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Économie - Blanchiment d’argent

L’Association des banques du Liban édulcore les remontrances du Trésor américain

Son sous-secrétaire pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian Nelson, a été beaucoup plus critique, brandissant même la menace de sanctions.

L’Association des banques du Liban édulcore les remontrances du Trésor américain

Le Trésor américain a menacé à demi-mots jeudi l’Association des banques au Liban. Photo AFP

C’est dans un communiqué très succinct rédigé en arabe et en anglais que l’Association des banques du Liban (ABL) est revenue dans la soirée de jeudi sur le contenu de la réunion virtuelle entre les membres de son assemblée générale et le sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian Nelson, récemment nommé à ce poste. Un face-à-face auquel seuls certains journalistes étaient invités, de l’aveu même du service de presse de l’organisation, qui s’est contentée d’un rapide compte rendu des propos du responsable américain, en occultant cependant le ton péremptoire employé par ce dernier et les critiques franches adressées au secteur bancaire libanais, selon nos informations glanées le jour même auprès de différentes sources bancaires.

Selon le communiqué, le responsable américain s’est employé à « mettre en avant » la « relation de longue date » entre l’administration américaine et l’ABL, ainsi que « l’engagement » de cette dernière dans la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Toujours selon le communiqué, Brian Nelson a également « confirmé le soutien du gouvernement comme du Trésor américains au Liban face au Hezbollah », soulignant la « capacité » du parti chiite, considéré comme une organisation terroriste par Washington, à « exploiter le système financier libanais et international » ainsi que la « corruption ».

« Déception »

L’ABL a aussi indiqué que Brian Nelson a « invité » les banques et les institutions libanaises à « participer au changement », en luttant contre la corruption et en « empêchant » le Hezbollah d’avoir accès au système financier libanais. Il les a aussi encouragées à « prendre des mesures fortes », dans cette optique, pour identifier et s’assurer des profils des personnes politiquement exposées (PEP), ainsi que de l’origine de leur fonds, rappelant que tout manquement dans ce domaine exposait les établissements à un « risque de sanction ».

En réalité, le ton employé par le nouveau sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier a été beaucoup plus péremptoire au moment de lister les objectifs concrets que son bureau et, par extension, le gouvernement américain, souhaitent voir les banques libanaises atteindre, en plein contexte d’effondrement économique et financier que le pays du Cèdre traverse depuis deux ans. Si les mesures prises par le Trésor américain à l’encontre du Hezbollah et du financement du terrorisme en général ont été mentionnées, le point d’orgue de son discours a surtout été la lutte contre la corruption.

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Brian Nelson a plus précisément appelé le secteur bancaire libanais à être « proactif, ferme et transparent » à tous niveaux, indiquant sa « déception » face au manque d’initiatives des banques libanaises en matière de lutte contre la corruption. Il a aussi pointé du doigt leur manque d’initiative pour identifier les personnes politiquement exposées (PEP), leurs proches et associés, qui « non seulement y possèdent des comptes » mais en sont également actionnaires ou possèdent une certaine influence sur ces établissements. Il est intéressant de noter sur ce point que le responsable a évoqué les PEP en général, et non spécifiquement ceux liés au Hezbollah ou à ses alliés. Le sous-secrétaire est d’ailleurs allé jusqu’à accuser les banques d’avoir fermé les yeux sur des fonds illicites provenant de ces PEP et transitant par ce secteur. Le Liban faisant partie du Groupe d’action financière (FATF) de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), Brian Nelson a souligné que le pays se doit de suivre les règles y inscrites pour lutter contre le blanchiment d’argent.

