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Politique - Enquête sur l’explosion au port

Bitar ne peut reprendre l’enquête malgré le dessaisissement de Mezher

Si le magistrat proche du mouvement Amal a été déclaré mardi incompétent pour étudier une demande de récusation présentée contre le juge d’instruction près la Cour de justice, ce dernier ne peut pourtant pas reprendre le dossier avant que ne soit annulée la notification de cette demande que lui avait adressée le premier...

Bitar ne peut reprendre l’enquête malgré le dessaisissement de Mezher

Habib Mezher vilipendé par des activistes de l’association Noun, le 9 novembre. Photo DR

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’explosion au port de Beyrouth : le juge Habib Mezher, président par intérim de la 12e chambre civile de la cour d’appel, qui avait « abusivement », selon l’analyse de plusieurs personnalités de référence dans le monde judiciaire, suspendu l’enquête du juge Tarek Bitar qui en a la charge, a été dessaisi de l’affaire mardi. Un dessaisissement qui ne permet pas pour autant à Bitar de reprendre la main sur le dossier du port, car il faut, entre autres, encore attendre la décision de Mezher. Le mauvais feuilleton continue en somme... C’est donc mardi que le premier président de la cour d’appel de Beyrouth, Habib Rizkallah, a décidé que le juge Habib Mezher n’a pas compétence pour se pencher sur le recours en dessaisissement présenté il y a trois semaines par l’ancien ministre Youssef Fenianos mis en cause dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth, contre le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar. Si par sa décision, M. Rizkallah a franchi une première étape vers la remise sur les rails de l’enquête que la classe politico-judiciaire s’acharne à entraver, toutes les embûches sont toutefois loin d’être dégagées. M. Bitar ne peut, en effet, reprendre ses investigations qu’après une décision qui annulerait sa notification du recours en dessaisissement effectuée par M. Mezher, le 5 novembre. Laquelle avait suspendu de facto sa mainmise sur le dossier. Cela à condition que d’autres décisions judiciaires ne soient pas prononcées contre lui, notamment dans les recours en suspicion légitime ou en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes », dont le matraquent les hommes politiques possiblement impliqués dans le drame du 4 août.

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Zeaïter et Khalil reviennent à la charge contre le juge Élia

Habib Mezher, connu pour être proche du mouvement Amal, dont deux députés (Ghazi Zeaïter et Hassan Khalil) sont mis en cause par le juge Bitar dans l’affaire, avait été désigné le 2 novembre par le juge Rizkallah pour remplacer Nassib Élia à la tête de la 12e chambre civile de la cour d’appel de Beyrouth, chargée d’étudier les recours en récusation des magistrats. Dans ce cadre, M. Mezher avait pour seule mission d’examiner un recours en dessaisissement porté quelques jours auparavant par l’ancien ministre Youssef Fenianos contre M. Élia, ce dernier ne pouvant se pencher sur une requête le concernant. Aussitôt nommé pour sa nouvelle tâche, Habib Mezher s’était toutefois arrogé le pouvoir d’y joindre le dossier de la demande en récusation de Tarek Bitar. Dans la foulée, le juge Mezher s’empressait, le 4 novembre, d’adresser au juge Bitar une notification de la demande, gelant par le fait même l’enquête. Le lendemain, des avocats de victimes étrangères tuées lors de l’explosion du 4 août 2020 avaient présenté au juge Habib Rizkallah une plainte visant à ce que les deux dossiers soient séparés. Leur requête a été satisfaite mardi, M. Rizkallah considérant que M. Mezher avait dépassé ses prérogatives.

