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Monde - Couverture médiatique

Des commentaires racistes sur les réfugiés suscitent un tollé au Proche-Orient et en Afghanistan

La différence de traitement est d’autant plus frappante que c’est aussi la Russie qui intervient depuis six ans dans le sanglant conflit syrien.

Des commentaires racistes sur les réfugiés suscitent un tollé au Proche-Orient et en Afghanistan

Des Ukrainiens tentant de fuir Kiev en train, le 1er mars 2022. Umit Bektas/Reuters

« Ce n’est pas l’Irak ou l’Afghanistan. » Avec l’invasion russe en Ukraine, les internautes du Moyen-Orient et d’Afghanistan suivent, indignés et interloqués, journalistes et politiciens enchaînant les comparaisons malheureuses entre une nation « civilisée » et leur région déchirée par les guerres.

Les exemples de ces commentaires – dénoncés comme étant « racistes » – se retrouvent sur les télévisions françaises ou américaines, dans la presse anglo-saxonne, poussant des médias prestigieux à présenter leurs excuses pour calmer le tollé en ligne. Si les violences et les peines sont semblables, le traitement médiatique peut parfois différer.

Les Européens accueillent à bras ouverts les centaines de milliers de réfugiés ukrainiens. Mais quand Syriens, Irakiens et Afghans empruntaient récemment le même chemin, ils dénonçaient une nouvelle « crise des migrants », déplorent des internautes. Même si, en 2015, la chancelière allemande Angela Merkel avait accueilli plus d’un million de réfugiés sur son territoire.

Pour le politologue Ziad Majed, la « magnifique solidarité et l’humanisme » envers l’Ukraine illustrent une « distinction choquante » qui révèle une « déshumanisation des réfugiés du Moyen-Orient ».

« Quand on entend certains commentaires parlant de “gens comme nous”, ça laisse entendre que ceux qui viennent de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Afrique ne le sont pas », ajoute ce professeur à l’Université américaine de Paris.

Et ces derniers jours les médias ont multiplié les faux-pas. « Ce n’est pas (...) l’Irak ou l’Afghanistan. C’est une ville relativement civilisée, relativement européenne (...) où on ne se serait pas attendu à ça », affirmait vendredi l’envoyé spécial de CBS News en Ukraine, Charlie D’Agata. Le lendemain il s’excusait, regrettant le choix de ses mots.

Couverture raciste

L’antenne anglophoned’al-Jazeera s’est excusée dimanche pour les propos « dénués de sensibilité » d’un présentateur évoquant des réfugiés ukrainiens. « Ce ne sont clairement pas des réfugiés qui essayent de fuir le Moyen-Orient en guerre », commentait-il : « Ils ressemblent à n’importe quelle famille européenne qui pourrait être vos voisins. »

Pour les Palestiniens, les reportages saluant le courage des Ukrainiens ayant pris les armes contre l’envahisseur russe ont un goût amer. « On découvre que le droit international existe encore. Que les réfugiés sont les bienvenus, en fonction d’où ils viennent. Que la résistance à l’occupation est non seulement légitime mais aussi un droit », ironise sur son compte Twitter Salem Barahmeh, directeur de Rabet, plateforme pro-palestinienne.

Lundi, une Association américaine de journalistes arabes et du Moyen-Orient (AMEJA), déplorait plusieurs « exemples de couverture médiatique raciste, donnant plus d’importance à certaines victimes de guerre qu’à d’autres ». Elle évoquait « une mentalité répandue dans le journalisme occidental qui tend à normaliser la tragédie dans certaines régions du monde », notamment au Moyen-Orient. La différence de traitement est d’autant plus frappante que c’est aussi Moscou qui intervient depuis six ans dans le sanglant conflit syrien en soutien au régime, rappelle Ziad Majed.

L’humour comme exutoire

« On ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime syrien soutenu par Vladimir Poutine », notait jeudi le journaliste Philippe Corbé sur BFMTV, « première chaîne d’info » de France. « On parle d’Européens, qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures (...) et qui essayent juste de sauver leur vie », disait-il. La chaîne assure que le propos du journaliste, « maladroit dans la forme mais sorti de son contexte sur les réseaux sociaux, a laissé penser à tort qu’il défendait une position inverse de celle qu’il voulait souligner, et il le regrette ».

En face, il y a l’humour comme exutoire. Sur les réseaux sociaux, Égyptiens ou Irakiens modifient ainsi leur description de « non-civilisés » : « des cheveux noirs, des yeux marrons, et voitures différentes.» En Afghanistan aussi, on s’indigne, quand on voit certains médias mettre l’accent sur des réfugiés européens « blonds aux yeux bleus ». Il y a six mois à peine, le retour au pouvoir des talibans et le retrait américain plongeaient le pays dans le chaos, poussant à l’exil des centaines de milliers de personnes.

