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Mission, démission

Emmanuel Macron peut se féliciter d’avoir entamé du bon pied, hier à Abou Dhabi, sa brève tournée dans le Golfe, laquelle prendra fin aujourd’hui en Arabie saoudite après une nuit passée à Qatar.


Le président français qui, en sus de ses ministres, s’est fait escorter de plusieurs patrons de grandes entreprises, rapporte en effet de cette première étape toute une brassée d’accords économiques et de contrats, dont la mégavente aux Émirats arabes unis de 80 avions de combat Rafale. La création d’emplois que promet cet exploit de marketing peut très bien servir d’argument de poids dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Ces gigantesques fournitures militaires à un royaume prenant une part active à la guerre du Yémen sont toutefois dénoncées par diverses organisations humanitaires, dont Amnesty International. On peut d’ailleurs s’attendre à voir ces critiques redoubler d’intensité quand après avoir rencontré l’homme fort émirati MBZ, Macron devra passer au Saoudien MBS, initiateur du conflit yéménite, éclaboussé de surcroît par l’atroce assassinat du journaliste contestataire Jamal Khashoggi.


À ces critiques, le maître de l’Élysée n’a pas manqué de répondre hier. Et il l’a fait avec d’autant plus d’éclat (et d’à-propos!) qu’il a expressément cité, sur ce point, le cas de notre infortuné pays. Qui peut penser une seconde qu’on aide le Liban, s’est-il ainsi exclamé, quand on cesse de parler au plus important royaume du Golfe ? Malgré l’échec de ses efforts de conciliation exercés à Beyrouth, il est donc clair que le président français demeure pénétré de son engagement libanais. Assez ironiquement cependant, sa mission, déployée cette fois en direction de l’Arabie, ne pouvait redémarrer qu’à la faveur d’une démission qui, en d’autres temps, eut paru bien anodine, mais qui a fini par prendre l’allure d’une affaire d’État à prolongements extérieurs. À ce renoncement se résignait hier le ministre libanais de l’Information, dont les remarques sur la guerre du Yémen avaient attiré sur le Liban les foudres diplomatiques et économiques des États du Golfe.


Un sacrifice personnel souhaité par le Premier ministre Nagib Mikati ainsi que par la France, et consenti dans l’intérêt supérieur du pays : pour ce départ en beauté qu’il s’offrait, Georges Cordahi a eu droit aux applaudissements des journalistes présents. Si elle flatte visiblement son ego, sa vertueuse immolation ne suffira évidemment pas pour ramener la situation au beau fixe ; mais elle peut aider Emmanuel Macron, un des premiers hauts dirigeants occidentaux se hasardant sur le sol de l’Arabie post-Khashoggi, à arracher à ses hôtes une amorce de discussion, une sortie de crise.


Ne serait-ce que pour cette raison, on se fendra donc, à son tour, d’un bye-bye empreint de regret à Cordahi. Regret, à dire vrai, qu’il ait fallu plus d’un mois au héros du jour pour se décider à répondre à l’appel du devoir et offrir à notre admiration sa sublime abnégation. Un mois durant lequel le royaume wahhabite a eu tout le temps de peaufiner ses salves de sanctions contre le Liban, de battre le rappel de ses voisins, de plonger dans l’anxiété nos expatriés vivant dans le Golfe. Un mois durant lequel l’intéressé s’est répandu en tartarinades, jusqu’au moment où les forces politiques qui le téléguidaient se sont, comme par magie, prêtées à la démarche française.


Il faut saluer, comme l’a fait Emmanuel Macron lui-même, la démission du personnage. Applaudissons, oui , même si ce n’est que d’une main.

Issa Goraieb

igor@lorientlejour.com

Emmanuel Macron peut se féliciter d’avoir entamé du bon pied, hier à Abou Dhabi, sa brève tournée dans le Golfe, laquelle prendra fin aujourd’hui en Arabie saoudite après une nuit passée à Qatar. Le président français qui, en sus de ses ministres, s’est fait escorter de plusieurs patrons de grandes entreprises, rapporte en effet de cette première étape toute une brassée...