Poupées russes

Dans sa décision, M. Rizkallah a donc décidé de restituer à la 12e chambre civile le dossier de la demande de récusation présentée par M. Fenianos contre Tarek Bitar. Ce dernier est toutefois encore loin d’être au bout de ses peines. Interrogé par L’Orient-Le Jour, le directeur du cabinet Justicia, Paul Morcos, estime que l’arrêt rendu par le juge Rizkallah ne représente qu’une première étape dans le chemin tortueux vers une reprise en main du dossier par le juge Bitar. Il affirme en effet que même si la 12e chambre a récupéré le dossier, Nassib Élia ne peut pas se pencher sur le recours en dessaisissement de Tarek Bitar, puisque la demande de récusation le concernant n’a pas encore été tranchée par Habib Mezher ou par un autre magistrat qui viendrait le remplacer. M. Mezher fait en effet lui-même l’objet d’un recours en dessaisissement présenté par le bureau de plaintes relevant de l’ordre des avocats de Beyrouth. Les deux conseillères de la 12e chambre, Rosine Hjeily et Myriam Chamseddine, font pour leur part l’objet d’une procédure similaire présentée par MM. Zeaïter et Khalil. Que ces trois magistrats soient maintenus en place et rendent leur verdict, ou qu’ils soient remplacés par des confrères, il s’agira en tout état de cause de savoir si M. Élia sera dessaisi. Le cas échéant, un autre magistrat serait désigné pour se pencher sur la demande en récusation de M. Bitar.

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Par ailleurs, que Nassib Élia soit maintenu ou qu’un autre magistrat prenne sa relève, Tarek Bitar ne pourra reprendre l’enquête que si la notification que lui avait adressée le juge Mezher est annulée. Si ce dernier n’est pas récusé, il pourrait supprimer lui-même sa décision de notification et permettre ainsi à M. Bitar d’investiguer de nouveau. Une option qui semble très peu probable, sachant que sa démarche a été interprétée comme une volonté de mettre son collègue à l’écart dans l’affaire de l’explosion au port.

« Tant de procédures ne peuvent que retarder l’enquête », note Me Morcos, qui déplore d’ailleurs le retard de la décision de M. Rizkallah, rendue près de 20 jours après sa saisine.

De telles finasseries techniques et juridiques font dire à un avocat de renom sous couvert d’anonymat que « la procédure pénale est instrumentalisée par un abus des voies de recours judiciaires ». « Les recours se multiplient non seulement contre Tarek Bitar, mais contre les magistrats chargés de statuer sur ces recours », déplore-t-il, comparant ces procédures à « un jeu de poupées russes » pour illustrer la manière dont ces recours sont emboîtés les uns dans les autres. Cela, affirme l’avocat précité, dans « une volonté de la classe politique de bloquer toute action de juges connus depuis trois décennies pour leur indépendance et leur parcours irréprochable ».

Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’explosion au port de Beyrouth : le juge Habib Mezher, président par intérim de la 12e chambre civile de la cour d’appel, qui avait « abusivement », selon l’analyse de plusieurs personnalités de référence dans le monde judiciaire, suspendu l’enquête du juge Tarek Bitar qui en a la charge, a été dessaisi de l’affaire...

commentaires (7)

Madame Claude Assaf place sur le tapis, les figurines des juges au fur et à mesure de leur entrée sur la scène de justice. Et explique avec précision et minutie les tenants et aboutissants de ce qui se passe sans prévaloir de ce qui se passera dans le temps. Avec elle, suivre les événements tellement compliqués est plus accessible aux néophytes de la politique en général et à la politique Libanaise en particulier, à commencer par moi-même. Merci Madame. Il est maintenant clair que la guerre des politiciens s’est transposée en guerre des Juges. Les masques tombent, le visage réel de certains, est plus visible et la vérité brille en plein soleil. Démêler l’écheveau devient plus évident avec les explications de l’auteure. Grâce à l’opiniâtreté du Juge Tarik Bitar, ainsi que ses confrères et consoeurs la justice regagne son honorabilité et, la confiance du peuple Libanais. La peur est en train de changer de camps, les présumés coupables, et les commanditaires sont aux aboient pour vouloir en découdre avec les juges, qui osent appliquer la loi pour tous. Que Dieu Nous préserve le Juge Bitar et ses semblables, ainsi que les journalistes indépendants qui nous analyses les événements tels qu’ils sont. Merci à l’Orientlejour, ses rédacteurs en chefs, à Mounir Rabih, Claude Assaf, et tous les autres …

Le Point du Jour.

