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Lifestyle - Héritage culturel

Près de 90 millions de dollars pour restaurer le patrimoine des pays en guerre

Plus de 150 projets répartis dans trente pays ont déjà bénéficié du financement et des actions de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH).

Près de 90 millions de dollars pour restaurer le patrimoine des pays en guerre

Travaux entrepris pour stabiliser l’arche de Ctesiphon en Irak. Photo tirées du compte Instagram ALIPH

Vingt-cinq pays de la communauté internationale ainsi que la Total Energies Foundation ont rejoint le club des donateurs de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), lors de la conférence qui s’est déroulée le 31 janvier au musée du Louvre à Paris. Placée sous le haut patronage du président français Emmanuel Macron, qui a inauguré l’événement par visioconférence, la réunion a permis de lever un montant de 90 millions de dollars pour financer la deuxième phase d’opérations d’ALIPH sur les cinq prochaines années (2023-2027).

« Action, action, action », tel est le slogan d’ALIPH, fondation de droit suisse créée en 2017 à l’initiative de la France et des Émirats arabes unis, en réaction à la destruction massive d’un patrimoine culturel exceptionnel dans la région du Moyen-Orient et dans les pays du Sahel. À ces pays pionniers s’étaient joints l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Luxembourg, la Chine, la Suisse et le Maroc, ainsi que l’entrepreneur et philanthrope américain Thomas S. Kaplan, l’homme d’affaires, collectionneur d’art et mécène suisse Jean-Claude Gandur, et la fondation Andrew W. Mellon, considérée comme l’un des plus grands soutiens des arts et des sciences humaines aux États-Unis. Depuis, d’autres pays et partenaires privés se sont alliés à la mission d’ALIPH pour accompagner le financement de 150 projets dans 30 pays, contribuant à hauteur de 80 millions de dollars à la restauration, ou la reconstruction de sites appartenant au patrimoine de l’humanité, notamment en Irak, dans le nord-est de la Syrie, au Yémen, au Mali, en Libye, en Érythrée, en Côte d’Ivoire, au Niger, en Afghanistan, mais aussi dans la vallée de Sondondo (Ayacucho) au Pérou, et à Koh Ker l’ancienne capitale de l’Empire khmer au Cambodge, sans oublier que la fondation a mobilisé de manière proactive des ressources en réponse à la double explosion survenue dans le port de Beyrouth. À la suite du 4 août 2020, ALIPH a initié un programme de cinq millions de dollars en faveur du patrimoine beyrouthin, ce qui a permis la stabilisation de près de 40 maisons historiques, la réhabilitation du musée national et du musée Sursock, ainsi que celle de la Bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph, ou encore la restauration des cathédrales Saint-Georges des grecs-orthodoxes et celle des maronites.

Beyrouth après le 4 août 2020 et la recontruction du musée Sursock. Photo tirée du site officiel ALIPH

Alliances et partenariats

Cette deuxième conférence des donateurs, que la France a souhaité accueillir dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, a été l’occasion pour la communauté internationale « de réaffirmer son soutien au patrimoine des pays en guerre, levier de développement durable, de réconciliation et de paix, au moment où plusieurs conflits témoignent de l’actualité de cet enjeu », a souligné Jean-Luc Martinez, ancien président du Louvre, aujourd’hui à la tête du comité scientifique d’ALIPH. « Protéger le patrimoine pour construire la paix » est d’ailleurs le thème de l’un des films qui ont ponctué les allocutions. Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a pris ensuite la parole en affirmant qu’« ALIPH est le pari d’un nouveau multilatéralisme de l’action et des résultats, agile et réactif, au plus près du terrain ». Son homologue à la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin, a pour sa part salué la mobilisation internationale qui s’est exprimée en faveur de la préservation de l’héritage historique, qui est « notre bien commun ».

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« Cette conférence est une étape décisive qui va permettre à ALIPH d’ancrer sa mission dans la durée, en collaboration avec l’ensemble de ses partenaires institutionnels, techniques et scientifiques », a-t-elle souligné. En effet, ALIPH est l’expression d’une « alliance » avec plusieurs experts du secteur. Depuis sa création, la fondation a développé des partenariats avec des acteurs internationaux, comme l’Unesco, le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM), le Conseil international des musées (ICOM), le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), le World Monumental Fund, ou l’Aga Khan Trust for Culture. Elle coopère également avec des ONG locales et internationales, des musées, des bibliothèques et des institutions culturelles et travaille avec les autorités et les communautés locales. « Forte de nouveaux soutiens financiers et politiques, la fondation aborde l’avenir avec confiance, ambition et une obsession inchangée : soutenir celles et ceux qui, chaque jour et souvent au péril de de leur vie, protègent et réhabilitent cette mémoire commune que constitue le patrimoine culturel de l’humanité », a déclaré le président du conseil de la Fondation Thomas S. Kaplan, devant un parterre de ministres, ambassadeurs et représentants étatiques.

« Action, action, action » est le slogan d’ALIPH, fondation de droit suisse créée en 2017. Photo tirée du site officiel ALIPH

La lutte contre le trafic illicite

Modérée par Sandra Bialystok, responsable de la communication et des partenariats de la Fondation, la conférence s’est articulée autour de trois thèmes : les enjeux des nouvelles technologies et des dispositifs innovants au service de la lutte contre le trafic des biens culturels ; le rôle du marché de l’art et de sa régulation au sein de l’Union européenne et les moyens de mener la bataille contre les trafics auprès de tous les acteurs, grand public, professionnels, étudiants et autres. « Ces trois sessions permettront d’aboutir à des propositions de pistes opérationnelles. Dans la perspective de la réunion informelle des ministres européens de la Culture à Angers les 7 et 8 mars prochain, et en vue de la publication prochaine, par la Commission européenne, d’un plan d’action de lutte contre le trafic de biens culturels, cette conférence doit permettre de favoriser la création d’un réseau européen d’experts », selon ALIPH.

