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Économie - Focus

La folle campagne du ministère du Tourisme pour relancer le secteur

Au-delà de l’agitation rhétorique entourant le slogan « Bijnounak B7ebbak », il s’agit surtout d’un projet sur le long terme pour favoriser la reprise du tourisme international au Liban que le ministre Walid Nassar a concocté avec les acteurs du secteur.

La folle campagne du ministère du Tourisme pour relancer le secteur

Le Premier ministre, Nagib Mikati, devant le logo de la nouvelle campagne du ministère du Tourisme lors de la conférence de lancement au Grand Sérail, le 4 novembre 2021. Photo Dalati et Nohra

Les fous font des folies, or les Libanais ne sont pas fous, donc c’est le Liban qui fait des folies. Mais même s’il le fait en dépit du bon sens, « Bijnounak B7ebbak Lubnan ». Telle est « la nouvelle identité touristique offerte aux yeux du monde », pour reprendre les termes employés par le ministre du Tourisme, Walid Nassar, dans un discours prononcé au Grand Sérail le 4 novembre lors du lancement de la campagne « Liban, je t’aime dans toute ta folie ». Une idée un peu folle qui aura, sur le moment même, déconcerté le Premier ministre, Nagib Mikati, durant cette conférence. « Le Liban n’est pas fou, peut-être est-ce la façon dont il a été géré qui l’y a conduit (à la folie) », a-t-il ainsi déclaré. Décliné en anglais, « A crazy love », et en français, « Un amour fou », le message qu’a voulu transmettre le ministère à travers ce slogan est surtout celui du fol amour que les Libanais portent à leur pays, envers et contre tout, et qui se manifeste au quotidien, « dans sa vie nocturne, dans sa gastronomie et dans sa générosité », a décrit, lors de cette même conférence, Walid Kanaan, chef de la création à l’agence publicitaire internationale TBWA/Raad, à l’origine de cette campagne. Tirée d’une célèbre chanson de Feyrouz datant des années de guerre civile (1975-1990), l’expression « Bijnounak B7ebbak » aura permis à la campagne de faire le buzz sur les réseaux sociaux où deux camps se sont dessinés : ceux qui s’en sont offusqué, accusant le ministère d’utiliser à son avantage le dysfonctionnement « délibéré » du pays ; et ceux qui y ont adhéré, saluant « l’effort » pour relancer l’économie plus que moribonde du Liban, en crise multidimensionnelle depuis deux ans.

Offerte « gratuitement » par l’agence, c’est sur une campagne médiatique « honnête et réaliste », compte tenu d’une situation nationale insensée, qu’a tablé l’équipe de Walid Kanaan, explique ce dernier. Impacté par l’effondrement financier du pays, la pandémie de Covid-19 et la tragédie du 4 août 2020, le secteur du tourisme, lui, s’incline : toute initiative est bonne à prendre, soulignent, en substance, différents professionnels et syndicalistes contactés.

Un défi à relever
Au-delà de l’agitation rhétorique entourant cette campagne, c’est surtout « un grand projet » pour relancer le tourisme international au Liban que le ministère a concocté « il y a plus d’un mois », explique le ministre du Tourisme, contacté par L’Orient-Le Jour. Pour renforcer l’efficacité du secteur public, le ministère a « cherché à multiplier les partenariats avec le secteur privé », ajoute-t-il. Une campagne visant à « faire venir le plus grand nombre de gens au Liban en leur facilitant la tâche grâce à une stratégie efficace et durable », décrit-il encore, rappelant le manque de liquidités en devises dans le pays, indispensables pourtant pour espérer faire rebondir l’économie nationale.

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L’objectif est ambitieux, alors que le secteur peine à se relever des épreuves de 2020 – entre crise économique, pandémie et explosion au port de Beyrouth – et continue de se battre face aux obstacles de cette année, des pénuries de carburant et d’électricité jusqu’à la récente crise diplomatique entre le Liban et les pays du Golfe. Le tout dans un contexte d’« instabilité persistante », comme l’a qualifiée mardi la Grande-Bretagne lors d’une mise à jour de ses recommandations de voyage déconseillant à ses ressortissants de se rendre au Liban.

