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Économie - Finances publiques

Le projet de budget pour 2022 finalisé, mais toujours critiqué

Selon le député Ibrahim Kanaan, pas moins « de 75 amendements » visant des mesures fiscales ont été introduites dans le document, dont une partie au stade même de l’avant-projet.

Le projet de budget pour 2022 finalisé, mais toujours critiqué

Le président des Organismes économiques Mohammad Choucair (g.), le président de la commission des Finances et du Budget Ibrahim Kanaan (c.) et le président du Conseil économique et social Charles Arbid, à Beyrouth, hier. Photo M.A.

Le thème du budget de 2022 a occupé une place centrale dans l’actualité hier d’un Liban plus que jamais en crise. Le projet de loi de finances, adopté il y a deux semaines à Baabda par le gouvernement de Nagib Mikati dans une ambiance houleuse, a été le sujet principal d’une réunion organisée par le Conseil économique et social (CES) à Beyrouth, une instance consultative dirigée par Charles Arbid. Un événement au cours duquel le président de la commission des Finances et du Budget, le député Ibrahim Kanaan, était invité pour échanger avec les principaux représentants du secteur privé et des syndicats sur les défauts les plus flagrants des mesures fixées par l’exécutif, en attendant la contribution des commissions parlementaires en amont du vote final au Parlement.

Les personnes présentes n’ont pu débattre en revanche que sur des informations parcellaires, le ministère des Finances n’ayant à cette date toujours pas rendu public la version définitive du projet de budget intégrant les nombreux amendements effectués pendant les différentes réunions du Conseil des ministres consacrées à son examen. Un stade qui semble désormais dépassé puisque, en milieu d’après-midi hier, le ministre des Finances et ancien cadre de la Banque du Liban, Youssef Khalil, a enfin transmis au gouvernement le projet de budget 2022 que le Premier ministre a signé. Le ministre a également envoyé le document au chef de l’État Michel Aoun, en vue de sa transmission au Parlement.

Contacté par L’Orient-Le Jour, le service de presse du ministère des Finances nous a renvoyé à celui du Conseil des ministres, qui n’a pas répondu à nos appels visant à obtenir cette version définitive. Celle-ci est attendue de pied ferme par le Fonds monétaire international (FMI) à qui le Liban a sollicité une assistance financière, ainsi que par les soutiens internationaux du pays et les acteurs économiques locaux. Au CES, beaucoup de voix ont largement manifesté leur refus d’être encore mises à contribution sans contreparties viables des différentes mesures, fiscales et non fiscales, contenues dans le budget. « Le secteur privé ne paiera pas d’impôts si l’État ne prévoit rien pour réhabiliter en même temps les infrastructures, électricité et internet en tête », a notamment martelé le président du syndicat des entrepreneurs de travaux publics Maroun Hélou.

Plus de 70 mesures fiscales

Ce qui semble certain à ce stade, c’est que les informations qui ont circulé concernant le projet de budget sont très critiquées, y compris par Ibrahim Kanaan lui-même. Le député reproche notamment au gouvernement de « trop taxer » le secteur privé à travers les nombreuses mesures fiscales ajoutées ou ajustées à la dépréciation de la livre libanaise de plus de 90 %, alors que le PIB est passé de 52 milliards de dollars à fin 2019 à 21 milliards de dollars à fin 2021, soit une baisse de 58,1 % selon la Banque mondiale (BM). Ibrahim Kanaan a aussi mis en doute le sérieux de la prévision de croissance de 3 % pour 2022, inscrite dans l’avant-projet de budget qui a servi de base au Conseil des ministres. Un grief également soulevé par Bank of America dans une note de recherche réservée à sa clientèle la semaine dernière.

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Selon le député, pas moins « de 75 amendements » visant des mesures fiscales ont été introduites dans le projet de budget, dont une partie au stade même de l’avant-projet. Sur ce total, « 21 » concernent l’impôt sur le revenu, « 9 » les immeubles construits, « 6 » la fiscalité des holdings et des sociétés offshore, « 6 » autres pour les timbres fiscaux, « 6 » de plus pour les taxes sur les entrées et sorties de voyageurs, « 6 » sur la TVA, et « 5 » sur les droits d’héritage, entre autres chiffres rapportés par Ibrahim Kanaan. Le projet compte aussi « 18 exemptions fiscales » qu’il n’a pas détaillées.

Contacté, le professeur d’économie Albert Dagher, qui a publié en janvier un ouvrage très critique sur la gestion de la classe dirigeante libanaise (Comment une élite prédatrice a détruit le Liban, éditions Bord de l’eau), dresse lui aussi un constat globalement négatif de l’approche privilégiée par le gouvernement pour aboutir au projet de budget actuel. « Au-delà des détails, il y a un problème de fond récurrent : l’absence de vision », martèle-t-il. « Alors que la monnaie a perdu 90 % de sa valeur – ce qui se traduit par une baisse du pouvoir d’achat pour tous les citoyens qui n’ont pas accès à des dollars frais –, le gouvernement a choisi d’augmenter les prélèvements obligatoires sur les services (télécoms, électricité, eau, etc.) sans corriger le niveau des rémunérations dans le public ou le privé, en vue de se rapprocher artificiellement d’un équilibre budgétaire qui n’a de valeur que sur le papier », explique-t-il encore. Un argument également mis en avant sur le fond par Ibrahim Kanaan devant le CES.

