’une entreprise ou d’un service assuré par une femme en raison des stéréotypes qu’ils associent à sa condition, sans égard pour sa compétence réelle. Elle concède également que la crise que le pays traverse depuis plus de deux ans et demi "a rendu les choses plus difficiles", mais refuse d’abandonner le combat. "Personne ne nous donnera rien si on ne le demande pas et l’initiative de l’UpM représente une bonne opportunité de braquer les projecteurs sur ce défi", affirme-t-elle avec conviction.

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En attendant d’hypothétiques réformes majeures au niveau institutionnel, les femmes doivent pour l’heure compter essentiellement sur des initiatives ponctuelles pour s’émanciper. La dernière en date, baptisée WEEL, a été lancée par l’agence publique Expertise France et l’incubateur et accélérateur de startups Berytech, dans le cadre d’un programme de l’Union européenne pour l’autonomisation des femmes (EU4WE – European Union for Women Empowerment, lancé en octobre 2019 et programmé pour 3 ans). Les organisateurs prévoient de fournir des dons allant de 8.000 à 50.000 euros à un nombre de PME possédées ou dirigées par des Libanaises et enregistrées dans le pays. Les autres critères d’éligibilité et de sélection sont disponibles sur le site de Berytech.

En 2019, avant que le Liban ne sombre dans une crise multidimensionnelle dont il peine encore à voir le bout, la Société financière internationale (SFI), bras privé de la Banque mondiale, appelait à augmenter l’inclusion des femmes dans le processus de décision des entreprises libanaises en mettant en avant, études à l’appui, ses effets vertueux pour l’économie. Au début de la...

commentaires (2)

seule un peu plus de patience est requise. Ces dames arriveraient aux chiffres requis -vus sous tous les angles- dans qqs annees. juste se rappeler que les femmes Europeennes en sont encore aujourd'hui a en demander un peu plus, a se lamenter de certains droits brimes.

Gaby SIOUFI

16 h 26, le 26 avril 2022

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Commentaires (2)

  • seule un peu plus de patience est requise. Ces dames arriveraient aux chiffres requis -vus sous tous les angles- dans qqs annees. juste se rappeler que les femmes Europeennes en sont encore aujourd'hui a en demander un peu plus, a se lamenter de certains droits brimes.

    Gaby SIOUFI

    16 h 26, le 26 avril 2022

  • Cette rengaine devient franchement ridicule! Les femmes sont actuellement plus nombreuses que les hommes presque partout: fonction publique, hôpitaux, banques, sociétés d'assurance, et j'en passe! Il y a encore une seule chose que les femmes ne peuvent pas encore faire: cf.1 Samuel 25: 22(King James Version)!

    Georges MELKI

    08 h 12, le 26 avril 2022

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