Le défi est donc lancé pour faire venir les touristes étrangers cet hiver au Liban et leur offrir une expérience mémorable dès l’atterrissage, alors que les salles de contrôle à l’arrivée de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB), « première vitrine du Liban pour les visiteurs », ont, depuis quelques jours, droit à un lifting, explique le ministre. Néanmoins, la campagne vise particulièrement les Libanais expatriés qui « sont nécessaires pour revitaliser l’économie », souligne Walid Kanaan.

Des packages promotionnels
À l’ombre d’une recrudescence de la pandémie en Europe ou ailleurs cet hiver, la diaspora pourrait même plutôt être qualifiée d’essentielle, au vu du bilan des revenus du tourisme de 2020, publié par la Banque du Liban. L’année dernière, les chiffres ont atteint leur plus bas niveau depuis 2002, avec une chute en glissement annuel de 72,6 % (2,4 milliards de dollars). Quant aux revenus nets du secteur, ils avaient atteint 682,2 millions de dollars, soit une baisse de 70 % par rapport à 2019, contre une moyenne annuelle d’environ 2,3 milliards de dollars dégagés par le secteur entre 2002 et 2020.

Alors, pour attirer les visiteurs, le ministère, en partenariat avec la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines (MEA) et l’Association des agences de voyages et de tourisme au Liban (Attal), a lancé la première phase de cette campagne : des packages promotionnels pour la saison d’hiver « à prix sacrifiés, comme jamais », soulignent tout autant Walid Nassar, Jean Abboud, président d’Attal, et Jean Beyrouthi, secrétaire général de la Fédération des syndicats touristiques. Valables du 10 au 31 décembre, sous condition d’une réservation préalable au 10 décembre, ces packages incluent un billet aller-retour avec la MEA et un séjour minimum de trois nuits dans l’un des hôtels participants, petit-déjeuner et transferts de et vers l’AIB inclus.

Au départ de Rome, Milan, Madrid, Athènes, Erevan, Amman, Le Caire, Bagdad, Bassora, Erbil et Najaf, les réservations peuvent se faire via « toute agence, et leurs correspondants étrangers, qui a posé sa candidature et à condition qu’elle soit inscrite à l’Attal », détaille Jean Abboud. Si la MEA avait annoncé au début du mois des tarifs entre 50 et 150 dollars (hors taxes et test PCR) et 158 et 248 dollars (avec taxes et test PCR), soit « des remises de près de 80 % de ses coûts habituels », souligne Walid Nassar, les packages finaux démarrent autour des 300 dollars et peuvent grimper au-delà des 900 dollars par personne selon les cas. Les détails et les listes des agences, des hôtels et des prix sont disponibles sur les sites du ministère du Tourisme et d’Attal.

Un projet pilote
Inédite, cette offre fait office de première phase, qui devrait être renouvelée « dès janvier pour la saison de ski et, plus tard, pour la saison estivale », indique Walid Nassar, annonçant une demande d’ores et déjà positive bien que les chiffres des réservations ne soient pas encore sortis. Ces packages ont, en outre, relancé une certaine compétition sur le marché des compagnies aériennes, le ministre informant avoir été contacté par « EasyJet, Turkish Airlines et FlyDubaï » pour discuter des prochaines phases de développement de ce projet. Des compagnies qui pourraient permettre l’inclusion de nouvelles villes, comme Paris et Londres, où « les expatriés libanais sont plus nombreux qu’en Italie ou en Espagne », souligne le président de la Fédération des syndicats touristiques et du syndicat des hôteliers, Pierre Achkar.

