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Moyen-Orient - Éclairage

Mohammad ben Salmane, le prince héritier qui se voit déjà roi du Golfe

Tandis que le sommet du CCG mardi à Riyad marque une réussite pour le dauphin saoudien, son objectif était double : affirmer son retour dans la péninsule Arabique et acter que la transition du pouvoir est en cours.

Mohammad ben Salmane, le prince héritier qui se voit déjà roi du Golfe

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (3e à partir de la droite) entouré des dirigeants du CCG, à Riyad, le 14 décembre 2021. Bandar al-Jaloud/Saudi Royal Palace/AFP

Sur l’imposant tapis couleur lavande déroulé sur le tarmac en l’honneur des dirigeants du Golfe qui sont arrivés successivement à Riyad mardi soir, ce n’est pas le roi Salmane qui les accueillait pour le 42e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG), mais son fils, le prince héritier, Mohammad ben Salmane (MBS). Avec un message clair : c’est à lui que revient la place de leader incontesté de la péninsule Arabique, qui incombait traditionnellement à Riyad. Après une tournée préparatoire lors de laquelle il a été reçu avec tous les honneurs, le prince héritier a présidé mardi le sommet du CCG au nom de son père, pour la deuxième fois consécutive après le sommet d’al-Ula en janvier dernier, qui avait marqué la fin du blocus contre le Qatar. Suite à cette réconciliation, ce dernier sommet, qui a été placé sous le signe de l’unité retrouvée des pays du CCG et du renforcement de leurs relations dans un contexte sécuritaire incertain lié à la question du nucléaire iranien, est une réussite pour MBS. « Alors que les pays du Golfe sortent de la pandémie de Covid-19 et qu’ils intériorisent la position stratégique plus ambivalente des États-Unis envers la région, nous sommes désormais dans une période de réhabilitation économique et de repli sécuritaire, dans laquelle Mohammad ben Salmane veut affirmer le leadership saoudien sur ces deux fronts, notamment dans le Golfe », affirme Kristin Smith Diwan, chercheuse au Arab Gulf States Institute à Washington.

Une position qui contraste fortement avec sa mise en retrait et l’isolement international dont il a fait l’objet ces trois dernières années, après que les services de renseignements américains l’ont accusé d’avoir approuvé l’assassinat du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, dans le consulat du royaume à Istanbul en 2018. Avec un double objectif : affirmer son retour dans la péninsule Arabique et acter que la transition du pouvoir est en cours alors que le roi Salmane ne reçoit plus que de rarissimes visites officielles et apparaît de plus en plus affaibli lors des réunions virtuelles qu’il préside. Ces évolutions s’inscrivent également dans le cadre de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Djeddah lors de son déplacement express dans le Golfe au début du mois – constituant ainsi la première venue d’un chef d’État occidental en Arabie depuis l’affaire Khashoggi et marquant une étape dans la réhabilitation de MBS sur la scène internationale.

Sécurité intérieure

Préparant le sommet du CCG, le prince héritier s’est rendu tour à tour à Oman, aux Émirats arabes unis, au Qatar pour la première fois depuis le blocus imposé à Doha en 2017, ainsi qu’à Bahreïn et au Koweït. Et dans la lignée des efforts saoudiens pour lever l’embargo sur le Qatar, alors même que ce dernier n’avait cédé à aucune des exigences du quartet arabe formé par Riyad, Abou Dhabi, Le Caire et Manama, le prince héritier a souhaité présenter un front commun face à ce qu’il considère comme la menace principale de la région, l’Iran. « Le prince héritier s’efforce d’affirmer le leadership saoudien au sein du CCG tout en cherchant à rapprocher les positions du royaume et de ses voisins arabes du Golfe au sujet de leur voisin perse », estime Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington DC. Dirigeant le sommet de mardi, MBS a ainsi dit vouloir « continuer de faire tous les efforts possibles pour améliorer la sécurité de la région », alors que les négociations en cours à Vienne pour revenir à l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien se tiennent dans un climat de grande défiance. Si les pays du CCG avaient soutenu en 2018 les décisions de Donald Trump de se retirer unilatéralement du deal et de lancer sa politique de « pression maximale » contre Téhéran, ils ont récemment indiqué leur ralliement à la politique de Joe Biden de revenir à l’accord initial. « La différence est aujourd’hui que l’accent est mis sur la sécurité intérieure et la croissance économique plus que sur l’expansion régionale », explique Kristin Smith Diwan. Face à l’incertitude quant au succès des négociations et au regard du désengagement américain de la région, le secrétaire général du CCG, Nayef al-Hajraf, a réaffirmé dans son communiqué final la position de défense commune des pays du Golfe, soulignant que « toute attaque contre l’un d’entre eux est une attaque contre tous, et tout danger qui menace l’un d’entre eux est une menace pour tous ».

