La Chambre des députés a adopté lundi à une majorité plus que confortable un amendement de la loi électorale aux termes duquel les Libanais de l’étranger voteront, lors des prochaines élections législatives, prévues le 27 mars, pour les candidats qui se présentent dans les circonscriptions de la métropole. En vertu de cet amendement, chaque électeur inscrit dans une ambassade ou un consulat du Liban à l’étranger devra donc voter à partir de cette ambassade ou de ce consulat pour les sièges à pourvoir dans la circonscription où il a son registre d’état-civil. Par exemple, un électeur qui a son registre d’état-civil à Achrafieh et qui s’est inscrit avant le 20 novembre prochain à l’ambassade du Liban à Paris votera dans cette ambassade pour l’une des listes qui se présenteront dans la circonscription de Beyrouth I (Achrafieh, Saïfi, Rmeil, Medawar).
La loi de 2017, toujours en vigueur, prévoyait initialement que dans un premier temps, pour le scrutin de 2018, les Libanais de l’étranger soient soumis à cette même procédure, mais qu’au scrutin suivant, c’est-à-dire en 2022, ils doivent élire six nouveaux députés, à ajouter aux 128 de la métropole, dans le cadre d’une circonscription séparée spécialement créée pour eux. Les six sièges ainsi créés devaient être répartis paritairement sur les six plus grandes communautés libanaises : 1 maronite, 1 grec-orthodoxe, 1 grec-catholique, 1 sunnite, 1 chiite et 1 druze. Le Parlement devait donc se retrouver avec au total 134 sièges au lieu de 128, mais répartis toujours dans le respect de la parité islamo-chrétienne (67 sièges aux chrétiens et 67 aux musulmans).
L’exemple le plus courant d’un pays ayant adopté le principe de circonscriptions consacrées exclusivement à ses ressortissants inscrits à l’étranger est la France, qui dispose d’une douzaine de circonscriptions (selon le mode majoritaire uninominal : un siège chacune) répartis sur les cinq continents. Les Français du Liban votent ainsi pour les législatives françaises dans le cadre de la 10e circonscription des Français de l’étranger.
L’abandon par le Parlement libanais de la disposition créant la nouvelle circonscription a été avalisé par les principaux groupes parlementaires, à l’exception notable du bloc du Liban fort, conduit par Gebran Bassil. Les milieux aounistes estiment qu’il existe désormais un droit acquis pour les Libanais de l’étranger dans la création de cette circonscription, mais la position de M. Bassil relèverait plutôt du calcul électoral. Le Courant patriotique libre doit probablement penser qu’un grand nombre de Libanais chrétiens qui ont quitté le pays ces deux dernières années, et n’ont donc pas profité de la manne clientéliste, vont pouvoir peser sur le scrutin dans les circonscriptions chrétiennes dans un sens favorable à ses adversaires, notamment au sein du mouvement de contestation. À condition bien entendu qu’ils s’inscrivent avant le 20 novembre. D’où la préférence du CPL pour une circonscription « éloignée » qui limiterait les dégâts.
Le choix du tandem chiite
À l’inverse, le tandem chiite a fini par se rallier à l’option du vote pour les « 128 » qu’il considère vraisemblablement comme un pis-aller. Le Hezbollah, en particulier, ne pouvant exercer auprès des électeurs installés à l’étranger la même influence que celle qu’il déploie dans ses fiefs au Liban, a voulu enterrer définitivement l’option des « 6 », parce qu’il se trouve qu’un certain nombre de pays abritant d’importantes communautés chiites libanaises, comme les États-Unis ou l’Allemagne, figurent parmi ceux qui incluent le parti de Hassan Nasrallah sur leurs listes noires d’organisations terroristes. Dès lors, on voit mal comment un candidat du Hezbollah destiné à être député représentant les Libanais de l’étranger pourrait faire campagne dans ces pays-là.
Mais au-delà, le rejet de la circonscription des « 6 » est motivé par le fait qu’elle pénalise les formations politiques musulmanes, condamnées à se satisfaire au maximum d’un seul siège chacune (avec risque de mésentente entre Amal et le Hezbollah pour le siège chiite), alors que les deux grands partis chrétiens peuvent théoriquement ambitionner chacun d’avaler les trois sièges dévolus aux chrétiens.
commentaires (10)
Les émigrés (et les expatriés) savent très bien voter pour les candidats qu’ils désirent. Faut que chaque candidat déclare son programme et ses objectifs. Je trouve ridicule que l’on puisse dire que les émigrés ne sauront pas pour qui voter. Ces émigrés rentrent souvent au Liban, renvoient de l’argent à leurs familles, et ont toujours des liens au Liban, sans parler des biens qu’ils puissent posséder. Toute tentative de minimiser leur engagement est de mauvaise foi de la part des politiciens et des lecteurs qui prônent différemment.
Cedrus Fidelis
00 h 36, le 24 octobre 2021