Qualifié de « pilote » par Jean Beyrouthi, ce projet ne demande qu’à être amélioré. « Il y a eu une certaine précipitation et un manque de publicité, surtout à l’étranger. Mais le bilan reste positif », déclare-t-il. Pour Jean Abboud, « c’est une bonne étape qui permet de remettre le Liban sur la carte du tourisme international » et qui fait du pied « aux grands tours opérateurs comme Neckermann » pour les prochaines phases. S’il accueille la campagne positivement, Pierre Achkar laisse néanmoins filtrer un certain scepticisme. « Je ne crois pas en une grande réussite au vu de la situation politique, même si nous ne ciblons pas spécialement les Saoudiens mais plutôt les Jordaniens, les Égyptiens et les Irakiens. »

Des Irakiens qui, selon l’une des agences de voyage contactées, seraient les premiers intéressés par ces packages. Cette agence souligne aussi que « les avions sont déjà complets » pour les fêtes, rendant parfois difficiles le choix des dates du voyage. Mais, au-delà des problèmes techniques de cette offre, c’est surtout la question du respect des « fondamentaux » du tourisme au Liban que pose Michel Abchee, PDG du groupe Admic qui détient CityMall et l’hôtel Lost à Gemmayzé (Beyrouth). « Il y en a quatre : la sécurité, les infrastructures, l’organisation et les activités. Si le premier subsiste encore au Liban, les deux suivants n’existent plus. Quant au dernier, il faut donner du contenu à cette campagne pour que les gens aient envie de venir. »

Si les infrastructures et l’organisation « relèvent du devoir de mes confrères », souligne le ministre du Tourisme, des attractions touristiques devraient se développer prochainement. « Nous n’en sommes encore qu’à l’amuse-bouche de la campagne. D’ici à deux semaines, elle se fera encore plus visible », annonce-t-il sans donner plus de détails.

Les fous font des folies, or les Libanais ne sont pas fous, donc c’est le Liban qui fait des folies. Mais même s’il le fait en dépit du bon sens, « Bijnounak B7ebbak Lubnan ». Telle est « la nouvelle identité touristique offerte aux yeux du monde », pour reprendre les termes employés par le ministre du Tourisme, Walid Nassar, dans un discours prononcé au Grand...

commentaires (3)

Personnellement, ce qui m’a fait renoncer à revenir - malgré nos attaches familiales et la maison ancestrale- c’est le dégoût et l’humiliation ressentis face au scandale des déchets. Tfeh - vous puez. Partez et nous reviendrons.

El moughtareb

10 h 19, le 20 novembre 2021

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Commentaires (3)

  • Personnellement, ce qui m’a fait renoncer à revenir - malgré nos attaches familiales et la maison ancestrale- c’est le dégoût et l’humiliation ressentis face au scandale des déchets. Tfeh - vous puez. Partez et nous reviendrons.

    El moughtareb

    10 h 19, le 20 novembre 2021

  • le tourisme n'est pas seulement une publicité. Allez monsieur le ministre, en plein mois de juillet, au port de Byblos, devant les restaurants pépé abed et les autres. Les 50 cm de détritus surnageant ne vous donnent pas envie de revenir. Montez à Afqa, source de Nahr Ibrahim, a la place d'Adonis et astarté, vous trouvez une montagne de canettes de coca , de la bière. Cela aussi , ne vous donne pas envie .de revenir. Expliquez a vos services du ministère de tourisme que le palais de Beiteddine est fermé le Lundi. Envoyez les touristes en leur affirmant que le palais est ouvert tous les jours vous donne une idée du sérieux des gens qui travaillent sous vos ordres. voilà des exemples qui font fuir les touristes. Vous pouvez retorquez que le ministre ne peut pas tout faire. Ce n'est pas faux. Mais vous êtes le patron.... en principe . Quand on vous dit que ce pays, là ou il est maintenant, est foutu.... Il faut tout reprendre a zéro. Bon courage.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    19 h 44, le 19 novembre 2021

  • Courage Walid

    Abdallah Barakat

    06 h 59, le 19 novembre 2021

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