Compétition régionale

Cependant, « il est évident que toutes les monarchies du Golfe ne seront pas sur la même longueur d’onde par rapport à Téhéran », nuance Giorgio Cafiero. Alors que le Qatar et Oman entretiennent de bonnes relations avec la République islamique, ils pourraient servir d’intermédiaires pour régler les différends entre les pétromonarchies et Téhéran, mais s’opposeraient à toute politique confrontationnelle. De son côté, Riyad a bien tenté la voie diplomatique pour obtenir des assurances sécuritaires et sortir du conflit au Yémen, où il mène depuis 2015 une coalition militaire en appui aux forces gouvernementales contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran. Mais les discussions bilatérales avec l’Iran, organisées secrètement par l’intermédiaire de Bagdad, sont restées au point mort. Si le royaume wahhabite reste menacé par les missiles et drones lancés par les rebelles houthis sur son territoire, les EAU n’ont pas de frontière commune avec le Yémen et ont retiré leurs troupes au sol dès 2019. Il leur est donc plus aisé d’adopter une attitude pragmatique d’ouverture, d’autant que les deux pays sont des partenaires commerciaux importants.

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Des considérations qui mettent également en lumière les limites des ambitions de MBS alors que la compétition pour le leadership régional avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, se dessine en toile de fond. En ce sens, les EAU ont récemment amorcé différentes initiatives de rapprochement avec leurs rivaux dans la région, à l’instar de l’Iran et de la Turquie. Sur le plan économique, Riyad et Abou Dhabi se font également face dans leur course aux investissements étrangers afin de diversifier leur économie et préparer l’ère post-pétrole. Dans un geste interprété comme une volonté de détrôner Dubaï comme hub financier et commercial du Golfe, l’Arabie saoudite avait notamment menacé en début d’année les entreprises étrangères qui n’auraient pas leur siège régional à Riyad de ne plus pouvoir contracter avec les institutions gouvernementales.

Sur l’imposant tapis couleur lavande déroulé sur le tarmac en l’honneur des dirigeants du Golfe qui sont arrivés successivement à Riyad mardi soir, ce n’est pas le roi Salmane qui les accueillait pour le 42e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG), mais son fils, le prince héritier, Mohammad ben Salmane (MBS). Avec un message clair : c’est à lui que revient la place de...

commentaires (2)

MBZ, MBS, MBassil, trois héritiers qui voudraient bien devenir calife à la place du calife… Hein? Mais non, je ne le compare pas aux autres, c’est juste pour déconner…

Gros Gnon

23 h 12, le 17 décembre 2021

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Commentaires (2)

  • MBZ, MBS, MBassil, trois héritiers qui voudraient bien devenir calife à la place du calife… Hein? Mais non, je ne le compare pas aux autres, c’est juste pour déconner…

    Gros Gnon

    23 h 12, le 17 décembre 2021

  • PAS DE COMMENTAIRE. CENSURE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 23, le 16 décembre 2021

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