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Culture - Entretien

Ibrahim Maalouf à Bercy : Ce que j’attends surtout, c’est que la magie opère !

À quelques jours de son grand concert à l’Accor Arena de Bercy le 27 avril, le musicien franco-libanais dévoile quelques-unes des surprises prévues pour l’événement. La première fois qu’il avait foulé cette scène grandiose, le célèbre trompettiste avait reçu en 2017 le prix du meilleur concert de l’année aux Victoires de la musique. C’était la première fois qu’un musicien jazz donnait un concert dans la plus grande salle de France, qui peut accueillir plus de 20 000 personnes. « Intensité, surprise et amour », tels sont les mots qui résument le show à venir selon le musicien lui-même. Cette fois, que va proposer Ibrahim Maalouf sur cette scène où il a déjà joué avec Matthieu Chedid, Quincy Jones et bien d’autres ?

Ibrahim Maalouf à Bercy : Ce que j’attends surtout, c’est que la magie opère !

Ibrahim Maalouf : « Le Liban m’inspire beaucoup et me pousse à me créer une sorte de patrie culturelle imaginaire et rassurante. » Photo DR

Quelques jours avant d’y retourner, quels souvenirs gardez-vous de votre dernier concert à Bercy ?

C’est la seconde fois que je suis seul à Bercy, mais j’y ai déjà joué plusieurs fois avec des artistes extraordinaires, comme Matthieu Chedid, Tryo, Quincy Jones ou encore Jon Batiste qui vient de remporter 5 Grammy Awards. Mon concert le 14 décembre 2016 à Bercy est l’un des plus grands souvenirs de ma vie aussi. C’est 17 000 personnes, une énergie incroyable et une forme de folie. En tant que trompettiste assimilé au jazz, faire un concert à Bercy me semble incroyable, je ne suis pas rappeur ou chanteur de pop… Ce concert du 27 avril, on l’attend impatiemment, car on sait qu’on va vivre un très grand moment.

Dans quelle mesure votre musique a-t-elle évolué depuis 2016 ?

J’ai les pieds très attachés au sol, ma famille, mes amis, les musiciens autour de moi, les techniciens, sont des gens avec qui je travaille depuis longtemps et avec qui on est proches. Ma famille est extrêmement critique sur tout ce que je fais, elle me fait des retours toujours très honnêtes sur mon travail. Je crois que je suis toujours le même musicien et je travaille avec le même état d’esprit : je suis un chercheur, je creuse, je tente des choses. Je ne m’installe pas dans des certitudes, je suis tout le temps dans la recherche du prochain projet, de la prochaine idée. Tant que je reste dans cette démarche, je suis toujours le même artiste.

Ma musique, heureusement, évolue constamment d’un album à un autre, d’un projet à un autre, et même dans un même album, sur lequel je peux travailler pendant plusieurs années, où on peut trouver des différences énormes.

Votre concert a reçu le prix du meilleur concert aux Victoires de la musique en 2017. Pour ce concert à venir, qu’espérez-vous ?

Les Victoires de la musique, c’était complètement fou ; j’ai reçu 2 Victoires, une en 2014 et une en 2017, et c’était pour le meilleur concert de l’année : ça n’était jamais arrivé qu’un instrumentiste reçoive cette récompense, en général ce sont plutôt des DJ ou des chanteurs, des chanteuses. J’en suis très fier, mais on ne bâtit pas des projets en fonction des récompenses, je ne m’y attendais pas en 2017, et cette fois-ci non plus je n’y pense pas. Ce que j’attends surtout, c’est que la magie opère, et je pense que ce sera le cas, car on a vraiment préparé un spectacle génial : on va faire des choses qui n’ont jamais été faites à Bercy ou même en concert. On va vraiment créer un événement à proprement parler.

Au Liban, quel est votre meilleur souvenir de concert ?

J’ai beaucoup de souvenirs de très beaux concerts, j’ai pratiquement joué dans tous les festivals : les festivals de jazz, Baalbeck, Beiteddine, Byblos, Zouk, le festival Beirut Chants… Celui qui me revient date de la fin de la guerre, en 1993, quand j’avais environ 13 ans, et on avait fait un concert à l’Assembly Hall dans le cadre du Festival al-Bustan. Je me souviens de l’état de Beyrouth, ces images sont restées gravées dans mon cerveau, elles ne concernent pas vraiment le concert de musique classique lui-même, mais le souvenir extraordinaire de la ville. Le Liban m’inspire beaucoup et me pousse à me créer une sorte de patrie culturelle imaginaire et rassurante.

Définiriez-vous votre musique comme nomade dans sa perméabilité des styles et dans la variété des associations que vous proposez ?

Je ne sais pas si ma musique est nomade, mais moi, je le suis complètement. Ma musique est une sorte de créolisation de toutes les cultures qui m’intéressent, du monde de la chanson, des musiques arabe, orientale, libanaise, du monde de la musique classique, du jazz, de Miles Davis, du rap, de la pop, des musiques de film sur lesquelles je travaille depuis longtemps… Mais aussi des musiques d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud, de Cuba... J’ai l’impression que mes inspirations sont nomades et je catalyse tout cela dans mes compositions.

Chaque titre, comme « Maeva in Wonderland », n’est-il pas éminemment narratif ?

C’est vrai qu’il y a toujours une histoire derrière et beaucoup de symbolique, d’évocations personnelles, qui peuvent parler à d’autres autour de certaines valeurs universelles. Mais ce n’est pas toujours narratif dans le sens chronologique du terme. Dans mes concerts, j’ai tendance à beaucoup parler, mes musiques n’ayant pas de paroles, j’ai envie que le public parte de là en ayant compris de quoi il s’agit, et j’aime raconter cette dimension.

