Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Des amis de Paris

J’ai des amis de Paris qui sont arrivés hier. Bagages en main, le sourire aux lèvres, les yeux remplis de promesses, ils sont arrivés à Beyrouth hier. Ils ont débarqué à l’improviste dans ma vie, et ont tout mis à l’envers. Le jour et la nuit, le sommeil et la fatigue, la musique et les rires : ils ont tout mis à l’envers.

Face à leurs sourires je n’ai pu que réciproquer, mais ce qu’ils ne savaient pas, c’était que mon sourire n’était pas vrai au début. Car ils sont arrivés découvrir une ville, qui pour moi n’était plus ou du moins était au passé. Une ville meurtrie, déserte et délaissée. Une ville que je pensais finie, sans moyen de la retrouver.

Ce qu’ils ne savaient pas, c’était qu’avant qu’ils n’arrivent j’avais perdu le goût d’y vivre et de sortir. Ce qu’ils ne savaient pas, c’était que je voulais en finir avec ce pays, et m’en aller loin pour ne jamais y revenir. Et ce qu’ils ne savaient surtout pas, c’est que petit à petit, j’ai recommencé à voir Beyrouth à travers leurs yeux éblouis. Quand on s’y est baladé la nuit, dans les rues où la musique ne cesse de jouer, et qu’on y a discuté de toutes ces choses qu’on ne disait plus. Quand on y a mangé bien et beaucoup, en se racontant des histoires, à rire jusqu’à ce que je ne puisse plus respirer. Quand on y a dansé comme des fous, assoiffés de vivre cette jeunesse que l’on nous avait enlevée.

Ils ne savaient pas qu’en essayant de leur montrer mon pays, je l’ai moi-même retrouvé.

Beyrouth qui s’était éteinte à mes yeux s’est réveillée, et je leur ai montré les étoiles qui allument son ciel. Ses rues désertes et tristes ont retrouvé leurs couleurs, et je leur ai montré les cœurs qui y battent et les âmes qui l’habitent.

Je leur ai montré ses mosquées et ses églises, et toute la richesse de ses cultures. De Raouché à Byblos, de Mar Mikhaël à Badaro, de Batroun à Achrafieh, j’ai essayé de leur montrer ce qu’il y a de plus beau dans ce pays et je pense que j’ai réussi.

Et eux en retour m’ont redonné envie de me battre pour reconstruire, car il n’existe pas de Beyrouth sans espoir, ni de Liban sans lendemain.

Alors oui je leur ai souri en retour, un sourire qui cachait une plaie au cœur qui n’arrivait pas à guérir. Mais je l’ai ensuite rangé au profit de rires profonds et de larmes de joie car ils m’ont permis de retomber amoureuse de ma vie.

J’ai des amis de Paris qui sont arrivés hier, et repartis aujourd’hui. Paroles, danses, fous rires et promesses échangées, ils repartent avec un bout de chez moi qu’ils ont récolté. Ils repartent surtout en me rappelant que les cœurs se reconnaissent, et que même à 3 189 km, parmi eux je ne serais jamais dépaysée, j’aurais ma place et je saurais me retrouver.

Je vous dédie ces quelques lignes pour vous dire merci, mes chers amis de Paris, qui êtes repartis certes, mais sans réellement me quitter.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

J’ai des amis de Paris qui sont arrivés hier. Bagages en main, le sourire aux lèvres, les yeux remplis de promesses, ils sont arrivés à Beyrouth hier. Ils ont débarqué à l’improviste dans ma vie, et ont tout mis à l’envers. Le jour et la nuit, le sommeil et la fatigue, la musique et les rires : ils ont tout mis à l’envers. Face à leurs sourires je n’ai pu que...

commentaires (1)

Très belle lettre !

Madi- Skaff josyan

13 h 08, le 31 mars 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Très belle lettre !

    Madi- Skaff josyan

    13 h 08, le 31 mars 2022

Retour en haut