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Politique - Focus

Quand le Hezbollah met Michel Aoun dans une position intenable

Le Courant patriotique libre ne peut pas s’opposer à l’enquête sur la double explosion au port, mais ne peut pas perdre non plus son dernier allié à l’approche des législatives.

Quand le Hezbollah met Michel Aoun dans une position intenable

Un milicien chiite dans le secteur de Tayouné, le jeudi 14 octobre 2021. Anwar Amro/AFP

Assiste-t-on à la pire crise entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre depuis le début de leur alliance scellée le 6 février 2006 à l’église de Mar Mikhaël à Chiyah ? C’est la première fois en tout cas que les tensions entre les deux formations atteignent cette ampleur. La volonté du Hezbollah d’écarter le juge en charge de l’enquête sur la double explosion au port, Tarek Bitar, qui a inculpé plusieurs proches du parti, met le CPL, fondé par le président Michel Aoun, dans une position intenable. Comment prétendre défendre les droits des chrétiens, dont les quartiers ont été dévastés par la déflagration, quand son principal allié cherche coûte que coûte à venir à bout du magistrat qui doit permettre de rendre justice ? Comment se positionner après les affrontements qui ont ensanglanté Beyrouth jeudi, opposant des partisans du tandem chiite Hezbollah-Amal à des éléments armés, appartenant probablement aux Forces libanaises, dans le secteur de Tayouné, ligne de démarcation durant la guerre civile, limitrophe des quartiers chrétiens de Aïn el-Remmané et chiite de Chiyah, là où le général Aoun a signé l’accord de Mar Mikhaël ? La formation aouniste ne peut pas laisser ses adversaires FL se présenter comme les seuls défenseurs de la rue chrétienne, mais ne peut pas non plus rompre les liens avec son plus précieux allié à l’approche des législatives. Si son chef, Gebran Bassil, a toujours su faire preuve d’une grande élasticité lorsqu’il s’agissait de défendre des positions contradictoires, cette fois-ci, il pourrait bien être coincé.

L'édito de Issa GORAIEB

Boulevards de crises

Il y a quelques jours, pourtant, le Hezbollah et le CPL préparaient ensemble les prochaines élections législatives, prévues en principe en mars 2022, dans le cadre desquelles ils comptent faire alliance. Mais le discours de Hassan Nasrallah, lundi, lors duquel il a accusé le juge Bitar de « politiser l’enquête » et lui a reproché de ne pas avoir interrogé Michel Aoun, laissant entendre que la partie chrétienne était protégée et que les chiites étaient les seuls à être visés, a changé la donne. Le président de la République a apporté son soutien à plusieurs reprises à Tarek Bitar, qu’il ne peut laisser tomber compte tenu de ce que représente la double explosion au port pour la rue chrétienne. Alors qu’il fait partie des responsables qui étaient au courant du stockage du nitrate d’ammonium dans le port, le président n’a pas été visé par l’enquête en raison de l’immunité que lui confère sa fonction. Le fait que le directeur de la Sécurité de l’État, le général Tony Saliba, réputé proche du président, ne soit pas non plus poursuivi en raison des décisions du Conseil supérieur de défense et du parquet provoque aussi le courroux du tandem chiite qui dénonce un deux poids, deux mesures. « La sortie de Nasrallah a provoqué de vives tensions entre le président et le Hezbollah », assure un proche du chef du Parlement Nabih Berry. « Dans son discours, Nasrallah a évoqué aussi le nom de Michel Sleiman (ancien président de la République, NDLR) pour amortir le coup, mais il est clair qu’il visait Aoun », ajoute ce responsable Amal.

« Une affaire personnelle »

Le ton est monté lors de la dernière séance gouvernementale, marquée par des signes de tension entre les ministres d’Amal et du Hezbollah, et le président de la République. Le ministre de la Culture, Mohammad Mortada (Amal), a demandé le dessaisissement de Tarek Bitar, ce qui a contraint Michel Aoun à lui répondre par la négative. Le locataire de Baabda a ajourné la séance, affirmant que le principe de séparation des pouvoirs ne peut être contourné, ce qui suppose qu’il rejette toute décision du gouvernement d’écarter Bitar.

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Du côté d’Amal, on affirme que Michel Aoun se sert de l’enquête pour régler ses comptes, alors que le courant aouniste entretient des relations conflictuelles avec le chef du Parlement. « Berry considère que c’est une affaire personnelle », dit la source précitée. Le juge Bitar a inculpé deux anciens ministres appartenant au mouvement, Ali Hassan Khalil, proche parmi les proches, et Ghazi Zeaïter, qui appartient aussi au premier cercle. Selon des informations obtenues par L’OLJ, le chef du Parlement a personnellement demandé le déploiement de 200 membres du mouvement devant la maison de Ali Hassan Khalil après que le magistrat eut émis un mandat d’arrêt à son encontre.

