
Le ministre libanais de l’Information Ziad Makari et l’ambassadrice de France Anne Grillo au moment de la signature de la convention. Photo Dalati et Nohra
Quel Libanais n’a pas été bercé à un moment ou un autre de sa vie par les feuilletons à succès de Télé-Liban ou les émissions de Radio Liban ? Véritable mémoire vivante du pays, les médias publics libanais constituent une mine d’informations qui reste encore à exploiter, leurs archives n’ayant jamais été réellement mises en valeur. C’est dans le souci de préserver et de diffuser ces précieuses données qu’une convention a été signée hier entre le ministère de l’Information, la direction de Télé-Liban, l’ambassade de France à Beyrouth et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Baptisé « Sauvegarde, numérisation et valorisation du patrimoine des médias », le projet permettra de commencer l’inventaire et la numérisation de ces données qui couvrent plusieurs décennies de l’histoire du pays, ainsi que les archives de l’Agence nationale d’information et de la Direction des études et publications libanaises, une instance rattachée au ministère de l’Information. Financé par la France à hauteur d’un demi-million d’euros, ce programme de vingt-quatre mois sera mis en œuvre grâce à l’expertise de l’INA.
Le projet a été annoncé lors d’une rencontre tenue au ministère de l’Information, à Beyrouth, suivie de la signature de la convention de coopération entre le Liban et la France. Une occasion pour le ministre de l’Information Ziad Makari de mettre l’accent sur la nécessité de préserver ce pan de la mémoire du pays. « Ces archives nous permettrons de jeter un regard sur les heures de gloire du Liban, mais aussi sur la guerre et l’après-guerre. Nous avons le devoir de garder une bonne traçabilité pour les années à venir. Ce travail constitue une réconciliation avec le passé et une note d’espoir pour le futur », a déclaré le ministre, qui s’exprimait en présence de l’ambassadrice de France Anne Grillo, de la directrice de Télé-Liban Viviane Lebbos, et du responsable du conseil vente et expertise de formation professionnelle à l’INA, Olivier Porcherot.
Pour Anne Grillo, la numérisation des archives « sera un formidable atout pour les quatre médias publics concernés ». « De quoi s’agit-il ? Pas moins que de contribuer à la modernisation et à la structuration des archives audiovisuelles publiques de ce pays. Nous le ferons sur les collections couvrant la période allant des années 50 à nos jours. Ces archives papier, photo, télévisuelles et radiophoniques constituent un ensemble unique de témoignages de l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle », a précisé l’ambassadrice.
JT, feuilletons, reportages et concerts
Fondés au cours du siècle dernier, les médias publics qui bénéficieront du tri et de la numérisation n’ont jamais fait l’objet d’un archivage professionnel. Télé-Liban, anciennement Télé-Orient, est l’unique chaîne de télévision généraliste publique du pays. Créée en 1977, elle diffuse des contenus en arabe, anglais et français. Radio Liban est une station de radiodiffusion généraliste multilingue créée en 1938 et anciennement nommée Radio Orient. Elle a été rebaptisée Radio Liban à partir des années 60 et travaille aujourd’hui en partenariat avec la station française RFI, qui complète ses programmes quotidiens.
Quant à l’Agence nationale d’information, elle a été fondée en 1961 et constitue aujourd’hui la source d’information officielle des autorités. Moins connue du grand public, la direction des Études et des publications a été créée en 1961 et a pour objectif de documenter les relations mutuelles entre l’État, la presse et l’opinion publique.
Elissar Naddaf, conseillère du ministre de l’Information pour les médias francophones, révèle que « les archives de Télé-Liban ont été numérisées à environ 20 %, mais qu’il reste encore beaucoup à faire ». Parmi les données précieuses de cette chaîne, des milliers d’heures de journal télévisé, des feuilletons et des reportages de toutes sortes. « Certaines archives sont émouvantes. Nous avons retrouvé des images de la chanteuse Dalida ou du général de Gaulle au Liban. Nous avons également beaucoup de données sur le Festival de Baalbeck », confie Mme Naddaf à L’Orient-Le Jour. Féru de musique classique, le baryton et musicologue Fady Jeanbart a même réussi à exhumer des documents inédits sur le compositeur de l’hymne national libanais, Wadih Sabra, en fouillant dans les archives de la chaîne. « Nous avons des données formidables à exploiter. Le pays est doté d’une culture très riche qu’il faut à tout prix préserver », nous a confié M. Jeanbeart.
Quant aux autres médias concernés par le projet, Elissar Naddaf explique que le travail est à commencer de zéro. « L’ANI ne dispose que d’un seul archiviste pour l’instant. Sauf qu’il y a beaucoup de photos et de négatifs à examiner et des quantités considérables d’informations à répertorier. Quant aux archives de la Direction des études et publications libanaises, elles sont entreposées en vrac dans une salle et n’ont jamais été triées », souligne-t-elle.Seules les archives de Radio Liban ont été numérisées à 90 %, selon Mme Naddaf. « Les données récoltées auprès de la radio comportent beaucoup de concerts. Il y a même des interventions du musicien Halim el-Roumi, qui a travaillé à la radio à un moment, de la chanteuse Feyrouz ou encore des frères Rahbani », indique la conseillère du ministre de l’Information.Le projet mené avec l’INA et l’ambassade de France devrait permettre aux médias publics de se doter des équipements nécessaires et de former leurs employés à l’archivage. « Notre personnel ne s’y connaît pas beaucoup en archivage et nous avons un manque au niveau du matériel. Une première session de formation est prévue à la fin du mois pour 16 personnes. Nous serons également épaulés par des stagiaires de l’Université Saint-Esprit de Kaslik, de l’Académie libanaise des beaux-arts et de l’Université Saint-Joseph », explique Elissar Naddaf qui conclut : « Nous voulons à tout prix préserver cette partie de patrimoine. »
We need to archive the data of the dozens of newspapers that have closed because they hold precious information that will help current and future generations study and document our history.
22 h 00, le 09 avril 2022