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Monde - Éclairage

Face à Erdogan, l’opposition s’unit en vue des élections de 2023

Six partis politiques turcs ont signé, le 28 février dernier, un protocole d’entente en vue de s’allier pour retourner à un régime parlementaire lors des prochains scrutins législatif et présidentiel.

Face à Erdogan, l’opposition s’unit en vue des élections de 2023

Les six leaders des partis politiques d’opposition turcs membres de « l’Alliance de la nation », le 28 février 2022 à Ankara. Adem Altan/AFP via Getty Images

Parviendront-ils à faire émerger une Turquie post-Erdogan, un peu moins de vingt ans après le début du règne du président actuel ? Tel est le pari que se sont lancé six partis politiques turcs d’opposition en vue des élections législatives et présidentielle prévues en juin 2023. Discutée depuis plusieurs mois, l’initiative s’est soldée par la signature, le 28 février dernier, d’un protocole d’entente rassemblant, sous la bannière de « l’Alliance de la nation », le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation d’opposition (social-démocrate) tenant les municipalités d’Ankara, d’Izmir et d’Istanbul, le Bon Parti (Iyi parti, droite nationaliste), le Parti de la félicité (Saadet, conservateur), le Parti démocrate (DP, centre droite), le Parti de la démocratie et du progrès (Deva) ainsi que le Parti de l’avenir, tous représentés au Parlement.

Faire tomber Erdogan

Si elles incarnent des traditions politiques diverses, ces formations sont cependant parvenues, jusqu’à présent, à aller au-delà de leurs divergences, guidées par la volonté de proposer une alternative à « l’Alliance du peuple » au pouvoir entre le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan et le Parti d’action nationaliste (MHP, conservateur). « Bien que cela ne soit pas mentionné dans leurs déclarations, faire tomber le président Erdogan aux élections est apparemment leur objectif principal, observe Özgür Ünlühisarcikli, directeur du bureau d’Ankara au German Marshall Fund. La priorité est ensuite de retourner à un système parlementaire et de rétablir les droits civils, les droits de l’homme et l’État de droit. » En se faisant réélire lors du dernier scrutin de juin 2018, le reïs turc avait mis fin à 95 ans de tradition parlementaire en instaurant un régime présidentiel, adopté par référendum en avril 2017, renforçant considérablement ses pouvoirs. Supprimant le poste de Premier ministre, dont les prérogatives ont été confiées au chef de l’État, qui est aussi chef du gouvernement et chef des armées, cette révision constitutionnelle lui octroie le droit de gouverner par décret, de nommer des ministres, vice-présidents, conseillers et magistrats, et de décider du budget à la place du Parlement.

Comme un message à l’attention d’Erdogan, la date de la cérémonie de signature du protocole d’entente par les partis d’opposition n’a par ailleurs pas été choisie au hasard. Elle s’est tenue 25 ans jour pour jour après le putsch de 1997 communément appelé « coup d’État postmoderne », qui avait abouti à la dissolution du gouvernement de coalition dirigé par Necmettin Erbakan, pionnier de l’islam politique en Turquie et mentor de Recep Tayyip Erdogan. Signe du traumatisme que cet événement représente toujours aux yeux du régime en place, quatorze généraux à la retraite ont été reconnus coupables l’été dernier par la justice turque d’avoir « renversé par la force le gouvernement de la République de Turquie » en 1997 et ont été condamnés à la prison à perpétuité.

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Si elle profite de l’érosion de la cote de popularité du président turc et de son parti, l’Alliance de la nation a néanmoins fait le choix d’exclure le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), troisième formation du pays, également en faveur d’un retour à un régime parlementaire. « Le HDP n’est pas considéré comme un parti politique légitime par une grande partie de la société turque, notamment les électeurs de ces six partis, souligne Özgür Ünlühisarcikli. Par conséquent, s’il avait été inclus dans ce processus, le président Erdogan et son alliance auraient eu l’occasion d’attaquer l’alliance au motif qu’elle avait intégré le HDP. »

Qualifiant régulièrement ses membres de « terroristes », le chef de l’État turc accuse cette formation d’être étroitement liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’entendait plus la considérer comme un interlocuteur légitime. De son côté, la coprésidente du HDP, Pervin Buldan, n’a pas hésité, le 28 février dernier, à épingler l’accord formé par les partis d’opposition sous le motif qu’il impose « une impasse sur la question kurde » et omet de prendre en compte d’autres questions telles que les inégalités de toute sorte, les droits des travailleurs et des femmes. Selon une enquête réalisée en février dernier par MetroPOLL, l’un des principaux instituts de sondage turcs, le HDP rassemblerait à lui seul près de 12 % des voix si l’élection avait lieu aujourd’hui. « Rien n’exclut cependant qu’il y ait, au moment des élections, des discussions avec le HDP concernant leur soutien au candidat de l’opposition », suggère Sinan Ulgen, spécialiste des affaires internationales turques au Carnegie Europe à Bruxelles.