00 h 11, le 26 novembre 2021

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Commentaires (7)

  • Madame Claude Assaf place sur le tapis, les figurines des juges au fur et à mesure de leur entrée sur la scène de justice. Et explique avec précision et minutie les tenants et aboutissants de ce qui se passe sans prévaloir de ce qui se passera dans le temps. Avec elle, suivre les événements tellement compliqués est plus accessible aux néophytes de la politique en général et à la politique Libanaise en particulier, à commencer par moi-même. Merci Madame. Il est maintenant clair que la guerre des politiciens s’est transposée en guerre des Juges. Les masques tombent, le visage réel de certains, est plus visible et la vérité brille en plein soleil. Démêler l’écheveau devient plus évident avec les explications de l’auteure. Grâce à l’opiniâtreté du Juge Tarik Bitar, ainsi que ses confrères et consoeurs la justice regagne son honorabilité et, la confiance du peuple Libanais. La peur est en train de changer de camps, les présumés coupables, et les commanditaires sont aux aboient pour vouloir en découdre avec les juges, qui osent appliquer la loi pour tous. Que Dieu Nous préserve le Juge Bitar et ses semblables, ainsi que les journalistes indépendants qui nous analyses les événements tels qu’ils sont. Merci à l’Orientlejour, ses rédacteurs en chefs, à Mounir Rabih, Claude Assaf, et tous les autres …

    Le Point du Jour.

    00 h 11, le 26 novembre 2021

  • Encore plus triste sera le fait que même quand les coupables seront connus, ils bénéficieront d’une impunité totale. Voir l’assassinat Hariri

    El moughtareb

    20 h 09, le 25 novembre 2021

  • Oh la bonne blague, si cette situation n’est pas dramatique, pourrait s’étouffer de rires. On a un sbire sorti de nulle part qui vient condamner le juge et le dessaisi d’une façon on ne peut plus illégale, et on gèle l’enquête en attendant que sa décision soit annulée? Elle tombe d’elle même et doit être comme nulle et non avenue vu qu’elle ne repose sur aucun justificatif légal non? Ils imposent leurs lois archaïques et tout le monde tombe dans leur piège en attendant qu’un événement surgit à nouveau pour clore l’affaire ou alors la confier à un vendu assermenté pour les disculper. Le peuple continue à assister à leur prouesse en sape de la république et de sa constitution, occupé par les problèmes que les vendus leur ont inventé pour détourner leur attention du vrai problème qui est l’usurpation de notre pays.

    Sissi zayyat

    11 h 20, le 25 novembre 2021

  • Des sanctions (graves, pas de simples amendes, mais des mises à pied) devraient être prises contre les auteurs de ces recours abusifs.

    Yves Prevost

    07 h 24, le 25 novembre 2021

  • «  la remise sur les rails de l’enquête que la classe politico-judiciaire s’acharne à entraver » Vous avez peur de dire Amal?? Ou bien vous êtes toujours dans kellon ye3ne kellon?? L’honnêteté pour une fois…

    Henoud Wassim

    06 h 22, le 25 novembre 2021

  • État failli, république de Banane

    Robert Moumdjian

    05 h 41, le 25 novembre 2021

  • Quant on s’attaque aux juges dans un pays, c’est qu’il n’y a plus rien et que l’abîme est proche ! Les pouvoirs politiques qui entravent le travail de cet honnête juge Bitar sont connus, il convient de les nommer. D’ailleurs ils ne se cachent pas.

    Jacques d

    01 h 26, le 25 novembre 2021

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