Une minute de silence

Chers lecteurs,

À ceux qui cherchent à trouver des solutions, je leur dis qu’il n’y en a pas tant que ce système est en place. À tous ceux qui me conseillent d’arrêter de critiquer, ou de donner des leçons, je leur dis que je ne dispense pas de leçons, mais des points de vue, et que je vais continuer de critiquer tant que j’entrevois un espoir d’améliorer les choses, si minime soit-il.

À tous les autres, je voudrais demander d’observer une minute de silence en l’honneur de ce que nous avons été. Silence ? Non, pas de silence, plus de silence, les silences, c’est fait pour les vivants, agglutinés dans la fatalité de leur misère ! Quand on n’est plus là, on doit faire du bruit, on doit hurler, on doit s’agiter, pour échapper au vide insupportable de nos vies médiocres !

Je suis désolé… Vous avez peut-être perdu des proches, des parents, des amis au cours de cette année horrible, ou durant celle qui l’a précédée. Moi aussi j’ai perdu l’être le plus important de mon existence. Ce qui nous unit c’est peut-être l’irréversibilité de la mort, tout le reste vacille. Tout le reste est récupérable. Ni responsables ni coupables, dans l’impunité criminelle, on a rarement fait mieux.

Les escrocs en costume cravate et les mercenaires armés sont les deux faces d’une même pièce. Dans les deux cas, c’est la justice qui est en jeu et qui est la priorité absolue. Je ne parle pas de la justice en tant que partie indépendante d’un système institutionnel, mais de la justice comme principe fondamental qui règle la totalité d’une société. Et sans lequel il ne peut exister un sentiment d’appartenance commune à une totalité. Et sans lequel aucune politique, aucun plan, aucun vivre-ensemble n’est viable.

Accusés de vol, ils cherchent à faire payer les victimes une seconde fois pour recouvrer ce qu’ils ont volé. En situation de cessation de paiement, ils projettent leur faillite sur leurs déposants. Accusés de meurtre, ils brouillent les pistes pour inverser les rôles et devenir eux-mêmes les victimes des familles des victimes. Dans la panoplie de leurs victoires divines, la seule victoire incontestable est celle qu’ils ont réalisée sur leur propre peuple, sur leur propre communauté. Et ceux qui s’agitent sur les plateaux de télévision avec une telle véhémence pour les défendre et les justifier. Ceux qui ont instauré la corruption en tant que système de gouvernance et ceux qui ont corrompu toute possibilité d’une alternative à ce système.

Dans l’insolence et le mépris des vies humaines, ils ont franchi tous les seuils imaginables. On ne naît pas monstre, on le devient.

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