Absence d’investissements publics

Albert Dagher souligne de plus que tous les palliatifs mis en place pour combler une partie de l’effet de la dépréciation de la monnaie pour les fonctionnaires – qui sont en principe intégralement payés en livres – ont été insuffisants pour absorber efficacement l’impact de la crise. L’économiste s’interroge également sur certains choix adoptés pour élaborer le budget.

« Par exemple, pourquoi s’être basé sur un taux de change à 20 000 livres pour un dollar, alors que le FMI avait à l’origine ciblé un taux de 3 500 livres le billet vert (repris par le plan de redressement du gouvernement de Hassane Diab en 2020) et que les transferts des expatriés ne se sont pas effondrés par rapport à leur niveau d’avant la crise (ils continuent de graviter depuis 2019 entre 6 et 7 milliards de dollars par an, NDLR) », s’interroge-t-il. L’économiste rappelle que le FMI et les dirigeants libanais ont coupé le contact entre juillet 2020 et septembre 2021, après l’échec d’une première session de discussions techniques, faute de consensus côté libanais sur le montant des pertes financières à comptabiliser.

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Il déplore de plus le fait que les autorités n’aient pas œuvré parallèlement au budget à créer un organisme de contrôle des changes, afin de ne plus laisser la BDL seule aux commandes de la politique monétaire du pays. Albert Dagher critique enfin l’absence de projet d’investissements publics, alors que cela devrait être au centre d’un projet de budget de redressement et de relance. Selon lui, ces projets auraient pu être inclus même si leurs financements dépendent des aides auxquelles le Liban pourrait prétendre, en comptant celles pouvant être débloquées par le FMI, ou encore les prêts inspirés de la conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE). Un point également mis en avant par Ibrahim Kanaan.

Critiques diverses

Lors de la réunion du CES, les critiques formulées par les différents acteurs ont été aussi nombreuses que variées. Certaines voix, comme celles du président des Organismes économiques Mohammad Choucair et du membre de l’Association des commerçants de Beyrouth Adnan Rammal, ont alerté sur le risque que la pression fiscale accrue n’ait pour principal résultat de faire exploser le marché noir. Le président de l’ACB Nicolas Chammas a fustigé le fait que le projet de budget ne prévoit toujours rien pour la restructuration des eurobonds (titres de dette publique en devises sur lesquels le Liban a fait défaut en mars 2020). Charles Arbid a, lui, plaidé pour un budget qui se penche sur les « problématiques actuelles » du pays. L’homme d’affaires Jacques Sarraf a pour sa part appelé à régler de façon définitive et cohérente la question du taux de change à prendre en compte dans les bilans comptables des sociétés, pour mettre fin aux distorsions existantes entre les véritables résultats des entreprises et les exigences de formes que la réglementation fiscale libanaise les oblige encore à respecter.

Adopté en dehors des délais constitutionnels, comme les trois précédents (au minimum), l’avant-projet de budget préparé par Youssef Khalil prévoyait des dépenses atteignant 49 416 milliards de livres libanaises et des recettes de 39 154 milliards de livres. Quant au déficit, toujours selon ce ministre, il est de 10 262 milliards de livres, soit 20,77 % des dépenses. Ces montants semblent toutefois avoir été modifiés au cours de la réunion. Dans son allocution télévisée, le Premier ministre a expliqué en effet que le déficit était de « 17 % » des dépenses et que, selon lui, le budget serait « presque à l’équilibre » avec un déficit de « 7 000 milliards de livres », représentant les réserves budgétaires.

Le thème du budget de 2022 a occupé une place centrale dans l’actualité hier d’un Liban plus que jamais en crise. Le projet de loi de finances, adopté il y a deux semaines à Baabda par le gouvernement de Nagib Mikati dans une ambiance houleuse, a été le sujet principal d’une réunion organisée par le Conseil économique et social (CES) à Beyrouth, une instance consultative dirigée...

commentaires (2)

Kanaan est un clown qui gesticule sans jamais tenir la moindre promesse ,un parasite de plus !

Wow

18 h 02, le 24 février 2022

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Commentaires (2)

  • Kanaan est un clown qui gesticule sans jamais tenir la moindre promesse ,un parasite de plus !

    Wow

    18 h 02, le 24 février 2022

  • un projet de budget de 1200 pages, intelligement ramanie avec non moins de 75 amendements-brahimo le cananeen dixit- et cela en mois d'un mois. Wow ! et on se demande commet il ose encore arguter-pire, defendre ses positions mille fois prouvees inutiles, mensongeres mais surtout irresponsables et fausses.

    Gaby SIOUFI

    10 h 16, le 24 février 2022

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