« C’est une même conception qui se répète, encore et encore : les gens touchés par les autres conflits étaient à moitié humains, d’origines et de races de moindre valeur, mais les Européens sont des humains à part entière : donc cette guerre est importante », écrit sur Twitter l’universitaire Muska Dastageer.

« On peut comprendre que les Ukrainiens sont Européens, que la mémoire des guerres en Europe peut susciter beaucoup d’émotions et de souvenirs », concède M. Majed. Mais le phénomène illustre aussi « l’extrême droitisation du débat public », à un moment où en Occident « certaines élites politiques n’ont plus de problèmes à s’exprimer comme si la parole raciste s’était libérée ».

Tony GAMAL-GABRIEL

avec les bureaux de l’AFP

« Ce n’est pas l’Irak ou l’Afghanistan. » Avec l’invasion russe en Ukraine, les internautes du Moyen-Orient et d’Afghanistan suivent, indignés et interloqués, journalistes et politiciens enchaînant les comparaisons malheureuses entre une nation « civilisée » et leur région déchirée par les guerres.Les exemples de ces commentaires – dénoncés comme...

commentaires (7)

Honte et dégoût!

Politiquement incorrect(e)

18 h 51, le 03 mars 2022

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Commentaires (7)

  • Honte et dégoût!

    Politiquement incorrect(e)

    18 h 51, le 03 mars 2022

  • Oui, la banalisation du racisme européen, leur tropisme (aveugle) culturel, et la géométrie variable de leur indignation, sont absolument condamnables. Oui, il est insoutenable qu’un mort européen, américain ou israélien pèse davantage que des centaines de morts syriens ou afghans, mais ce n’est pas nouveau. Pour autant, dans l’agression unilatérale de la Russie contre l’Ukraine, notre responsabilité à nous Libanais démocrates qui nous sommes tenus auprès du peuple syrien martyrisé, demeure de rappeler les crimes contre l’humanité commises par l’armée russe en Syrie. Poutine devra, aussi, rendre des comptes pour ses crimes, hors d’Europe. La solidarité avec les Ukrainiens nous concerne donc. La lutte contre l’impunité, aussi. Il n’y a pas d’issue dans le ressentiment arabe comme dans le repli, aussi compréhensibles soient-ils.

    MOUCHARAFIEH Claire

    15 h 06, le 03 mars 2022

  • Il y a t'il un seul pays du Moyen-Orient qui s'est proposé d'accueillir des réfugiés Ukrainiens? Quand une grande majorité des Libanais qui votent en France, votent extrême droite, quand nous traitons nos employés de maisons moins que des animaux, quand nos "frères" voisins qui fuient les guerres n'ont aucune place dans nos pays quand, quand nous n'acceptons pas un concitoyen d'une autre religion comme voisin de palier... Je ne sais pas où se trouve le racisme! "Charité bien ordonnée commence par soi-même"

    Sfeir walid

    21 h 03, le 02 mars 2022

  • Pourquoi les arabes du gulf n’aident pas les syriens et palestiniens ???

    Wow

    14 h 59, le 02 mars 2022

  • " Quand on entend certains commentaires parlant de “gens comme nous”, ça laisse entendre que ceux qui viennent de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Afrique ne le sont pas », ajoute ce professeur à l’Université américaine de Paris." Que voulez-vous, c'est peut-être raciste, mais c'est malheureusement vrai! Les Ukrainiens sont quand même plus proches du point de vue culturel des Européens que ne le sont les Syriens...Par ailleurs, a-t-on vu les pays du Golfe accueillant les réfugiés Syriens, Iraqiens ou Afghans comme l'ont fait les pays européens?

    Georges MELKI

    14 h 39, le 02 mars 2022

  • Pourquoi s’offusquer. Il ne s’agit pas de racisme mais plutôt d’intégration culturelle. Des travailleurs et immigrants Ukrainiens, polonais ou roumains il en existe beaucoup et la plupart sont productifs et assimilés à leur sociétés d’accueil il en est de même pour des indiens ou des chinois (pourtant non blancs) si je compare cela au immigrants maghrébins, turcs ou pakistanais, ces derniers veulent a 90% changer leur sociétés d’accueil pour les accommoder. Ce n’est pas une histoire de race mais bien de culture qui hélas a un motif religieux, disons qu’n Turc laic d’istanbul ou Izmir est plus inetgre qu’un immigré conservateur d’Anatolie.

    Liban Libre

    10 h 53, le 02 mars 2022

  • allons allons ! arretons cette hypocrisie ! nous savons tous pour quelles raisons ce "racisme" existe ! ne serait ce que de revoir les exigences "culturelles " de ces memes refugies du MO des lors que leur residence est legalisee et definitive. bien entendu c'est bien dommage pour ceux parmi eux qui refutent ces memes exigences culturelles exprimees par les autres-majoritaires .-

    Gaby SIOUFI

    10 h 41, le 02 mars 2022

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