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Idées - Point de vue

Participation politique des femmes : le Liban doit accélérer


Participation politique des femmes : le Liban doit accélérer

Photo d’archives AFP

Alors que le Liban subit de plein fouet une crise financière, économique, sociale et politique de plus en plus grave et sans précédent, un dangereux message qualifiant les problèmes des femmes comme dérisoires est en mouvement. Accepter cette fausse supposition risque sérieusement de dégrader les acquis concernant l’égalité des genres et les droits des femmes au Liban. La tendance actuelle à faire « un pas en avant, deux pas en arrière » doit être immédiatement remodelée, afin de maintenir ce que les femmes et leurs alliés combattent et continuer à faire pression pour atteindre plus de victoires concrètes. Il n’y a plus d’excuses pour déprioriser les problèmes de genre, surtout avec les données et recherches disponibles qui démontrent l’importance du rôle de la femme dans la mise en place de réformes dans les pays en crise. Il est encore temps d’agir. En 1952, les femmes ont revendiqué leur droit de vote au Liban et se sont depuis engagées activement dans différentes arènes politiques, sociales et économiques. Près de 70 ans plus tard, les femmes demeurent sous-représentées dans les différents paliers du gouvernement libanais, à savoir le Parlement et le Conseil des ministres. Autrefois considéré comme le sanctuaire des libertés et des droits dans la région, le Liban affiche aujourd’hui un score alarmant sur différents indices liés à l’égalité des sexes. Pour n’en nommer que quelques-uns, sur 187 pays, le Liban occupe la 183e position sur la participation mondiale des femmes au Parlement (en janvier 2021) avec un taux de participation inquiétant de 4,7 % – le plaçant à la 15e position sur 17 pays arabes. Cette faible participation est également reflétée par un taux d’insertion de 6 % dans les conseils municipaux et de 4 % dans le cabinet actuel. Le Liban obtient également un score de 147 sur 167 dans l’Indice global de paix et de sécurité des femmes, qui mesure trois dimensions majeures de leur bien-être, à savoir l’insertion, la justice et la sécurité.

Le Plan d’action national du Liban pour les femmes, la paix et la sécurité (1325), approuvé par le gouvernement libanais en 2019, se donne pour principale priorité d’augmenter la participation et le leadership des femmes dans la vie politique et publique aux niveaux local et national. Ce plan national affirme également le rôle important que les femmes peuvent jouer dans la prévention des conflits et dans la contribution à une paix durable et positive.

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Les élections de 2018 ont marqué un succès historique où le taux de candidature des femmes est passé de 1,7 à 14,4 % par rapport aux élections de 2009. Ce succès notable n’a toutefois pas réellement amélioré leur taux de participation au Parlement. Un rapport d’ONU Femmes sur les élections de 2018 montre que 68 % des femmes candidates interrogées avaient déjà de l’expérience en politique, réfutant l’idée que les femmes n’ont aucune capacité en matière de leadership. L’étude a également documenté les défis rencontrés par les candidates, notamment sur les restrictions et contraintes financières et l’accès réduit aux médias par rapport à leurs homologues masculins. Étonnamment, 78 % des personnes interrogées dans l’étude ont déclaré avoir été victimes d’un certain type de violence, en particulier via les réseaux sociaux.

Il est temps d’accélérer les progrès concernant la participation des femmes, notamment après l’élan amorcé en 2018 et les leçons tirées, ainsi que les différents aspects de l’engagement des femmes dans les affaires politiques, y compris lors de la révolte d’octobre 2019. Les femmes exigent le changement : avoir une place sur la table politique et des responsabilités égales dans la réalisation des réformes, le développement et la stabilité seront une condition préalable à une paix durable dans le pays.

Différentes études démontrent que l’implication des femmes dans les différents aspects économiques et politiques est à la fois quelque chose de bénéfique et d’intelligent. Sur le plan économique, une plus grande égalité des sexes stimule la croissance économique et soutient la résilience économique. À l’échelle mondiale, il est prouvé qu’un mouvement féminin indépendant et la présence des leaders des droits des femmes peuvent être des moteurs-clés dans le changement social et juridique, et que l’engagement des femmes dans les processus de médiation peut contribuer à une paix durable et positive. Il n’est plus suffisant de continuer à plaider davantage en faveur de l’insertion et de la participation des femmes, il est temps que cela se produise.

