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Société - Reportage

À Beit Méry, au lendemain d’un week-end infernal

L’incendie a éclaté samedi matin et n’a été circonscrit que lundi dans la journée. Les flammes ont ravagé quelque 500 000 m2, selon les autorités locales.

À Beit Méry, au lendemain d’un week-end infernal

La cendre a remplacé les tapis d’herbes sèches. Photo AMH

Une odeur âcre de brûlé envahit l’atmosphère, entêtante. Sous des brindilles, quelques flammes isolées rejaillissent encore. Depuis le bois noirci qui continue de se consumer, une fumée grise s’élève. Cela fait plus de 48 heures que la vallée de Beit Méry est en proie aux flammes d’un incendie qui a ravagé sa forêt de pins, de chênes, de cyprès, de sorbiers, de pistachiers et d’oliviers. Depuis samedi matin plus exactement, lorsqu’un feu d’origine humaine se serait déclaré dans une propriété privée à proximité du Club de Deir el-Kalaa, dont les ouvriers brûlaient herbes sèches et feuilles mortes, selon l’enquête préliminaire. Les vents violents ont fait le reste, en plein épisode de chaleur automnale. Plus de 48 heures donc, que travaillent ensemble d’arrache-pied, pour circonscrire le feu, pompiers de la Défense civile, soldats de l’armée libanaise, représentants locaux et habitants engagés de ce village du Metn qui culmine à 700 mètres d’altitude, sous la direction d’une cellule de crise menée par le directeur général de la Défense civile, Raymond Khattar, avec la participation de la municipalité. Opérant un ballet incessant depuis ce lundi matin, deux hélicoptères bombardiers d’eau de l’armée libanaise mènent ce qu’on appelle une opération de refroidissement. Le sinistre est circonscrit. Ils en éteignent les dernières poches afin de l’empêcher de se propager de nouveau. Pour réapprovisionner leurs seaux imposants, une piscine a été installée sur l’esplanade du couvent de Deir el-Kalaa des moines maronites, où la cellule de crise a établi ses quartiers généraux. Parallèlement, les bénévoles multiplient rondes et interventions avec les moyens du bord, munis de serpes, de tuyaux d’arrosage et de talkies-walkies pour les uns, à mains nues pour les autres.


Les pompiers à pied d'oeuvre, dans la zone sinistrée de Nabeh el Saadé. (AMH)

La richesse forestière ravagée

La vallée de Deir el-Kalaa fait grise mine, en ce lendemain de sinistre. Les cendres l’ont ravagée, partiellement heureusement, détruisant une importante partie de sa flore et de sa faune, sangliers, chacals, oiseaux y compris. Des pylônes en bois sont à terre, entièrement calcinés, de même que des câbles électriques. Des bénévoles, Jean-Pierre, Daniel, Jean, Samer, Joe et les autres, s’affairent à mains nues. Ces habitants concernés par la chose publique ont eu recours à une citerne d’eau privée car de la fumée s’élève encore de ces bois lourdement sinistrés. Quitte à la payer de leur propre poche, comme ils le laissent entendre. « Après tout, c’est notre forêt. C’est notre seule richesse. Regardez ce qu’il en reste ! », gronde Salah, qui a perdu la voix, tant il a hurlé la veille. « Je ne sens plus mes jambes », avoue-t-il en s’asseyant sur un rocher, après l’arrivée d’une nouvelle équipe. Parmi eux, Pierre *, un jeune homme aux yeux rieurs, avoue s’être fait porter malade au travail. « Je ne pouvais pas aller travailler, alors que ma forêt brûle », lance-t-il. Face à lui, un spectacle de désolation. « C’est une catastrophe ! » réagit Samer, le visage fermé. « Le résultat de l’impunité », ajoute-t-il.

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Aux côtés des superficies brûlées, estimées à « 500 000 m2 » par le président de la municipalité de Beit Méry, Roy Abou Chédid, qui raconte que « les flammèches se sont propagées en volant », des espaces verts s’étendent à perte de vue, miraculeusement épargnés, dont un nombre impressionnant de pins. « Leur tronc a été léché par les flammes, mais pas leurs branches. Nous espérons qu’ils survivront. Nous le saurons l’année prochaine après la saison des pluies », souligne M. Abou Chédid, contacté par L’Orient-Le Jour. Dans cette zone résidentielle parsemée de villas, les habitations, elles aussi, ont échappé aux flammes in extremis. On ne dénombre aucun blessé, fort heureusement. « C’est un miracle », commente M. Abou Chédid. Mais il s’en est fallu de peu. Nombre de résidents n’ont pas hésité à quitter les lieux, pris de panique à l’idée d’être pris au piège. « Le feu se propageait si rapidement, porté par un vent violent, qu’il y avait de quoi paniquer, surtout la journée de dimanche », raconte Éliane Khayat, habitante de la vallée de Deir el-Kalaa, dont les voisins sont partis avec leurs enfants. Elle évoque « des flammes hautes comme les pins qui embrasaient tout sur leur passage, même les tapis d’herbes sèches ». « C’était un dimanche infernal », résume cette résidente. Un dimanche infernal « causé par une main humaine », renchérissent des habitants sur les lieux du sinistre. « Des ouvriers syriens brûlaient des herbes sèches. Et le feu s’est soudainement propagé, alimenté par le vent », s’insurge un homme qui préfère garder l’anonymat, accusant les réfugiés de tous les maux.