Dans certains titres, comme « Red and Black Light », votre voix se greffe sur les lignes mélodiques, comment parvenez-vous à équilibrer le vocal et l’instrumental ?

J’ai beaucoup travaillé avec le monde de la chanson, et je le fais encore. La voix humaine m’inspire énormément et j’ai collaboré avec plusieurs chorales, et avec des maîtrises. Ce que j’aime dans le son de la trompette, c’est lorsqu’il imite une voix humaine, et comme j’adore chanter et que je n’ai pas une très belle voix, je me sers de mon instrument pour cacher ma voix, et il la remplace.

C’est très beau de travailler la voix dans des compositions instrumentales, ça génère beaucoup d’émotion, j’utilise beaucoup tout ce qui est choral. Et puis j’adore aborder le public comme une chorale, je le fais souvent chanter en concert sur mes musiques.

Vos compositions fonctionnent-elles autour d’un schème musical repris, amplifié, modulé, autour duquel vous gravitez ?

Mes compositions musicales sont toujours faites de la même manière, elles partent dans une improvisation totale, il n’y a absolument aucun code, aucune règle, je vais partout où mon inspiration me guide. Je ne m’interdis jamais ce que j’aime, ce qui m’inspire, ce qui me rythme, ce qui me donne envie de vivre. Je considère la musique comme un énorme motivateur dans la vie, une vaste machine à émotions, et je laisse ma musique aller partout où elle le souhaite.

L’improvisation est partout dans la genèse musicale. Sur scène, j’aime bien que les choses soient précisément écrites et organisées, mais je me garde toujours des plages plus libres.

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Pour ce concert du 27 avril, pouvez-vous nous dévoiler au moins une des « surprises » que vous préparez à votre public ?

Il y en aura beaucoup, dont des événements jamais réalisés sur scène dans l’histoire de Bercy. Sur le plateau, il y aura mon groupe, on est une quinzaine de musiciens de toute l’Europe, mais aussi de Cuba, puisqu’au départ, c’est le projet « S3NS » que je fais à Bercy, et il est très inspiré par la musique cubaine. Je suis en train de travailler la programmation, mais ce qui est important, ce n’est pas le nombre de morceaux interprétés, c’est ce qu’on va partager : le public va être vraiment surpris ! « Intensité, surprise et amour » résument bien ce qui va avoir lieu.

Avez-vous eu le sentiment que votre musique a évolué depuis la pandémie de Covid-19 ?

Oui, d’autant plus que, pendant le confinement, j’étais chez moi avec ma grand-mère maternelle de 99 ans qui aujourd’hui nous a quittés. Je suis très ému en l’évoquant, elle était un vrai pilier dans notre famille et elle a terminé ses jours chez moi. On s’est retrouvés tous les deux, on a partagé beaucoup de moments ensemble, c’était très fort, et j’ai eu un retour aux sources très important. J’avais vécu des événements difficiles et j’avais besoin de me ressourcer. Ce fut comme une renaissance pour moi.

À cette période, j’ai fêté mes 40 ans avec mon ami guitariste François Delporte et on a fait un album en duo avec 40 mélodies. J’en ai rajouté trois que j’ai composées. Dans cet album, il y a plein d’invités, Sting, Marcus Miller, Hüsnü Senlendrici pour ceux qui aiment la musique turque, le Chorus Quartet pour ceux qui aiment la musique classique… J’ai travaillé avec des musiciens extraordinaires du monde entier, Richard Bona et beaucoup d’autres, et j’ai vécu un anniversaire incroyable, comme un retour à l’essentiel. J’ai beaucoup appris au cours de cette période qui m’a fait évoluer sur les plans personnel et musical.

Depuis la reprise des concerts, comment ressentez-vous votre public ?

Je les trouve dingues, ils sont tellement géniaux : ce n’est pas un public de « fanatiques », avec trop de ferveur, et ce n’est pas non plus un public indifférent, insensible. L’atmosphère est familiale, hétéroclite et très diversifiée. Il y a de tout, des gens qui aiment le jazz ou qui ne l’aiment pas, certains aiment la musique arabe, d’autres non, des gens qui m’ont découvert grâce à la musique classique il y a 20 ans, d’autres qui m’ont découvert en jouant avec Matthieu Chedid ou je ne sais quel rappeur récemment. Je les aime tous et j’ai une chance incroyable de les avoir. À quelques jours de Bercy, je suis plein d’énergie et impatient d’être sur scène, et je sais qu’on va passer un moment dingue.

Lequel de vos morceaux résume le mieux le Liban comme vous le rêvez, au présent et au futur ?

Il y a plein de morceaux qui peuvent aller dans le sens de ce qu’évoque pour moi le Liban d’aujourd’hui, le Liban de demain, les espoirs que j’ai pour mon pays. Je crois qu’il y a une musique qui lui ressemblera beaucoup, elle va sortir bientôt, car c’est le premier single de mon prochain album prévu pour cet automne. On va la jouer pour la première fois à Bercy, c’est un mélange de tout ce que j’aime en général dans la culture libanaise, dans le métissage, dans la fête, dans la joie de vivre et dans la résilience.

Quelques jours avant d’y retourner, quels souvenirs gardez-vous de votre dernier concert à Bercy ? C’est la seconde fois que je suis seul à Bercy, mais j’y ai déjà joué plusieurs fois avec des artistes extraordinaires, comme Matthieu Chedid, Tryo, Quincy Jones ou encore Jon Batiste qui vient de remporter 5 Grammy Awards. Mon concert le 14 décembre 2016 à Bercy est l’un des plus...

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