Mécontentement social croissant

À l’heure où la crise économique, l’inflation galopante et la concentration des pouvoirs aux mains du président attisent un mécontentement social croissant contre la formation au pouvoir et son leader, l’initiative portée par l’opposition aurait de quoi séduire. Selon l’enquête précitée de MetroPOLL, le taux de vote combiné de quatre partis d’opposition membres de l’Alliance de la nation est de 45,7 % si l’élection avait lieu aujourd’hui, soit environ cinq points de plus que l’alliance au pouvoir.

De plus, le mois dernier, le taux d’inflation annuel a été estimé par l’Institut des statistiques turc (TUIK) à 54,44 %. Selon plusieurs observateurs, une telle augmentation des prix s’expliquerait notamment par la baisse systématique du taux d’intérêt de la banque centrale encouragée par Recep Tayyip Erdogan. Or, « les mauvaises décisions du gouvernement sont plus déterminantes pour le comportement des votants que par les promesses de l’opposition », estime Osman Sert, directeur de recherche à l’Institut d’Ankara. Une situation qui pourrait en outre s’aggraver avec la guerre en Ukraine, qui risque d’entraîner par ricochet une augmentation plus importante des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires.

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En dépit de ces facteurs qui profitent à l’opposition, plusieurs équations restent à résoudre. « L’économie, l’identité du candidat commun en vue de la présidentielle, le calendrier et le format de l’élargissement de l’alliance sont autant de points d’interrogation », note Osman Sert. Si l’opposition n’a pas encore dévoilé son candidat, plusieurs noms ont été évoqués, tels que Ekrem Imamoglu et Mansur Yavas, maires respectifs d’Istanbul et d’Ankara, tous deux encartés au CHP, ainsi que le chef de cette formation, Kemal Kiliçdaroğlu, moins populaire dans les sondages. « Il s’agit jusqu’à présent de la question la plus difficile qui reste à résoudre pour l’Alliance, résume Özgür Ünlühisarcikli. En outre, en supposant qu’un candidat de l’opposition soit élu président, il leur faudrait encore obtenir une majorité au Parlement ainsi qu’une majorité constitutionnelle – qui nécessite de tendre la main à d’autres partis politiques dont celui du président – afin de rétablir le régime parlementaire. »

Parviendront-ils à faire émerger une Turquie post-Erdogan, un peu moins de vingt ans après le début du règne du président actuel ? Tel est le pari que se sont lancé six partis politiques turcs d’opposition en vue des élections législatives et présidentielle prévues en juin 2023. Discutée depuis plusieurs mois, l’initiative s’est soldée par la signature, le 28 février dernier,...

commentaires (4)

Quelque soit le ou les partis au pouvoir en Turquie le résultat reste le même: un pays vivant sous une fausse démocratie, hostile a tous ces voisins, ne respectant aucuns de ses engagements et dangereux pour la paix régionale. Je souligne que ce pays finira comme l'Ukraine qui qui soit au pouvoir.

Pierre Christo Hadjigeorgiou

14 h 06, le 08 mars 2022

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Commentaires (4)

  • Quelque soit le ou les partis au pouvoir en Turquie le résultat reste le même: un pays vivant sous une fausse démocratie, hostile a tous ces voisins, ne respectant aucuns de ses engagements et dangereux pour la paix régionale. Je souligne que ce pays finira comme l'Ukraine qui qui soit au pouvoir.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    14 h 06, le 08 mars 2022

  • l'opposition s'unit en turquie afin de faire tomber un dictateur. l'opposition ne fait que s'effriter au Liban afin de mieux tomber elle - meme !

    Gaby SIOUFI

    10 h 29, le 08 mars 2022

  • l'opposition s'unit en turquie afin de faire tomber un dictateur. l'opposition ne fait que s'effriter au Liban afin de mieux tomber elle - meme !

    Gaby SIOUFI

    10 h 29, le 08 mars 2022

  • l'opposition s'unit en turquie afin de faire tomber un dictateur. l'opposition ne fait que s'effriter au Liban afin de mieux tomber elle - meme !

    Gaby SIOUFI

    10 h 29, le 08 mars 2022

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