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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

De Tel-Aviv à Dubaï, les nouveaux eldorados des oligarques russes à l’épreuve de la guerre en Ukraine

Les pressions en provenance de Washington pourraient se renforcer dans les semaines à venir afin de contraindre Israël et les Émirats arabes unis à rejoindre le camp des sanctions occidentales.

De Tel-Aviv à Dubaï, les nouveaux eldorados des oligarques russes à l’épreuve de la guerre en Ukraine

La marina de Dubaï, aux Émirats arabes unis. Photo d’archives AFP

C’est l’histoire de villas, de yachts et de jets privés. De fortunes à la recherche de nouveaux domiciles qui trahissent les relations a priori contre nature ayant bourgeonné entre d’un côté la Russie et, de l’autre, Israël et les Émirats arabes unis (EAU). Au cours des dernières décennies, les deux alliés stratégiques de Washington ont accueilli à bras ouverts le capital de certains des plus puissants oligarques gravitant autour de Vladimir Poutine sans que cela ne tourmente les chancelleries occidentales, qui avaient opté pour le laisser-faire. Jusqu’à aujourd’hui : les liens entre l’élite russe et ces centres financiers régionaux menacent de faire vaciller le système de sanctions adopté dans le sillage de la crise ukrainienne afin de faire plier Moscou.

Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février, une intensification des flux en provenance de Moscou et à destination d’Israël et des EAU a été observée. Les bénéficiaires – des milliardaires proches du pouvoir ayant fait fortune au cours des années 1990 et 2000 – sont parfois personnellement visés par les sanctions occidentales. Certains viennent établir de nouvelles compagnies, d’autres y achètent des propriétés. D’autres encore rapatrient des biens, jettent l’ancre dans les ports de Tel-Aviv et de Dubaï, ou multiplient les allers-retours en jet depuis la capitale russe. Tous cherchent à contourner les restrictions financières, à pallier l’affaiblissement du rouble et à protéger leur patrimoine en évitant le gel de leurs avoirs. À Dubaï notamment, les demandes de logement ont explosé. Selon le New York Times, une famille russe s’y serait récemment engagée sur un bail à durée indéterminée à hauteur de 15 000 USD par mois. Impossible pourtant d’établir le montant exact des transactions en jeu : ces opérations sont effectuées dans la plus grande discrétion. Elles sont « par nature dissimulées : l’opacité du système est précisément ce qui permet le flux facile d’argent », indique Jodi Vittori, spécialiste des financements illicites et chercheuse non résidente au centre Carnegie Endowment for International Peace.

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Au lendemain de l’invasion ukrainienne, alors que le président américain Joe Biden promettait de saisir les « yachts, appartements luxueux et jets privés » dans le cadre d’une politique de sanctions ciblées, l’opinion publique occidentale se positionnait rapidement contre ces hommes d’affaires proches du Kremlin – à l’image d’Oleg Deripaska dont la maison londonienne était occupée par des manifestants il y a une semaine. À Abou Dhabi et Tel-Aviv en revanche, un positionnement ambigu est adopté afin de ménager les relations avec Moscou, quitte à froisser le partenaire américain. Les EAU s’abstiennent de condamner l’agression russe lors du vote d’une résolution de l’ONU début mars, avant de faire volte-face, puis indiquent que les sanctions ne seront appliquées que dans le cas où les Nations unies le demanderaient expressément – scénario peu probable compte tenu du veto russe au Conseil de sécurité. Israël, qui hésite toujours à rejoindre le chœur des sanctions occidentales, s’est engagé dans une politique de médiation entre l’Ukraine et la Russie, amenant le Premier ministre Naftali Bennett à se rendre à Moscou au début du mois. Surtout, les deux pays continuent de fournir une porte de sortie aux piliers du « système Poutine » en leur permettant de se réfugier à l’abri des regards.

Refuge

Le phénomène n’est ni improvisé ni le fruit du hasard. Il est le résultat d’une stratégie amorcée au sommet il y a des décennies. Aux Émirats arabes unis, « l’entrée de financements illicites ne représente pas une irrégularité ou un défaut, il fait partie intégrante du système lui-même », souligne Jodi Vittori. Depuis des décennies, la fédération émiratie fait office de refuge pour des fonds suspects en provenance du monde entier, notamment à mesure que les traditionnels paradis fiscaux occidentaux tombaient sous le couperet de nouvelles régulations. Par le passé, les EAU avaient également permis à l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie ou encore le Venezuela d’éviter les sanctions internationales. À partir des années 1990, le tourisme et l’implantation russes (entre 40 000 et 60 000 citoyens résideraient actuellement aux EAU) y ont également été encouragés par des facilités administratives – la dispense de visa pour les touristes ou la possibilité d’obtenir une résidence grâce à des investissements. Selon le Center for Advanced Defense Studies, basé à Washington, au moins 76 propriétés seraient détenues par des proches de Poutine à Dubaï. Côté israélien, les milliardaires russes disposant d’une double nationalité naviguent dans le système avec le consentement des autorités qui y voient une porte d’entrée au Kremlin. « Certains d’entre eux, juifs, ont obtenu la nationalité israélienne au cours des 20 dernières années, considérant l’État juif comme un abri en prévision de jours plus sombres », indique un ancien diplomate. Les nouveaux venus parmi eux bénéficient notamment d’une loi leur permettant de ne pas déclarer leurs revenus sur une période de 10 ans.