« Risque de sanctions »

Un prélude au ton menaçant que Brian Nelson a ensuite employé envers les banques, les mettant en garde contre « un risque de sanctions » ou « de perte de leurs banques correspondantes » américaines. Pour éviter ces dénouements, dans un contexte marqué par un faible nombre de cas de suspicion de corruption communiqués par les banques libanaises à la Commission spéciale d’investigation (SIC, en anglais) – un organisme indépendant présidé par le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé –, le représentant de l’exécutif américain a demandé aux banques de « résister à la pression » exercée par quiconque faisant potentiellement partie des PEP. En contrepartie, les banques devraient consulter la SIC et le Bureau des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control, OFAC), a-t-il ajouté.

Brian Nelson a également fait de la « transparence » le mot-clé de la relation entre le Trésor américain et l’ABL, rappelant à cette dernière l’épisode de Jammal Trust Bank (JTB) ayant accompagné le début de la crise financière au Liban à la fin de l’été 2019. Un épisode qui coïncide d’ailleurs avec le début du long décrochage de la livre face au dollar, un des principaux fils rouges de la crise. Cette banque libanaise avait en effet été dissoute après avoir été sanctionnée par le Trésor américain, qui lui avait reproché d’avoir facilité « les activités bancaires du Hezbollah ». Enfin, dans son discours, le sous-secrétaire a, à de nombreuses reprises, tendu la main à l’ABL pour mettre en commun leurs efforts dans la lutte contre la corruption et interdire « l’accès du Hezbollah au système financier ».

En conclusion, si l’ABL a assuré dans son communiqué que le système bancaire libanais était plus qu’attaché à « préserver sa réputation ainsi que de la confiance accordée par ses partenaires américains et internationaux », la marge d’erreur tolérée par Trésor américain dans le domaine de la lutte contre les crimes financiers semble, elle, s’être considérablement réduite. Lors de son passage à Beyrouth en septembre 2019, peu de temps après l’annonce de sanctions visant JTB, le secrétaire adjoint américain au Trésor pour la lutte contre le financement du terrorisme à l’époque, Marshall Billingslea, avait déjà livré un message sans concessions dans ce sens. « Nous savons que nous ne pouvons pas réclamer 100 % de résultats, mais nous demandons 100 % d’engagement à arrêter tout type (d’infraction) dès qu’elle est détectée », a-t-il poursuivi, avant d’appeler les banques libanaises à ajuster leurs procédures en fonction de leur « profil de risque » et leur voilure sur le plan financier.

C’est dans un communiqué très succinct rédigé en arabe et en anglais que l’Association des banques du Liban (ABL) est revenue dans la soirée de jeudi sur le contenu de la réunion virtuelle entre les membres de son assemblée générale et le sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian Nelson, récemment nommé à ce poste. Un...

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En espérant que les sanctions, elles, ne seront pas édulcorées

Christine KHALIL

12 h 05, le 18 décembre 2021

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Commentaires (4)

  • En espérant que les sanctions, elles, ne seront pas édulcorées

    Christine KHALIL

    12 h 05, le 18 décembre 2021

  • Tous les pays régissant le monde ne font plus peur aux malfrats aussi miteux soient ils puisque leur comportement en réaction aux fraudes et exactions se sont toujours limités à des menaces jamais appliquées et des promesses de sanctions jamais tenues. Pourquoi voulez-vous que les agissements des pilleurs, fraudeurs et mafieux changent puisqu’ils savent qu’ils ne risquent rien à part des remontrances qui ne mangent pas de pain? C’est valable aussi pour les dictateurs en herbe qu’on laisse étendre leur domination pour usurper des pays sans défense, sans être inquiétés.

    Sissi zayyat

    10 h 53, le 18 décembre 2021

  • LES PREDATEURS VEULENT SE LA JOUER VICTIMES. CA NE MARCHE PAS BANDE DE VOLEURS DES ECONOMIES D,UNE VIE DU PEUPLE. COMPLICES DES VOLEURS MAFIEUX VOS PARTENAIRES ET SOUVENT VOS PATRONS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 26, le 18 décembre 2021

  • CLAIR COMME LE JOUR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 06, le 17 décembre 2021

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