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Culture - Entretien / 7e art

Le cinéma français repart à la conquête du public et soutient le 7e art libanais

Le 25 mars, temps fort de la stratégie de collaboration entre les cinémas français et libanais, des équipes de Gaumont, d’Unifrance et du CNC rencontreront les professionnels du 7e art libanais à la salle Montaigne. Guillaume Duchemin, conseiller culturel près l’ambassade de France, attaché audiovisuel régional et directeur adjoint de l’Institut français au Liban, évoque pour « L’Orient-Le Jour » ce plan d’action dans sa globalité.

Le cinéma français repart à la conquête du public et soutient le 7e art libanais

Guillaume Duchemin : « Ce ne sont certainement pas des illusions perdues pour le cinéma libanais, mais bien retrouvées avec le cinéma français. » Photo Michel Sayegh

En cette période post-Covid qui marque la reprise des cinémas à Beyrouth, l’Institut français du Liban a voulu faire partie de cette dynamique. Votre plan s’articule sur trois grandes actions et d’autres activités complémentaires. Quel rôle d’accueil et d’hébergement joue l’IFL et plus précisément la salle Montaigne ?

Actuellement au Liban, et plus particulièrement à Beyrouth, il n’y a plus de salle qui diffuse des films d’art et d’essai. L’exemple le plus frappant est l’association Metropolis qui s’est retrouvée, au lendemain de la révolution, sans « lieu précis » pour ses multiples projections. C’était le cas également pour d’autres festivals. Nous avons donc décidé de travailler d’une manière récurrente et assez régulière avec les équipes de Metropolis pour accueillir chez nous une programmation qu’elles souhaitent soutenir. Par ailleurs, nous hébergeons des festivals comme celui de Nadi Lekol el-Nas, qui vient de faire une rétrospective des œuvres du cinéaste disparu Borhane Alaouié ou des projections gratuites, comme Memory Box de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Cela fait partie de nos grosses activités : soutenir le cinéma libanais d’art et d’essai qui n’est pas diffusé dans les grands multiplexes. Ces derniers, comme partout, travaillent en général pour une rotation et des bénéfices rapides des films. Ce qui ne convient pas aux films indépendants.

Bien que le cinéma Montaigne soit aujourd’hui le seul endroit à accueillir les films d’auteur, cela n’empêche pas l’IFL de réfléchir à des projets d’autres salles qui pourraient ouvrir leurs portes au cinéma indépendant. C’est dans cette optique que nous soutenons Metropolis dans leur démarche de rouvrir une salle. D’autre part, nous souhaitons que des cinémas, bien que commerciaux, soient des lieux de culture et de diversité culturelle, qui proposeraient des billets à un prix raisonnable et qui ne seraient pas limités à la diffusion des films américains.

Vous avez décidé, dans une deuxième action, de développer une programmation de films français au Liban directement et gratuitement à la salle Montaigne. Une initiative remarquable pour un pays francophone où seuls quelques rares films français sont projetés dans les multiplexes chaque année.

Nous avons perçu ce manque chez le public libanais et avons décidé de relancer tous les mardis soir un programme qui s’intitule « La dernière séance… du mardi ». C’était une sorte de test pour remettre le cinéma français en haut de l’affiche. Un pari qui s’est avéré gagnant puisque nous sommes déjà à la huitième semaine et le nombre de spectateurs ne fait que grossir chaque mardi. Le principe de cette programmation, c’est d’avoir un film contemporain et un film de patrimoine. Celle-ci se fait selon deux critères : que les films appartiennent à notre catalogue dans lequel nous pouvons aller pêcher des films dont nous avons les droits acquis. Nous n’avons donc pas tout le panorama du cinéma français, mais certainement un nombre de films un peu rares et inédits, susceptibles d’être programmés d’une manière non commerciale. C’est pourquoi l’entrée est gratuite et ouverte à tous les publics. L’autre critère, c’est d’essayer de coller au moment, en organisant des anniversaires ou des commémorations proches de l’actualité.

Troisième volet d’interaction entre le cinéma français et le cinéma libanais, et non des moindres, le volet professionnel. Qu’en est-il exactement de cette collaboration, surtout après le 4 août 2020, où un fonds d’urgence du CNC a été dépêché pour soutenir le cinéma libanais ?

Il est certes bon d’opérer la diffusion du cinéma français et de le faire rayonner, mais il est tout aussi important de générer des collaborations franco-libanaises. Il s’agissait donc de mettre en place une stratégie afin que la filière cinéma continue d’exister et d’être financée tant par les aides offertes par l’Institut français que par le biais de productions franco-libanaises.