Bénévoles, oubliés de l’État

Du fond de la vallée en direction de Monteverde, des fumées s’élèvent encore. Pas question de permettre au feu de reprendre. « Nous sommes là pour ça. Nous nous relayons contre le feu depuis samedi sans arrêt », assurent des membres de la Défense civile postés dans la zone particulièrement touchée de Nabeh el-Saadé (sur les hauteurs de Aïn Saadé). Ils ont accouru de différentes régions du pays pour porter secours à la localité sinistrée. Selon le responsable de la Défense civile de Beit Méry, Joseph Rouhana, quelque « 230 membres de l’institution ont afflué de tout le Metn, mais aussi de Tarik Jdidé, Cola, Choueifat, Wadi Chahrour, Jbeil… pour lutter contre le feu ». Les traits tirés, le visage noir de suie, ils affichent leur soulagement d’avoir quasiment vaincu les flammes. Leur œil vigilant vient de déceler un feu, une centaine de mètres plus loin. Après les contacts nécessaires par talkie-walkie pour une bonne coordination, une jeune femme de la Défense civile s’empare d’un tuyau, rapidement suivie par des membres de l’équipe. « Nous ne partirons pas d’ici tant qu’il y a le moindre risque de reprise », affirme l’un d’eux que nous nommerons Élie. « Nous n’avons pas le droit de faire de déclarations à la presse », s’excuse-t-il. En même temps, ces bénévoles, dont la mission réside dans « la lutte contre les incendies, l’assistance et le sauvetage des personnes », souhaiteraient tant bénéficier « d’équipements plus adéquats » et « d’un salaire » qui leur permette de subvenir à leurs besoins. Car rappelons-le, la lutte contre les incendies au Liban est un acte non rémunéré. Certains pompiers n’ont ni gants, ni casques, ni lunettes, ni même combinaisons. Parmi eux, des architectes, des ouvriers, des chômeurs aussi, qui voudraient bien que l’État se penche sur leur sort, car ils souffrent cruellement de la crise économique, sociale et financière.

Victime de négligence

Le sinistre du week-end dernier a mobilisé 24 voitures de pompiers, 400 policiers municipaux, pompiers bénévoles, sans compter les habitants et l’armée libanaise, selon Roy Abou Chédid. Il n’en reste pas moins que l’État reste aux abonnés absents dans la lutte contre les incendies. Et que le village de Beit Méry paie aujourd’hui le prix de cette négligence. « Beit Méry souffre profondément de cette négligence », gronde le président du conseil municipal. Non seulement parce qu’il a fallu « assumer les dépenses d’environ 500 millions de LL, causées par le sinistre, grâce à des fonds personnels, vu l’absence du moindre fonds alloué à cet effet ». Mais surtout parce que « sa forêt a été détruite ». « Il est pourtant strictement interdit de brûler des brindilles. C’est un crime sanctionné par la loi », martèle le président du conseil municipal. Il fait référence à la version des faits que tout un chacun raconte, au village, et que reprend l’enquête préliminaire. « Des ouvriers qui nettoyaient les herbes mortes d’une propriété privée n’ont rien trouvé de mieux que de brûler les déchets. Les flammes ont carrément volé, emportées par le vent, embrasant la colline. »

Une odeur âcre de brûlé envahit l’atmosphère, entêtante. Sous des brindilles, quelques flammes isolées rejaillissent encore. Depuis le bois noirci qui continue de se consumer, une fumée grise s’élève. Cela fait plus de 48 heures que la vallée de Beit Méry est en proie aux flammes d’un incendie qui a ravagé sa forêt de pins, de chênes, de cyprès, de sorbiers, de pistachiers et...

commentaires (5)

« une piscine a été installée sur l’esplanade du couvent de Deir el-Kala » Wlk ééé… c’est tout à fait logique, une piscine installée, hoppplà c’est magique… et pourquoi pas: « les bonnes soeurs en bikini remplissaient les seaux des pompiers »? Un peu de sérieux les journalistes …

El moughtareb

22 h 43, le 17 novembre 2021

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Commentaires (5)

  • « une piscine a été installée sur l’esplanade du couvent de Deir el-Kala » Wlk ééé… c’est tout à fait logique, une piscine installée, hoppplà c’est magique… et pourquoi pas: « les bonnes soeurs en bikini remplissaient les seaux des pompiers »? Un peu de sérieux les journalistes …

    El moughtareb

    22 h 43, le 17 novembre 2021

  • Qui a permis à ces ouvriers de brûler, et dans un temps pareil, malgré les recommandations de la défense civile ? Pour une fois, mettons en prison, le ou les responsables.

    Esber

    14 h 48, le 16 novembre 2021

  • DEUX JOURS SANS LES PRETENDUS DECRYPTAGES D,INEPTIES DANS L,OLJ ET ON SE SENT LIBERES DES BOURDES DE LA DESINFORMATIONS QU,ON Y LISAIT. 3A E2BEL TOUJOURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 12, le 16 novembre 2021

  • Laisser passer l'hiver sur une surface en jachère et puis replanter ce qui ne repoussera pas spontanément; le bois mort pourrait être revendu par la municipalité afin de financer ce plan vert avec l'aide de pays donneurs, allez courage, la forêt n'en sera que plus belle.

    Christine KHALIL

    10 h 17, le 16 novembre 2021

  • Tant que le pays ne se fie pas et ne respecte pas l Ordre Mondial qui lui est hélas imposé..Nous constaterons encore et encore des cataclysmes soient disant provoqués par les foudres tombés du ciel..Nous vivons l Histoire au jour le jour..Prions que cela se termine au moindre coût..

    Menassa Antoine

    08 h 39, le 16 novembre 2021

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