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Les sorciers de la météo

La contribution du Liban à la lutte mondiale contre le réchauffement de la planète, cela ressemble à une mauvaise blague. En matière de protection de l’environnement nous n’avons pour seuls accréditifs que nos égouts à ciel ouvert, nos déchets polluant mer, rivières et lacs artificiels, et les nuages de vapeurs toxiques que vomissent les poids lourds, les usines et les générateurs électriques de quartier. Pour ce qui est de la déforestation, un des points de préoccupation majeurs de la conférence COP26 réunie à Glasgow, nous offrons aujourd’hui le spectacle d’un pays où, en prévision des rigueurs hivernales, l’appauvrissement général pousse nombre de citoyens à s’attaquer impunément, hache au poing, aux arbres rescapés des incendies sauvages de l’été.


C’est dire que loin de toute simagrée écologique, le seul élixir que Nagib Mikati s’en est allé rechercher en Écosse, c’est un assainissement de l’atmosphère entre le Liban et l’Arabie saoudite. Multinationale par excellence est une telle entreprise, puisqu’elle va nécessiter la mise en activité des puissants climatiseurs américain, français, koweïtien, qatari, et autres, seuls susceptibles d’adoucir la tempête de sable soufflant furieusement de Riyad.


Le fait est que Mikati a enchaîné au pas de charge les rencontres, à Glasgow, avec les plus hauts représentants des pays sollicités. Voilà qui était plus potentiellement productif – plus intelligent en tout cas – que cette ridicule invitation au dialogue adressée par le palais Bustros à une Arabie qui ne veut même plus entendre parler du Liban. De son zèle à l’ouvrage, le Premier ministre a apparemment récolté des promesses de bons offices. Mais il s’est vu fortement déconseiller aussi, par les majors US et français, toute démarche intempestive pouvant aller jusqu’à la démission. Stabilité et continuité à tout prix, prêchent en effet ces deux puissances. Non sans raison, faut-il admettre, celles-ci font valoir qu’un Liban privé de tout gouvernement pleinement opérationnel ne pourrait jamais réaliser les réformes découlant de la négociation avec le Fonds monétaire international. Les mêmes incertitudes pèseraient, de surcroît, sur la tenue des élections législatives prévues pour le printemps prochain.


Fort bien raisonné en effet. Mais dans sa forme actuelle, l’équipe en place mérite-t-elle seulement encore le nom de gouvernement : et encore moins de gouvernement de sauvetage, puisque c’est elle qu’il s’agit maintenant de sauver ? Est-elle vraiment plus utile cette équipe, que le défunt cabinet d’expédition des affaires courantes de Hassane Diab, du moment qu’elle n’arrive même pas à se réunir, divisée qu’elle est sur le sort du juge Tarek Bitar ?


Nagib Mikati a bien tenté, mais en vain, de se défaire d’un membre de son cabinet devenu un pesant boulet, et néanmoins soutenu à bout de bras par son parrain Sleiman Frangié et le Hezbollah. Ministre de l’Information visiblement mal informé, Georges Cordahi a provoqué, pour rappel, une crise grave avec les royaumes pétroliers du Golfe en dénonçant l’intervention militaire saoudite au Yémen ; soit dit en passant, cela ne l’empêche guère de s’accommoder très bien de la subversion iranienne à l’œuvre dans son propre pays : et qui est ostensiblement armée, elle aussi.


Impuissant à obtenir le départ volontaire du gêneur, encore moins en mesure de le démettre, le Premier ministre a fini par mettre son propre départ dans la balance. Mais il s’est bien gardé de le faire au grand jour, ce qui ôte à sa menace le gros de son impact. Maintenant qu’il a conté ses déboires à Emmanuel Macron et Antony Blinken, c’est aux Libanais, premiers concernés, que Nagib Mikati doit des explications et surtout des assurances. L’assurance, pour commencer, que leur destin ne tient pas à l’ego surdimensionné d’un amuseur public, ancien animateur de jeux télévisés qui, une fois bombardé ministre, a franchement cessé d’amuser la galerie. Que s’acharner à faire preuve d’hostilité pour les royaumes pétroliers, c’est s’aliéner de manière suicidaire les principaux contributeurs dans toute entreprise de renflouement économique et financier du Liban. Qu’en aucun cas le demi-million de nos concitoyens vivant et prospérant dans le Golfe, et avec eux les exportateurs locaux, ne paieront le prix de la mensongère neutralité dont se pare tout gouvernement au Liban. Que par un atterrant paradoxe, notre pays n’est pas en voie d’iranisation accélérée à l’heure même où la Ligue arabe s’apprête à réintégrer la Syrie de Bachar al-Assad.


Ce serait bien le diable enfin si dans cette fichue république, il ne se trouvait pas quelqu’un pour le comprendre : plutôt que de s’épuiser à explorer les chemins menant à l’ombrageux Eldorado du Golfe, c’est le point de départ qu’il est désormais urgent de remettre à niveau. C’est Beyrouth qui doit être réhabilité dans son identité, dans sa tradition, sa vocation. Son utilité ?

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

La contribution du Liban à la lutte mondiale contre le réchauffement de la planète, cela ressemble à une mauvaise blague. En matière de protection de l’environnement nous n’avons pour seuls accréditifs que nos égouts à ciel ouvert, nos déchets polluant mer, rivières et lacs artificiels, et les nuages de vapeurs toxiques que vomissent les poids lourds, les usines et les générateurs...