Washington avait jusque-là fermé les yeux sur ces arrangements. « Pendant longtemps, les Émirats s’en sont sortis sans pénalités, il n’est donc pas irrationnel pour eux aujourd’hui de penser qu’ils pourront continuer à le faire », lance Jodi Vittori. Mais dans le sillage de l’agression russe, devenue une priorité en matière de politique étrangère, la Maison-Blanche change de ton et rappelle à l’ordre ses alliés. Lors d’un entretien mi-mars à la chaîne d’information israélienne Channel 12, la sous-secrétaire d’État américaine pour les Affaires politiques a exhorté l’État hébreu à appuyer les efforts occidentaux. « Vous ne voulez pas devenir le dernier refuge pour l’argent sale qui vise à financer les guerres de Poutine », a averti Victoria Nuland. « Si les États-Unis choisissaient de faire pression de manière encore plus explicite, Israël serait alors contraint de saisir et de geler les avoirs (russes) », indique l’ancien diplomate.

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En signe d’avertissement, les EAU ont quant à eux été placés sur « liste grise » des États à surveiller en matière de financements illicites lors de la réunion plénière du GAFI (Groupe d’action financière internationale) qui s’est tenue du 1er au 4 mars derniers. Abou Dhabi a réagi en affirmant sa volonté de combattre les financements terroristes et le blanchiment d’argent, mais la décision a d’ores et déjà contraint certaines banques à une surveillance plus rapprochée tout en menaçant la réputation d’eldorado financier de la fédération. Les États-Unis pourraient choisir d’aller encore plus loin, par exemple en restreignant l’accès des Émiratis au système financier international ou bien en imposant des pénalités supplémentaires à l’encontre de certaines compagnies ou institutions financières. « L’un des outils les plus efficaces pour dissuader les Émirats de maintenir cette politique serait de contraindre les organisations à rendre des comptes précis sur chaque entrée dans le pays », indique Jodi Vittori. Pointer du doigt les mauvaises pratiques financières pourrait aussi avoir des répercussions sur le tourisme, en dissuadant certaines personnalités de fréquenter le pays. « C’est supposé être un endroit stable, idéal pour les affaires, un lieu pour les stars d’Hollywood et du monde sportif… » rappelle cette dernière. Reste que la capacité d’action des États-Unis n’est pas infinie, notamment face à la crise des hydrocarbures, aux liens commerciaux unissant Washington et Abou Dhabi et au poids de certaines personnalités russes en Israël, à l’instar du milliardaire Roman Abramovitch dont l’ambassadeur américain en Israël, Tom Nides, a récemment rappelé l’importante « contribution au peuple juif ».

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commentaires (4)

EN FIN DE COMPTE CE SONT LES EUROPEENS, LES PEUPLES EUROPEENS, QUI VONT PAYER BEAUCOUP PLUS QUE LES RUSSES CES HYSTERIQUES SANCTIONS IMPOSEES PAR SLEEPING JOE ET L,OTAN. L,EUROPE EST EN DANGER DE CES DEUX-LA.

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 50, le 22 mars 2022

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Commentaires (4)

  • EN FIN DE COMPTE CE SONT LES EUROPEENS, LES PEUPLES EUROPEENS, QUI VONT PAYER BEAUCOUP PLUS QUE LES RUSSES CES HYSTERIQUES SANCTIONS IMPOSEES PAR SLEEPING JOE ET L,OTAN. L,EUROPE EST EN DANGER DE CES DEUX-LA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 50, le 22 mars 2022

  • L’argent n’a pas d’odeur

    Eleni Caridopoulou

    18 h 56, le 22 mars 2022

  • surtout pas les appeler paradis fiscaux. a Dieu ne plaise.

    Gaby SIOUFI

    10 h 42, le 22 mars 2022

  • Mettez-les au Liban. Non seulement les yachts de plus de 15 mètres sont exemptés de droits de douane chez nous (cherchez l’erreur), mais surtout nos politiciens vont se jeter sur vos dollars comme des mouches sur du caca, et ils vont pratiquement vous manger dans la main. Nazdarovie!

    Gros Gnon

    05 h 29, le 22 mars 2022

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