Le Liban se trouve à un tournant critique pour répondre aux aspirations de ses citoyens, où il est indispensable d’adopter des réformes économiques et politiques sérieuses et urgentes, en incluant des améliorations concrètes dans l’égalité des sexes. Nous appelons les dirigeants et les décideurs à ne pas manquer l’occasion de reconstruire le pays en mettant l’accent sur la justice, l’insertion et la stabilité. Nous appelons le peuple libanais et les militants, en particulier les hommes, à se faire entendre et à servir de modèles pour leurs pairs en faveur de l’égalité des sexes. Nous appelons les médias à jouer un rôle inclusif et positif dans l’amélioration de la participation des femmes. La pleine participation des femmes aux processus de consultation, aux initiatives de réforme et de relance économiques et aux rôles décisionnels doit être garantie.

Nous, les ambassadeurs des pays nordiques, soutenons les demandes de mesures spéciales temporaires, telles qu’un quota en faveur des femmes dans les lois électorales parlementaires et municipales, afin de progresser leur participation au parlement ; leur représentation au sein de la Commission de surveillance des élections ; et des mesures visant à garantir une tolérance zéro vis-à-vis de la violence à l’égard des candidates aux prochaines élections en 2022.

La communauté internationale s’est engagée à travailler avec le gouvernement, l’ONU et les ONG au Liban pour aider les femmes et les filles à s’engager de manière significative dans les processus de prise de décision, de résolution de conflits, de faire entendre leurs voix et d’améliorer l’égalité pour toutes les femmes et filles. Nous nous engageons à soutenir le Liban et son peuple sur une voie de rétablissement significative et inclusive. Ce chemin ne peut être complet sans la participation de toutes les composantes sociales du Liban, notamment celles qui constituent 50 % de sa population : les femmes.

Merete JUHL, Ambassadrice du Danemark.

Tarja FERNÁNDEZ, Ambassadrice de Finlande.

Unnur ORRADÓTIR RAMETTE, Ambassadrice d’Islande.

Martin YTTERVIK, Ambassadeur de Norvège.

Ann DISMORR, Ambassadrice de Suède.

Alors que le Liban subit de plein fouet une crise financière, économique, sociale et politique de plus en plus grave et sans précédent, un dangereux message qualifiant les problèmes des femmes comme dérisoires est en mouvement. Accepter cette fausse supposition risque sérieusement de dégrader les acquis concernant l’égalité des genres et les droits des femmes au Liban. La tendance...

commentaires (2)

C'est effectivement un texte d'une importance extrême car il décrit un modèle de société .Seule la participation des femmes à la prise de décision politique pourrait faire évoluer la société d'un système patriarcal à un système proprement démocratique qui respecte les libertés individuelles et les droits humains. La société civile ce sont les jeunes (moins de 30 ans) et les femmes qui ne veulent pas reproduire le système patriarcal et peuvent faire évoluer la société dans un sens plus égalitaire et moins archaïque. Le mouvement du 17 octobre a existé grâce à eux et les élections législatives seront réussies si une proportion significative de ces deux catégories sont représentées (20 à25 %). Même les leaders traditionnels doivent les intégrer et les associer au lieu de ce chassé croisé absurde et vain ,au sein d' système patriarcal familial et communautaire qui a montré ses limites et qui condamne notre entité nationale à la fragmentation et à la décomposition .

Bahjat RIZK

16 h 50, le 29 janvier 2022

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Commentaires (2)

  • C'est effectivement un texte d'une importance extrême car il décrit un modèle de société .Seule la participation des femmes à la prise de décision politique pourrait faire évoluer la société d'un système patriarcal à un système proprement démocratique qui respecte les libertés individuelles et les droits humains. La société civile ce sont les jeunes (moins de 30 ans) et les femmes qui ne veulent pas reproduire le système patriarcal et peuvent faire évoluer la société dans un sens plus égalitaire et moins archaïque. Le mouvement du 17 octobre a existé grâce à eux et les élections législatives seront réussies si une proportion significative de ces deux catégories sont représentées (20 à25 %). Même les leaders traditionnels doivent les intégrer et les associer au lieu de ce chassé croisé absurde et vain ,au sein d' système patriarcal familial et communautaire qui a montré ses limites et qui condamne notre entité nationale à la fragmentation et à la décomposition .

    Bahjat RIZK

    16 h 50, le 29 janvier 2022

  • Cet article - opinion , signé par les cinq ambassadeurs scandinaves accrédités au Liban aurait amplement mérité de figurer en première page de votre quotidien vu son importance et l'approche des élections législatives. Le journal ElNahar lu, l'a bien compris ( ElNahar 28 janvier 2022) . J'aurais quand même pensé que le triste et navrant record de la minuscule participation des femmes à la vie politique libanaise, aurait été surtout compris par l'unique quotidien francophone . C'est dommage ! Merci aux pays scandinaves de nous montrer ce que nous au liban on ne veut pas voir ! Carla Jabre Consule Honoraire Générale d'Islande au Liban.

    Carla Jabre

    11 h 17, le 29 janvier 2022

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