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Culture - Cinéma

"Feathers", le film qui vole dans les plumes de l'Egypte

Le long métrage réalisé par Omar al-Zohairy est accusé par certains de "ternir la réputation" de l'Egypte.

Le réalisateur égyptien Omar al-Zohairy lors d'un entretien avec l'agence Reuters au festival du film d'El Gouna, en Egypte, le 18 octobre 2021. Photo REUTERS/Sameh Elkhatib

Cachez cette pauvreté que je ne saurais voir ! Le film "Feathers" ("Plumes"), primé à Cannes cette année, fait polémique : couronné "meilleure fiction arabe" du festival d'el-Gouna vendredi soir, certains l'accusent de "ternir la réputation" de l'Egypte. Réalisé par Omar al-Zohairy, le long-métrage, mi-absurde mi-peinture sociale, raconte l'histoire d'une femme - Oum Mario - qui devient soudainement la seule source de revenus pour le foyer quand un magicien de pacotille transforme son mari... en poule !

Réaction théâtrale s'il en faut, alors qu'il assistait à la projection mardi à el-Gouna, sur la mer Rouge, le célèbre acteur Chérif Mounir a quitté la salle en signe de protestation. "Nos anciens bidonvilles et ceux qui disparaissent actuellement restent plus beaux que (le décor) du film", a-t-il déclaré mercredi dans le très suivi talk-show télévisé d'Amr Adib, connu pour ses positions pro-pouvoir. "D'immenses progrès ont été réalisés par l'Etat dans l'élimination des bidonvilles et le relogement de leurs habitants dans de superbes meublés (...) Nous vivons dans une nouvelle République", a-t-il ajouté.

La "nouvelle République" est le slogan phare du président Abdel Fattah al-Sissi qui a fait de la suppression de l'habitat informel, accusé de rogner les terres arables, l'une de ses priorités. Les immeubles HLM poussent un peu partout dans le pays et apparaissent chaque jour dans des clips des médias publics.

La liberté et l'insulte 
Walaa Gad, le patron de ce grand projet nommé "Hayat Karima", "une vie digne" en arabe, a eu beau dire à un média local soutenir "la liberté de la créativité et de l'art", des députés se sont empressés d'emboîter le pas à Chérif Mounir. Ils ont accusé le film - pourtant le premier long-métrage égyptien à remporter le prix de la Semaine de la critique, dénicheuse de nouveaux talents, à Cannes - de "ternir la réputation" du pays.
"Feathers" n'a pas encore été projeté dans les cinémas, mais sur Twitter, le député très loyaliste Mahmoud Badr, lui a reproché de "présenter une Egypte où il n'y aurait aucun projet de développement".
L'avocat conservateur Samir Sabri, qui a attaqué en justice de nombreuses célébrités estimant que leurs propos ou comportements nuisaient à l'Egypte, a déposé plainte contre les producteurs du film pour "insulte à l'Egypte et aux Egyptiens".

Avec une distribution entièrement composée d'amateurs, "Feathers" se déroule dans un village qui n'est jamais nommé ni localisé. Les acteurs, pour la plupart des Egyptiens coptes - la principale minorité chrétienne du Moyen-Orient avec environ 15% des Egyptiens -, parlent toutefois avec l'accent de la Haute-Egypte, rurale et méridionale.

Après avoir reçu son prix vendredi soir, M. Zohairy, également récompensé deux jours plus tôt par le magazine américain Variety, affirmait lui à l'AFP avoir fait "un film fort". "A cause des sentiments, de l'authenticité artistique et des valeurs humaines", a-t-il martelé. Avant de convenir : "une œuvre artistique suscite toujours des opinions différentes".

34 millions de pauvres 
Selon les autorités, près d'un tiers des 102 millions d'Egyptiens vivent sous le seuil de pauvreté. Un chiffre en hausse depuis les années 1990, mais qui a officiellement baissé pour la première fois l'an dernier. Les plus touchés sont "les femmes des campagnes de Haute-Egypte", affirme Oussama Diab, chercheur sur les droits socio-économiques. Et l'"impact disproportionné du Covid-19" n'a fait qu'aggraver leur sort, précise-t-il.

Fin 2016, l'Egypte a dévalué sa monnaie et lancé une série de mesures drastiques d'austérité en échange d'un prêt de 12 milliards de dollars (environ 10,3 milliards d'euros) du Fonds monétaire international (FMI). L'institution internationale a salué en septembre la résilience de l'économie égyptienne, l'un des seuls marchés émergents à enregistrer une croissance positive depuis le Covid-19, mais elle ne s'intéresse pas au facteur pauvreté, regrette M. Diab.

Pour le critique de cinéma Tarek al-Chennaoui, les accusations se revendiquant du patriotisme sont "vulgaires et idiotes". "Artistiquement", le film est "super", a-t-il estimé auprès de l'AFP sur le tapis rouge d'el-Gouna. Le réalisateur est parvenu à "filmer des enfants et des acteurs amateurs comme Demiana Nassar (l'actrice principale, NDLR) dont c'était le tout premier tournage", "sans être pédagogique mais en entraînant le spectateur". "Aucune production artistique ne peut ternir la réputation de l'Egypte", a encore souligné M. Chennaoui. Au contraire, "si vous éclairez un problème social, alors vous cherchez vraiment à faire avancer votre pays".

Cachez cette pauvreté que je ne saurais voir ! Le film "Feathers" ("Plumes"), primé à Cannes cette année, fait polémique : couronné "meilleure fiction arabe" du festival d'el-Gouna vendredi soir, certains l'accusent de "ternir la réputation" de l'Egypte. Réalisé par Omar al-Zohairy, le long-métrage, mi-absurde mi-peinture sociale, raconte l'histoire d'une femme - Oum Mario - qui devient...

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