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Moyen-Orient - Éclairage

Contrats et dossiers régionaux au menu de la tournée de Macron dans le Golfe

Le président français commence aujourd’hui une visite de deux jours pour rencontrer ses alliés à Dubaï, Doha et Djeddah.

Contrats et dossiers régionaux au menu de la tournée de Macron dans le Golfe

Le président français Emmanuel Macron accueille le prince héritier émirati Mohammad ben Zayed à son arrivée au château de Fontainebleau, le 15 septembre 2021. Photo AFP

C’est avec son principal allié dans la région, Mohammad ben Zayed, prince héritier et commandant suprême adjoint des forces armées des Émirats arabes unis, qu’Emmanuel Macron ouvrira le bal de sa visite expresse dans le Golfe. La dernière rencontre entre les deux hommes au château de Fontainebleau mi-septembre a mis en avant la proximité et les bonnes relations existant entre la France et la fédération du Golfe. À cette occasion, le dauphin d’Abou Dhabi a pu visiter le théâtre impérial du palais, rebaptisé du nom de son frère, cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane, en remerciement aux 10 millions de dollars versés pour sa rénovation. Au diapason sur de nombreux sujets régionaux, les deux dirigeants se retrouvent aujourd’hui à Dubaï, au lendemain des célébrations pour le 50e anniversaire des EAU. Le soir même, Emmanuel Macron reprendra l’avion pour un dîner d’affaires à Doha avec l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, avant d’arriver samedi en Arabie saoudite pour la dernière étape de son voyage, afin de s’entretenir avec le prince héritier Mohammad ben Salmane. La teneur des discussions prévues se devine au vu de la délégation qui accompagne le président français, qui comprend les ministres des Affaires étrangères, de l’Économie, des Armées, de la Culture et du Commerce extérieur ainsi que des dirigeants de grands groupes français comme Airbus, Thalès, Safran, Air Liquide ou encore EDF, selon l’AFP.

À quelques mois de l’élection présidentielle française d’avril 2022, le candidat (encore non déclaré) à sa propre succession souhaite annoncer durant son voyage la signature de gros contrats, notamment après l’humiliation subie du fait de la rupture brutale par l’Australie du « contrat du siècle » concernant des sous-marins français en septembre dernier. Selon le magazine Challenges, Dassault Aviation serait en passe de conclure avec Abou Dhabi un contrat pour la livraison d’avions de chasse du modèle Rafale 4, qui devrait être finalisé en 2025. Abou Dhabi possède déjà une soixantaine d’avions français Mirage et accueille la seule base militaire permanente française en dehors des continents européen et africain, le Camp de la Paix, qui a contribué à l’évacuation de ressortissants d’Afghanistan. Alors que certains élus républicains aux États-Unis cherchent à empêcher une vente au Qatar de drones armés pour 500 millions de dollars, en raison de violations des droits humains et de la proximité de Doha avec des groupes islamistes comme les talibans ou le Hamas, l’émirat gazier peut compter sur la France qui doit lui livrer bientôt des avions Rafale commandés notamment en 2018 sous la présidence Macron. L’Arabie saoudite était, quant à elle, le premier importateur d’armes françaises en 2020 avec plus de 700 millions d’euros de commande. Fin 2018, peu après l’assassinat à Istanbul du journaliste saoudien d’opposition Jamal Khashoggi – imputé par la suite au prince héritier saoudien –, Emmanuel Macron avait estimé que c’était « pure démagogie que de dire d’arrêter les ventes d’armes », tout en se demandant quel était « le rapport entre les ventes d’armes et M. Khashoggi ». Ce rapport, les organisations des droits de l’homme le font en considérant que la France est en violation de la position commune du Conseil européen sur le contrôle des exportations d’armement de 2008, ainsi que du traité sur le commerce des armes, qu’elle a ratifié en 2014. En principe, Paris devrait refuser toute vente d’armes lorsqu’il existe un risque d’utilisation agressive de celles-ci ou de violations du droit international, comme elles ont été dénoncées notamment lors des conflits au Yémen ou en Libye, dans lesquels Abou Dhabi et Riyad sont impliqués. Mais Florence Parly, ministre française des Armées qui était le mois dernier dans les EAU pour un exercice militaire commun, résumait l’enjeu en 2018, expliquant que « les exportations d’armement sont le business modèle de notre souveraineté ».

Position française et dossiers régionaux
Cette souveraineté s’affirme aussi dans l’indépendance souhaitée par Paris vis-à-vis de Washington, qui continue sous l’administration de Joe Biden à se désengager du Moyen-Orient pour se tourner vers l’Asie. Sachant que le soutien des États-Unis à ses alliés traditionnels ne peut plus être considéré comme acquis, la France s’efforce de projeter sa puissance diplomatique dans la région pour y protéger ses intérêts et alliés. Suite à l’attaque des installations pétrolières saoudiennes d’Aramco en septembre 2019, attribuée à des groupes houthis soutenus par Téhéran et restée sans représailles, les pays du Golfe ont réalisé que le parapluie sécuritaire américain ne leur serait pas toujours ouvert. Désormais, « ils se cherchent des garanties additionnelles », indique Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France en Arabie saoudite. En plus de se tourner vers la Russie ou la Chine, « ils sont aussi naturellement intéressés par ce que les Européens peuvent leur offrir, et c’est un fait que la France est aujourd’hui sur le plan politique le pays européen le plus actif au Moyen-Orient », ajoute-t-il. Emmanuel Macron était le seul chef d’État occidental présent à la conférence de Bagdad en août dernier, organisée en partenariat avec la France dans l’idée de contribuer à la stabilité de l’Irak et à l’apaisement des discordes régionales.

