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Culture - Docu-fiction

« On peut tout dire en ne disant rien »

La première du film de Karim Kassem, « Octopus », sera présentée le 22 novembre au Festival du film documentaire international d’Amsterdam (IDFA), une référence internationale dans le domaine.

« On peut tout dire en ne disant rien »

Karim Kassem : « Ce n’est pas un film qui parle de résilience. D’ailleurs, je n’aime pas du tout ce mot. » Photo DR

Octopus, le second long-métrage de Karim Kassem, se prête à de multiples explications, tout comme son intitulé. Signifiant pieuvre en français, il s’agit d’un céphalopode, certes assez laid, mais très intelligent, capable de changer de couleur au millième de seconde à sa guise, par mimétisme avec son environnement ou en fonction de ses émotions. Son bras peut atteindre également plusieurs points à la fois. Alors, qui est cette pieuvre dont parle le réalisateur libanais installé à New York et qui enlace Beyrouth de ses longs bras ? Est-elle la capitale elle-même qui étouffe ses habitants avec ses tentacules ? Le film apportera sans doute des éléments de réponse.

L’histoire se situe quelques jours après la double explosion au port le 4 août 2020. Pour Karim Kassem qui a vécu cette double explosion de près, il était urgent de prendre aussitôt sa caméra pour témoigner immédiatement de l’état de la population de la ville, sans pour autant faire un énième documentaire sur l’événement.


Visages d’hommes et de femmes pris souvent en trois quarts comme dans une peinture, immobiles, prostrés, sans expression aucune. Photos DR

La métaphysique toujours

« Ce n’est pas un film qui parle de résilience. D’ailleurs, je n’aime pas du tout ce mot, affirme tout de go le réalisateur. C’est un film qui parle plutôt de survie, de la quête de soi. »

Ce second opus de Kassem – dont la première sera présentée le 22 novembre au Festival du film documentaire international d’Amsterdam (IDFA), une référence internationale dans le domaine – pose surtout de multiples questionnements. Comment survit-on à ce genre de catastrophe qui renverse tout sur son passage, hommes, murs, toits, maisons, objets ? Comment fait-on pour se donner un temps de réflexion dans ce brouhaha énorme qui agite le cerveau ? Et comment peut-on chercher dans ce tumulte le vrai sens à sa vie ?

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Le réalisateur a voulu son film silencieux, car, souligne-t-il, « il n’y a pas de mot qui puisse exprimer ou traduire ce que les gens ont vécu durant et après l’explosion. Il est aussi silencieux en hommage à Maroun Baghdadi, le cinéaste libanais disparu trop tôt avant de réaliser son rêve : faire un film silencieux ». « On peut tout dire en ne disant rien », ajoute Karim Kassem, qui montre que le mot est souvent préfabriqué et par conséquent faux.Visages d’hommes et de femmes pris souvent en trois quarts, immobiles, sans expression aucune. Des morts-vivants prostrés, aux véritables allures de zombies, marchent dans la ville, une ville qui semble sortie des limbes et en flottement. Cette imagerie contribue à faire d’Octopus un film particulier, presque irréel. Le temps s’y est arrêté. Le lieu y est également imprécis. D’ailleurs, qu’importe ? Est-ce une ville ? Un amas de pierres ? Des hommes travaillent, construisent, mais surtout essaient de se reconstruire. On empile des portes, on les transporte. Vers où ? Vers quoi ?

Nul ne le sait exactement. Les gestes sont automatisés, irréfléchis. Le cadrage du film et une caméra se déplaçant en flottement ajoutent à cette impression de « nature morte », d’immobilisme, voire d’état statique.


Visages d’hommes et de femmes pris souvent en trois quarts comme dans une peinture, immobiles, prostrés sans expression aucune. Photo DR

Docu-fiction

Après avoir travaillé dans la réalisation de films publicitaires, de clips musicaux et de vidéos en faisant la navette entre le Liban et les États-Unis, Karim Kassem s’est orienté vers les films de fiction. Depuis 2012, il s’est installé à New York, mais il continue de faire des allers-retours vers son pays natal. Il a réalisé huit courts-métrages et un premier long film, Only the Winds, nommé en 2019 au Festival de Rotterdam et à Visions du réel en Suisse. « Pour certains, ce sont des documentaires, mais je n’aime pas beaucoup les confiner dans une case. D’ailleurs, ils sont tournés comme des films de fiction et non comme des documentaires. » En 2020, le réalisateur entame Octopus avec Johan Matton et Linnea Larsdotter à la production, tout en suivant la même démarche. Il sera soutenu par la suite par le Doha Film Institute et Alex Bakri au montage, ainsi que par un fonds du Festival de la mer Rouge de Djeddah. Avec un penchant pour les sujets métaphysiques, le réalisateur utilise le cinéma comme un tremplin pour questionner, interroger les autres et sonder la condition humaine. « Tout est fait spontanément, voire intuitivement. Il n’y a rien d’élaboré à l’avance », dit-il. « Si un tas de questions sont posées dans ce film, personne ne peut pourtant donner une réponse. Les images invitent ainsi à l’introspection », conclut Karim Kassem.

Octopus, le second long-métrage de Karim Kassem, se prête à de multiples explications, tout comme son intitulé. Signifiant pieuvre en français, il s’agit d’un céphalopode, certes assez laid, mais très intelligent, capable de changer de couleur au millième de seconde à sa guise, par mimétisme avec son environnement ou en fonction de ses émotions. Son bras peut atteindre également...

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