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Lifestyle - Gastronomie

Le Liban, ses arômes et ses artistes : cuisiner pour raconter une terre

Tout en participant à l’organisation du Festival méditerranéen de la gastronomie, qui a lieu ce week-end à Perpignan, Noha Baz propose deux nouveaux ouvrages, aux ambitions gustatives, littéraires et humaines : Le mastic de lentisque, dix façons de le préparer (aux éditions de l’Épure), et Goûts du Liban, recettes et rencontres (Mango Éditions), en collaboration avec Joe Barza.

Le Liban, ses arômes et ses artistes : cuisiner pour raconter une terre

“Mon ouvrage Goûts du Liban est une forme de résistance culturelle, où j’ai voulu mettre en avant un levain extraordinaire, celui de la création et de l’art », explique Noha Baz.

C’est entre le 7 et le 8 novembre qu’aura lieu à Perpignan le premier salon du livre des gourmets, organisé par le Centre Méditerranéen de Littérature. « Dans un premier temps, André Bonet m’a demandé de faire partie du jury littéraire du festival gastronomique méditerranéen, puis il m’a proposé de me joindre à l’équipe organisant l’événement, menée par Bernard Thomasson », précise Noha Baz, pédiatre et autrice, avec enthousiasme. « J’ai souhaité inviter différentes personnes qui ont très bien écrit sur la Méditerranée, comme Marie Josèphe Moncorgé, qui a rédigé des textes fabuleux comme La Méditerranée à table, Le Nougat dans tous ses états ou encore Lyon-1555, capitale de la culture gourmande au XVIe siècle », poursuit-elle. « Il y aura également le grand chef étoilé Andreas Mavrommatis, dont le parcours est passionnant. Originaire de Chypre, il arrive à Paris avec mille francs en poche pour étudier la philosophie à la Sorbonne. Rapidement, il se met à cuisiner afin de retrouver des saveurs familières. Aujourd’hui, il est à la tête de quinze restaurants, dont le dernier, Les Lauriers, va ouvrir aux galeries Lafayette des Champs-Élysées», dit encore la pédiatre, également diplômée des hautes études du goût et de la gastronomie. « Ce qui est épatant, c’est l’humilité qui accompagne le parcours d’Andreas; sa cuisine se manifeste par une qualité exceptionnelle, à des prix tout à fait raisonnables. En cuisine, il n’y a pas de place pour l’arrogance, il faut la vivre dans un esprit de partage », ajoute la fondatrice de l’association les Petits Soleils.

Le festival méditerranéen de la gastronomie s’articule autour de différents événements, dont deux tables rondes, le 7 novembre. La première s’intéresse à l’excellence gastronomique et à la gourmandise, la seconde concerne les cultures gastronomiques de Méditerranée. Des chefs cuisiniers de renom, des gastronomes, des écrivains, des libraires sont invités à échanger, et parmi eux Guillaume Gomez, l’ambassadeur de la gastronomie française. Ancien chef des cuisines au palais de l’Élysée, de 1997 à 2021, il est le coup de cœur du jury du Prix des écrivains gastronomes, pour son livre A la table des présidents (Le Cherche-Midi, 2020).

« En tant que pays au carrefour de civilisations multiples, le Liban aura une place de choix lors de ces rencontres, notamment par le biais de mon dernier livre, Goûts du Liban. L’histoire gastronomique de l’Occitanie sera également centrale dans nos échanges, et il y aura des démonstrations de réalisations de recettes. Nous remettrons ensuite le Prix Méditerranée des écrivains gastronomes à Nicolas d’Estiennes d’Orves, pour son ouvrage Petit éloge de la gourmandise. En France, la culture gastronomique est très valorisée, et on est sensible à la façon dont elle raconte un pays, ce dont je me réjouis», confie celle qui vient de rédiger un autre livre autour de la meskeh, ou mastic de lentisque.

Du pain, du levain et de la meskeh

Le mastic de lentisque, dix façons de le préparer offre ses lettres de noblesse à un arôme familier des adeptes des glaces libanaises. L’objet-livre propose une première de couverture dont le papier est transparent, en référence aux cristaux de lentisque. « Dans les vieux souks de Tyr, de Saïda, de Damas et de de Tripoli, des échoppes de glaciers rythment encore aujourd’hui cette merveille à la cadence régulière d’un lourd pilon de bois. Dans des bacs réfrigérés un mélange de crème de lait double, de sucre, de poudre de sahlab et de lentisque est matraqué vigoureusement pendant des heures jusqu’à devenir une pâte souple et élastique que l’on peut étirer à loisir et étirer avec style !» décrit Noha Baz dans son ouvrage, où elle rappelle que c’est sur l’île de Chios qu’ont été récoltés les premiers cristaux de lentisque. « Si la Grèce a donné les saveurs du lentisque au monde et lui a remis ses lettres de noblesse en l’inscrivant depuis 2014 au patrimoine immatériel de l’UNESCO, l’Orient arabe et levantin s’est chargé quant à lui de le faire connaître en déployant richement ses saveurs.» La meskeh, que l’on trouve sur le pistacia lenticus, souvent appelé arbre à mastic, se distingue par ses qualités insoupçonnées. « Il ne s’agit pas que d’une résine sur un arbre, que l’on récolte comme le sirop d’érable ; ses vertus curatives sont connues depuis l’époque d’Avicenne. Celui que l’on qualifie de chewing-gum arabe est un cicatrisant naturel pour différents troubles digestifs », écrit l’auteure, dont le second livre, Goûts du Liban, propose un changement radical de perspective.

