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Moyen-Orient - Syrie

Moscou intensifie de nouveau ses frappes aériennes sur la province d’Idleb

Depuis près d’une semaine, la Russie mène quotidiennement des bombardements sur le dernier bastion rebelle et jihadiste de Syrie, prenant pour cible des infrastructures publiques. Une stratégie qui pourrait viser à détériorer davantage la situation humanitaire dans la région.

Moscou intensifie de nouveau ses frappes aériennes sur la province d’Idleb

La station d’eau d’al-Arshani après une frappe aérienne russe, au nord-est de la ville d’Idleb en Syrie, dernier grand bastion rebelle du pays. Omar Haj Kadour/AFP

Loin des festivités qui ont marqué le passage à la nouvelle année, les habitants de la province d’Idleb, dans le Nord-Ouest syrien, ont été ciblés hier pour le sixième jour consécutif par des raids aériens menés par Moscou. Samedi, les membres de la Défense civile syrienne ont indiqué sur Twitter que deux enfants et une femme avaient été tués tandis que dix autres personnes, des enfants pour la plupart, ont été blessées. « Des femmes et des enfants criaient de toutes parts. J’ai vu un père pleurer et tenir dans ses mains les livres de sa fille tuée dans le bombardement », confie Ahmad*, un journaliste basé dans la région qui s’est rendu sur les lieux de la frappe, dans la campagne de Jisr al-Choghour, localité du gouvernorat d’Idleb située à environ 50 km au sud-ouest de la ville éponyme.

Si ces frappes ne sont pas nouvelles, leur intensification fait redouter aux Syriens dans les zones rebelles l’imminence d’une nouvelle campagne d’envergure du régime de Damas et de son allié russe. Hier, une femme et un enfant ont été blessés par une nouvelle frappe aérienne lancée par Moscou sur une ferme avicole située dans les environs du village de Kafr Takharim, au nord du gouvernorat. « Les habitants ont été très surpris par ces raids car ils étaient jusqu’à présent irréguliers. Mais depuis ces derniers jours, ils sont quotidiens », constate le photojournaliste indépendant syrien basé à Idleb Fared al-Mahlool, qui rapporte également le bruit assourdissant des avions survolant la zone et le fracas du bombardement d’hier résonnant à plus de 10 km, dans sa ville de Salkine.

Moyens de subsistance
Aux yeux des habitants de ce dernier grand bastion rebelle et jihadiste du pays, essentiellement contrôlé par le groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTS) – ex-branche syrienne d’el-Qaëda –, la stratégie de Moscou est d’affamer la population et de détériorer davantage les conditions de vie dans cette région où environ 75 % de la population dépend d’une aide humanitaire. « Au cours des derniers jours, les bombardements se sont concentrés sur des fermes avicoles, où 14 poulaillers ont été détruits et la plupart des poulets sont morts, raconte Ahmad. Le propriétaire d’un poulailler bombardé a déclaré qu’il avait perdu 9 000 animaux d’un seul coup. » Dimanche, les avions de combat russes ont également attaqué la station de distribution d’eau de la ville d’Idleb, provoquant l’interruption de l’approvisionnement en eau potable de plus d’un demi-million de civils, selon des sources locales.

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« La Russie cible les infrastructures d’Idleb pour empêcher les civils de vivre. En conséquence, de plus en plus de Syriens sont repoussés vers la frontière turque », observe Ömer Özkizilcik, analyste de politique étrangère basé à Ankara, qui rappelle que 3 millions d’habitants d’Idleb vivent dans des camps de déplacés jouxtant la Turquie. « Dans de nombreux cas, la Russie a ciblé les moyens de subsistance des Syriens pour aggraver la situation humanitaire désastreuse et augmenter la pression sur l’aide humanitaire transfrontalière fournie par l’ONU et la Turquie », poursuit-il. En juillet dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU était parvenu, malgré la menace d’un veto russe, à adopter une résolution prolongeant de 6 mois renouvelables l’autorisation d’utiliser le point de passage de Bab el-Hawa, à la frontière turco-syrienne, pour acheminer de l’aide humanitaire transfrontalière à Idleb sans passer par le régime de Damas. À l’approche de l’expiration de la résolution, le 10 janvier, les observateurs craignent désormais que Moscou intensifie la pression militaire sur la région en vue d’augmenter sa marge de manœuvre lors des négociations avec la communauté internationale.

Une stratégie que le Kremlin mobiliserait également en vue d’inciter la Turquie à accepter ses conditions au sujet des différents dossiers mis sur la table entre les deux pays. Depuis mars 2020, un accord de cessez-le-feu négocié entre Moscou et Ankara, parrain de certains groupes rebelles, avait notamment permis de mettre fin à une offensive meurtrière lancée par le régime syrien et ses alliés en décembre 2019. Une campagne militaire qui avait fait près d’un million de déplacés, selon l’ONU. Les forces loyalistes et leur allié russe ont cependant violé à plusieurs reprises cette trêve, ravivant aujourd’hui les craintes d’une nouvelle attaque d’ampleur sur la région. « Les Russes tentent de maintenir la zone fragile en termes sécuritaires, de frapper toutes les routes principales pouvant être utilisées pour envoyer des renforts du nord au sud d’Idleb, où se trouve Jabal al-Zawiya (région montagneuse surplombant l’autoroute M4). Leur objectif est de contrôler l’autoroute M4 (axe crucial pour le pouvoir car traversant la région d’Idleb pour relier Alep à Lattaquié) et la zone de Jabal al-Zawiya », observe Navvar Saban, chercheur au centre Omran basé à Istanbul et au centre Orsam.

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Si les observateurs estiment que Moscou continuera à accroître la pression sur la région, une confrontation militaire directe entre la Russie et la Turquie semble cependant peu probable. « En ce qui concerne les frappes aériennes russes, il existe un modus operandi tacite entre Ankara et Moscou. La Russie ne cible pas les soldats turcs, la Turquie ne riposte pas contre la Russie, indique Ömer Özkizilcik. Si Ankara sait que la Russie maintient sa supériorité aérienne, Moscou veut éviter une nouvelle opération militaire turque. L’expérience de la campagne de drones de la Turquie en février-mars 2020 a été très coûteuse pour les forces du régime Assad soutenues par la Russie et l’Iran. »

Loin des festivités qui ont marqué le passage à la nouvelle année, les habitants de la province d’Idleb, dans le Nord-Ouest syrien, ont été ciblés hier pour le sixième jour consécutif par des raids aériens menés par Moscou. Samedi, les membres de la Défense civile syrienne ont indiqué sur Twitter que deux enfants et une femme avaient été tués tandis que dix autres personnes, des...

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