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Crimes d’inaction

Révolu, le temps où les petits drames accompagnant toute rentrée scolaire se résumaient à de poignantes lamentations, à d’assourdissants Ve veux pas y aller abondamment arrosés de larmes enfantines. Ce luxe plutôt attendrissant n’est pas le seul que l’on a cruellement ravi aux jeunes Libanais.


Bancale, fragmentaire, chaotique, bordélique en diable est cette rentrée scolaire de l’an nouveau. En sus des incontournables astreintes sanitaires, l’on y voit établissements publics et privés faire banc à part comme à l’accoutumée, mais pâtir ensemble de la même incapacité des instituteurs à gagner leur lieu de travail, faute de moyens financiers. C’est la même indigence qui accable un nombre sans cesse croissant de parents d’élèves, impuissants à doter leur progéniture du matériel électronique indispensable pour l’enseignement à distance : tout cela sans parler d’un réseau internet rachitique, qui menace d’ailleurs de mettre la clé sous le paillasson.


Un des plus beaux fleurons du Liban heureux fut la qualité de l’enseignement qui y était pratiqué ; bien davantage que notre triste présent, le plus préoccupant est l’encadrement éducationnel, intellectuel et académique des générations futures. Mais au fond, par l’effet de quel miracle l’enseignement échapperait-il à la déglingue générale qui a déjà emporté les finances, l’économie, les systèmes bancaire, médical et hospitalier de notre pays, sous le regard criminellement impassible de ses propres dirigeants ? Et du moment qu’il est question d’éducation, cette lâche démission face aux intérêts vitaux des citoyens de demain n’est-elle pas la preuve irréfutable que ces dirigeants, en dépit de leurs titres ronflants et de leurs fortunes généralement mal acquises, ont lamentablement raté eux-mêmes l’école de la vie ? De la vie publique, s’entend, celle où l’on apprend les rudiments de l’action politique dans sa conception la plus noble, du sens des responsabilités, de la rigueur morale, de l’honneur, du devoir de servir et non d’asservir…


Passé les fêtes, pas de rentrée qui tienne pour ces cancres catapultés maîtres d’école. Pour eux, rien ne presse, ils ont toute la vie devant eux, alors que le pays agonise, que la monnaie nationale est atteinte d’une dépréciation insensée. Ils meublent le temps en remuant du vent. Et même parfois de l’air renfermé, tel ce projet de dialogue national que vient de lancer le président de la République : projet mort-né en effet, faute surtout de volontaires pour un énième remake de ces solennelles séances où l’on discute bon train mais où les rares points d’accord ne sont jamais concrétisés dans les faits. Mais qu’importe, on aura bouclé la semaine avec ces audiences présidentielles inaugurées hier et visant à faire de la réclame à une aussi douteuse, défraîchie, invendable camelote. Et puis, tant qu’à dialoguer, quel site plus normal, plus naturel pour le faire que ce gouvernement d’unité qui n’est même pas en mesure de se réunir ?


L’inaction, l’immobilisme, la léthargie érigée en mode de gouvernement : de toutes les malédictions qui se sont abattues sur le Liban, celle-là est bien la plus calamiteuse. Car à sa vicieuse manière, l’inaction n’est autre chose qu’un crime par défaut : c’est ce qu’on appelait, dans les juvéniles classes de catéchisme, pécher par omission. Si tant est que toute cette mauvaise graine y ait prêté la moindre attention…


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Révolu, le temps où les petits drames accompagnant toute rentrée scolaire se résumaient à de poignantes lamentations, à d’assourdissants Ve veux pas y aller abondamment arrosés de larmes enfantines. Ce luxe plutôt attendrissant n’est pas le seul que l’on a cruellement ravi aux jeunes Libanais. Bancale, fragmentaire, chaotique, bordélique en diable est cette rentrée scolaire de...