Vue de la conférence qui s’est déroulée le 31 janvier au musée du Louvre, à Paris. Photo tirée du site officiel ALIPH

Outils pour renforcer le patrimoine

Toujours dans le cadre de sa politique de soutien des projets de prévention, de protection et de restauration à toutes les échelles, petites ou grandes, partout où cela est le plus urgent, ALIPH s’est engagée en janvier à soutenir la réhabilitation du musée de Mossoul en Irak ; la réhabilitation du monastère Mar Behnam dans le nord de l’Irak, et la restauration du tombeau des Askia à Gao, au Mali. Elle a également financé l’Unesco pour la réhabilitation du minaret de Jam en Afghanistan et celle des falaises de Bandiagara au Mali. D’autres projets seront mis sur les rails. En marge de la conférence, Valéry Freland, directeur exécutif d’ALIPH, et Peter Keller, directeur général de l’ICOM, ont signé un protocole d’accord pour mettre en œuvre des mesures concrètes de sauvegarde et de développement des musées d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. La présidente de l’ICOMOS, Teresa Patricio, s’est engagée avec Valéry Freland à créer un atelier de formation à Kinshasa pour établir l’inventaire national du patrimoine de la République démocratique du Congo (RDC), et ce en vue d’assurer sa protection et sa valorisation, ainsi que sa transmission aux générations futures. L’opération sera menée en collaboration avec le Comité consultatif national pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (CCN) de la RDC.

Un parterre de personnalités

Parmi les participants à la conférence d’ALIPH figuraient également Margaritis Schinas, vice-présidente de la Commission européenne, le prince Badr ben Abdallah ben Mohammad ben Farhan al-Saoud et Noura al-Kaabi, respectivement ministres de la Culture de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, le ministre irakien de la Culture, du Tourisme et des Antiquités Hassan Nadhem, Katja Keul, ministre adjointe des Affaires étrangères d’Allemagne, Li Qun, vice-ministre de la Culture et du Tourisme et directeur de l’Administration d’État du patrimoine culturel chinois, Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe et représentant le président Macron, la présidente-directrice du musée du Louvre Laurence des Cars, Bariza Khiari, représentante de la France auprès de la fondation, Jill Tiefenthaler, PDG de la National Geographic Society (vidéo), ainsi que les représentants d’une douzaine d’États européens, des institutions internationales, notamment l’Unesco, l’ICOM, l’ICOMOS, Selma Kassem du Centre régional arabe pour le patrimoine mondial, et Sarkis Khoury, directeur général des antiquités (DGA) au Liban. Mohammad al-Moubarak, président du département de la culture et du tourisme d’Abou Dhabi et vice-président du conseil d’administration d’ALIPH, assistait à l’événement en vidéoconférence.

ALIPH en quelques mots

ALIPH est le seul fonds mondial exclusivement dédié à la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit. Il constitue une réponse à un défi de plus en plus prégnant : la destruction massive du patrimoine dans les zones en conflit ou en sortie de crise. Les besoins sont immenses : le patrimoine culturel a subi une destruction massive durant la décennie 2010, au Sahel comme au Moyen-Orient, notamment, et la persistance des conflits et de l’instabilité dans ces deux régions du monde contribuent à la dégradation des sites et monuments, ainsi que du patrimoine immatériel. À titre d’exemple, la réhabilitation de la vieille ville de Mossoul nécessitera un investissement de plus d’un milliard de dollars. Encore récemment, les dommages causés au patrimoine de Beyrouth par l’explosion du 4 août 2020 ont été estimés à 500 millions de dollars.

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Pour ALIPH, la protection du patrimoine est un enjeu qui n’appartient pas au passé, mais bien à l’avenir, compte tenu de son instrumentalisation, comme l’illustrent les conflits dans le Caucase ou la Corne de l’Afrique. En Afghanistan, si le patrimoine matériel (monuments, musées…) ne semble pas visé aujourd’hui, la Fondation suisse craint toutefois une recrudescence du pillage des sites archéologiques, ainsi que des attaques régulières contre le patrimoine immatériel, à travers la menace d’artisans ou d’artistes (notamment dans le domaine de la musique). Aussi, la communauté internationale doit-elle renforcer son engagement en faveur du patrimoine des pays en guerre, qui représente une parte de l’héritage de l’humanité.

Pour plus d’informations, visiter https://www.aliph-foundation.org/en

Vingt-cinq pays de la communauté internationale ainsi que la Total Energies Foundation ont rejoint le club des donateurs de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH), lors de la conférence qui s’est déroulée le 31 janvier au musée du Louvre à Paris. Placée sous le haut patronage du président français Emmanuel Macron, qui a inauguré...

commentaires (1)

Bonjour chère May MAKAREM encore une fois , c'est un plaisir de vous lire! je suis toujours surpris de constater que ce sont des "étrangers" qui s'investissent pour sauvegarder notre patrimoine historique et culturel ...

Hamed Adel

09 h 42, le 08 février 2022

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Commentaires (1)

  • Bonjour chère May MAKAREM encore une fois , c'est un plaisir de vous lire! je suis toujours surpris de constater que ce sont des "étrangers" qui s'investissent pour sauvegarder notre patrimoine historique et culturel ...

    Hamed Adel

    09 h 42, le 08 février 2022

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