Noha Baz. Photo DR

« Les possibilités du Liban sont inversement proportionnelles à sa surface, et au-delà de la crise actuelle qui s’attaque aux fondations même du pays, j’ai souhaité rappeler en 208 pages que l’on peut malgré tout transmettre cette terre et sa beauté à nos enfants. Mon ouvrage Goûts du Liban est une forme de résistance culturelle, où j’ai voulu mettre en avant un levain extraordinaire, celui de la création et de l’art. Les lecteurs trouveront les recettes innovantes de Joe Barza, auxquelles j’ai ajouté les miennes. Ce sont surtout des plats de tous les jours, comme le boulghour be banadoura, la moujaddra, ou le hoummous, revisité avec de la betterave et du basilic ou avec des tomates et des poivrons. On a bousculé la tradition, mais elle est toujours là, porteuse d’espoir », explique l’écrivain, qui a imaginé un ouvrage dont la portée narrative est prédominante. Cuisiner, c’est raconter une histoire, et autour des recettes du pain libanais dit pita, du pain markouk, ou du michtah (pain typique du sud du pays), se déploie l’histoire du pain, né en Égypte, amélioré par les Grecs, puis légèrement sucré, parfumé de meskeh, de malhab et d’eaux florales. L’époque ottomane voit apparaître le kaak, puis les pains Tlamés, Tannour et markouk.

Quelques pages de Goûts du Liban, recettes et rencontres (Mango Éditions), écrit par Noha Baz en collaboration avec Joe Barza.

Au-delà de sa dimension historique et de la qualité exceptionnelle de ses photographies, Goûts du Liban propose une approche intime des saveurs libanaises, en donnant la parole à quelques artistes qui évoquent leurs produits préférés, leur madeleine de Proust, leurs astuces en cuisine, et qui déroulent leurs identités sensorielles, constitutives de leur façon d’être au monde. « Rencontrer Vénus Khoury-Ghata et sa fille Yasmine permet de parler d’une belle histoire de transmission, qui passe aussi par les saveurs de la table. Ibrahim Maalouf évoque encore aujourd’hui avec émotion le sandwich de zaatar que sa mère glissait dans son cartable pour lui donner le goût d’un pays quitté pendant la guerre. Quant à Hala Wardé, c’est amusant de constater que son discours sur la gastrostomie est architectural : elle évoque des nappes, des contenants en argile, des couleurs et des formes, comme la juxtaposition de lentilles rondes et de carottes rectangulaires… Parler cuisine avec Adonis fait écho aux assemblées qu’il faisait chez lui, pour lire et partager de la poésie », relate le médecin qui préfère prescrire des recettes plutôt que des antidépresseurs. « La cuisine associe des couleurs, des saveurs et des parfums, elle nous ramène à un passé heureux, elle nous redonne des forces et est fédératrice. Le Liban est aujourd’hui comme un enfant malade qu’on a envie de guérir en le berçant de saveurs qui lui rappellent sa beauté», conclut Noha Baz, dont tous les droits d’auteur reviennent aux Petits Soleils, pour aider des familles à vivre, et des enfants à grandir.

C’est entre le 7 et le 8 novembre qu’aura lieu à Perpignan le premier salon du livre des gourmets, organisé par le Centre Méditerranéen de Littérature. « Dans un premier temps, André Bonet m’a demandé de faire partie du jury littéraire du festival gastronomique méditerranéen, puis il m’a proposé de me joindre à l’équipe organisant l’événement, menée par Bernard...

commentaires (3)

Merci de votre réactivité et de votre élégance chers Maya et Michel Maintenant les choses sont à leur place bien plus clairement Et une fois de plus Merci à la sensibilité eclairee de Joséphine Hobeika Longue vie à L’orient le jour notre boussole nationale !

Noha Baz

15 h 23, le 10 novembre 2021

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Commentaires (3)

  • Merci de votre réactivité et de votre élégance chers Maya et Michel Maintenant les choses sont à leur place bien plus clairement Et une fois de plus Merci à la sensibilité eclairee de Joséphine Hobeika Longue vie à L’orient le jour notre boussole nationale !

    Noha Baz

    15 h 23, le 10 novembre 2021

  • Joséphine Hobeika a une plume extraordinaire pleine de finesse et de bienveillance libre de tout calcul ;si je l’ai contactée en priorité ce n’est pas un hasard Par contre je déplore que le lien proposé par l’orient ne mette pas la couverture du livre en évidence, malgré ma demande Je préfère me convaincre qu’il s’agit d’une étourderie de stagiaire plutôt qu’un désir intentionnel.. qui ne peut démontrer hélas que l’aigreur et la malveillance..de son auteur J’ai l’habitude de ne retenir que le meilleur et d’ignorer la médiocrité Je le ferais une fois de plus aujourd’hui

    Noha Baz

    22 h 31, le 09 novembre 2021

    • Bonjour Mme Baz, La couverture du livre a été mise en évidence dans l'article, suite à votre demande. La photo figurait initialement dans le corps du texte, sans qu'il ne s'agisse d'une quelconque étourderie. Merci pour votre commentaire, L'Orient-Le Jour

      L'Orient-Le Jour

      09 h 42, le 10 novembre 2021

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