« La France a la volonté de s’inscrire dans les grands mouvements diplomatiques en cours dans le Golfe et de participer à la conversation sur la désescalade », indique Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington, en référence aux rapprochements pragmatiques initiés par de nombreux pays du Moyen-Orient avec leurs rivaux visant à stabiliser la région en privilégiant le développement économique aux conflits coûteux. Avec plus ou moins de succès, l’Iran et l’Arabie saoudite, les EAU et la Turquie ou encore la Syrie sont autant de pays qui participent à ce mouvement de détente.

Outre le volet politique et stratégique cher au président français, certains dossier régionaux vont être abordés, tels que la Libye, le nucléaire iranien et le Liban. « Cette visite tombe à un moment où la France vient de contribuer à une étape importante du processus libyen », décrypte Frédéric Charillon, professeur de sciences politiques à l’École nationale d’administration notamment, à l’Université de Clermont Auvergne et à Sciences Po Paris. Le 12 novembre dernier, Emmanuel Macron concluait sa 3e conférence internationale de Paris sur la Libye avec l’espoir de voir la transition et les élections se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Pour que la déclaration finale de la conférence soit respectée, le président français chercherait à assurer le soutien des EAU et du Qatar, alors que les deux soutiennent des camps opposés en Libye. Abou Dhabi appuie le général Khalifa Haftar contre le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj reconnu par l’ONU et soutenu notamment par le Qatar.

Influence iranienne
Autre sujet d’inquiétude qui sera probablement abordé : le 7e cycle de pourparlers en cours à Vienne sur le nucléaire iranien. Le retrait unilatéral de l’accord de 2015 sous la présidence de Donald Trump et la politique de « pression maximale » qui a suivi contre l’Iran dès 2018 avaient créé des dissonances entre la position d’Emmanuel Macron sur ce dossier et celle de Riyad et Abou Dhabi, alignés sur Washington. Reconnaissant désormais la contre-productivité de cette politique maximaliste, les Saoudiens et les Émiratis se sont rapprochés d’une ligne française qui prône la fermeté dans le dialogue. Depuis le début de la reprise des négociations en avril dernier, alors qu’elle sert avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne d’intermédiaire entre les Iraniens et les Américains, la France essaie de renforcer l’accord nucléaire en cherchant à le prolonger et à y intégrer les questions des missiles balistiques et des activités régionales de l’Iran, ce que ce dernier a toujours refusé. Lundi dernier, Emmanuel Macron a encore cherché à faire pression sur la République islamique avant la reprise des négociations dans un appel au président iranien Ebrahim Raïssi, ce qui peut être interprété aussi comme un signe de bonne volonté envers ses alliés du Golfe.

Dans cette même perspective, le Liban sera sans doute le sujet le plus épineux, notamment à Riyad. Suivie des EAU, du Bahreïn et du Koweït, l’Arabie saoudite a lancé fin octobre un blocus qui ne dit pas son nom contre le pays du Cèdre, saisissant le prétexte de critiques émises par l’actuel ministre de l’Information, Georges Cordahi, sur la guerre au Yémen, avant même qu’il ne soit nommé au gouvernement. Le problème de fond pour les États du Golfe est en réalité la mainmise du Hezbollah pro-iranien sur le pays, tandis que le président français a des considérations plus larges sur ce dossier. Si Doha peut jouer un rôle de médiateur dans ce dossier, que le président français tentera sans doute d’activer suite à la visite de Michel Aoun à l’émir qatari, Riyad, quant à lui, ne voit pas l’intérêt d’investir dans ce pays aux mains et aux ordres de l’Iran, alors que le soutien financier des pays du Golfe en cas de réformes devait créer une bouffée d’oxygène pour l’économie libanaise en chute libre.

En 2017, la démission imposée à Saad Hariri avait été la raison d’une escale surprise de quelques heures d’Emmanuel Macron à Riyad, au retour des EAU, unique visite officielle du président français à ce jour. Le prince héritier Mohammad ben Salmane avait été ensuite reçu à Paris en avril 2018, mais l’affaire Khashoggi en octobre de la même année a isolé le dauphin saoudien sur la scène internationale, Joe Biden refusant même de s’entretenir avec lui directement. L’ordre de visite de la tournée française, qui débute à Dubaï et finit à Djeddah, souligne la relation privilégiée d’Emmanuel Macron avec le dirigeant de facto d’Abou Dhabi. Il indique en outre la position distanciée de l’Élysée qui se défend « d’une remise en selle » de Mohammad ben Salmane. « Ce sera la première visite d’un leader occidental au prince héritier saoudien, ce qui a de la valeur pour ce dernier », indique l’ancien ambassadeur de France à Riyad. « Je ne pense pas que les pays du Golfe s’attendent à d’énormes résultats directs mais (...) je pense qu’ils veulent rappeler à tout le monde qu’ils sont encore des acteurs qui comptent », suggère Hussein Ibish.

C’est avec son principal allié dans la région, Mohammad ben Zayed, prince héritier et commandant suprême adjoint des forces armées des Émirats arabes unis, qu’Emmanuel Macron ouvrira le bal de sa visite expresse dans le Golfe. La dernière rencontre entre les deux hommes au château de Fontainebleau mi-septembre a mis en avant la proximité et les bonnes relations existant entre la...

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