Dans ce projet que j’ai initié, la France pourrait ainsi assurer son soutien dans l’aide à la coproduction des structures françaises et libanaises, mais aussi dans l’aide à la diffusion des films locaux, libanais, en France. Nous essayons de générer une collaboration toujours plus forte. Le 25 mars s’inscrit dans le cadre de ce plan d’action où nous organisons une rencontre entre les professionnels libanais et français. Des équipes de Gaumont, en présence d’Ariane Toscan du Plantier – directrice de la distribution cinéma France et internationale chez Gaumont –, ainsi que des membres d’Unifrance pour l’exportation des films français et du CNC accompagnés de la productrice Anne-Dominique Toussaint, qui a beaucoup œuvré pour le fonds d’urgence, viendront à Beyrouth pour débattre de multiples problèmes avec les professionnels libanais (Metropolis, Beyrouth DC et Fondation Liban Cinéma…). Cette journée est accessible à tous les professionnels du cinéma à la salle Montaigne. Deux tables rondes porteront d’une part sur un bilan du cinéma libanais et d’autre part sur les solutions : comment peut-on mieux travailler avec les Libanais et les Français, entre professionnels du secteur ? Les 24, 26 et 27 mars, Gaumont offrira au public libanais une sélection du cinéma français le plus récent. Nous aurons cinq avant-premières diffusées sur sept séances. Le jeudi 24 mars au soir, l’avant-première des Illusions perdues, le film de Xavier Giannoli récemment primé de 7 César, sera projetée. Le 25 mars, la salle Montaigne projettera un film libanais qui a bénéficié de l’aide d’urgence du CNC. Et le samedi 26 mars, nous aurons quatre avant-premières : les films Mystère (de Denis Imbert), Aline, réalisé et interprété par Valérie Lemercier et inspiré de la vie de la diva canadienne Céline Dion, Le Chêne, un documentaire de Laurent Charbonnier et Michel Seydoux, et OSS 117 de Nicolas Bedos. Enfin, le dimanche 27, Aline et les Illusions perdues seront rediffusés. Nous aurons donc sept projections en trois jours, gratuites et ouvertes au public. Le mois de mars prélude à une série d’actions, toujours dans la même veine et la même énergie. Ainsi nous projetons d’organiser en mars 2023, tout comme maintenant, des rencontres professionnelles orientées sur le « marché » : des distributeurs français viendraient acheter des droits de films libanais et des structures françaises exportatrices pourraient ainsi proposer aux producteurs libanais d’être les exportateurs de ces films-là dans le monde. Et peut-être ouvrir dans un futur proche ce marché à la dimension télévision et séries... Qui sait ? La raison pour laquelle nous voulons développer ce marché, c’est que le Liban a toujours été pour les distributeurs européens et plus particulièrement français une porte d’entrée vers le Moyen-Orient. Actuellement, certains marchés s’ouvrent dans la région, comme le festival Red Sea et Dubai. Ce qui constitue une excellente opportunité pour le Liban et la France de collaborer afin de développer ce marché.

Nous souhaitons également, en octobre prochain, reprendre à Beyrouth une partie de la sélection du Festival du film francophone d’Angoulême de Marie-France Brière et Dominique Besnehard qui a lieu au mois d’août.

On perçoit beaucoup d’énergie de votre part, avec un grand espoir placé dans le cinéma libanais. Ce plan d’action riche et dynamique pourrait-il remettre le Liban sur la plaque tournante du cinéma mondial ?

Nous sommes face à une crise majeure au Liban. Certes, beaucoup de jeunes quittent le pays, mais beaucoup d’autres restent. Nous voulons parvenir à encourager ces derniers. L’ambassadrice m’a posé cette stratégie de renouer les collaborations franco-libanaises pour continuer de générer cette dynamique malgré les contraintes, et de soutenir les jeunes talents émergents à travers les universités et dans la coopération éducative et universitaire. Je parlais il y a peu avec le producteur Georges Shoucair et j’ai perçu cette volonté de ne pas lâcher et de continuer. L’Institut français du Liban ainsi que l’ambassade de France sont dans ce mouvement : ne jamais lâcher ce secteur. Issu du milieu du cinéma et travaillant depuis vingt ans dans ce secteur, dont quatre ans à diriger le patrimoine de Gaumont, je suis particulièrement touché par ces enjeux-là. Nous ne sommes pas près de nous arrêter. La salle Montaigne contient 280 places, le cinéma en plein air et Ciné-Caravane persisteront. Ce ne sont certainement pas des illusions perdues pour le cinéma libanais, mais bien retrouvées avec le cinéma français.

Programme de « La dernière séance… du mardi »

Les mardis à 20h, à la salle Montaigne, projection des films français suivants :

22 mars : Mais vous êtes fous d’Audrey Diwan

29 mars : César et Rosalie de Claude Sautet

12 avril : Médecin de nuit d’Élie Wajeman

19 avril : Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle

26 avril : Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.

En cette période post-Covid qui marque la reprise des cinémas à Beyrouth, l’Institut français du Liban a voulu faire partie de cette dynamique. Votre plan s’articule sur trois grandes actions et d’autres activités complémentaires. Quel rôle d’accueil et d’hébergement joue l’IFL et plus précisément la salle Montaigne ? Actuellement au Liban, et plus particulièrement à...

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