Le Hezbollah est sur une ligne moins frontale. Le parti de Dieu considère que Michel Aoun n’a d’autre choix que de soutenir l’enquête en raison de la pression internationale et de l’attente de la rue chrétienne. « Le parti demande tout de même à Aoun d’empêcher Bitar de poursuivre son enquête », confie un homme qui a ses entrées dans les milieux du Hezbollah. Les deux formations tentent depuis plusieurs jours de trouver un compromis. Le président de la République devait proposer une solution selon laquelle le magistrat continuerait à interroger les civils et les directeurs généraux, mais renoncerait à enquêter sur les ministres, parlementaires et présidents dont les dossiers relèveraient directement de la Haute Cour. « Mais la question est devenue plus complexe que cela, car Bitar ne veut pas lâcher le morceau », dit un proche du Hezbollah.

Grand perdant

Malgré cela, on s’évertue des deux côtés à éviter la rupture. « Les divergences sont d’ordre tactique, pas stratégique », assure un cadre du parti de Dieu, qui place les propos attribués à Salim Jreissati, le conseiller du président, qui aurait dit « en avoir par-dessus la tête du Hezbollah », dans une visée strictement populiste. Les affrontements qui ont secoué jeudi la capitale rendent toutefois le compromis plus difficile. Michel Aoun y a réagi en affirmant refuser toute tentative de « prendre le pays en otage de ses propres intérêts ou comptes », dans une allusion claire au tandem chiite. « Personne ne peut s’arroger le droit d’interdire par n’importe quel moyen la liberté d’expression, notamment par la violence, ou encore d’imposer par la force son opinion aux autres », a affirmé dans la soirée, pour sa part, le CPL dans un communiqué.

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Le courant aouniste pourrait être le grand perdant de la séquence, d’autant que sa rue se montre de plus en plus critique sur l’alliance avec le Hezbollah. Les FL ont probablement gagné des points dans la rue chrétienne. Le Hezbollah a mobilisé sa base autour d’un ennemi, Samir Geagea, et va désormais poursuivre l’escalade politique jusqu’à obtenir la tête de Tarek Bitar. Quant à Amal, les tensions entre son allié et le CPL font ses affaires. Il va tenter d’en profiter pour affaiblir cette alliance à quelques mois des législatives et resserrer les rangs chiites, surtout que, sauf changement et selon des sources de ces deux partis, le CPL et le Hezbollah devraient aborder le scrutin en front uni.

Assiste-t-on à la pire crise entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre depuis le début de leur alliance scellée le 6 février 2006 à l’église de Mar Mikhaël à Chiyah ? C’est la première fois en tout cas que les tensions entre les deux formations atteignent cette ampleur. La volonté du Hezbollah d’écarter le juge en charge de l’enquête sur la double explosion au port,...

commentaires (14)

MM. Aoun et Bassil doivent des explications detaillees sur leur aventure politique depuis 2006 (but, methode, resultats, avenir), notamment au vu de la direction que prennent les evenements depuis 2019. Et ils doivent cette explication d'abord a leurs partisans. Si ces derniers ne l'exigent pas le plus tot possible, c'est qu'ils ne sont que des "serviteurs volontaires", c-a-d qu'ils ne meritent pas d'avoir voix au chapitre (pas plus que d'autres, si cela leur fait plaisir).

Khoueiry Marc

16 h 46, le 18 octobre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • MM. Aoun et Bassil doivent des explications detaillees sur leur aventure politique depuis 2006 (but, methode, resultats, avenir), notamment au vu de la direction que prennent les evenements depuis 2019. Et ils doivent cette explication d'abord a leurs partisans. Si ces derniers ne l'exigent pas le plus tot possible, c'est qu'ils ne sont que des "serviteurs volontaires", c-a-d qu'ils ne meritent pas d'avoir voix au chapitre (pas plus que d'autres, si cela leur fait plaisir).

    Khoueiry Marc

    16 h 46, le 18 octobre 2021

  • Aoun s'est mis lui même dans une position difficile et cela depuis 2006. Maintenant il récolte se qu'il a semé toutes ces années. Jusqu'aux élections il aura perdu tous ces députés sauf ceux que le Hezbollah aura soutenu dans ses régions. Cela en fait combien, 4 allez peut être 5 et encore, le parti de Dieu pourra toujours les remplacer par des membres du PSNS ou des Maradas. J'aimerai alors le voir pavoiser et prendre ses airs de conquérant alors qu'il a détruit le pays.

    Pierre Hadjigeorgiou

    14 h 52, le 18 octobre 2021

  • Le Hezbollah est un État terroriste et parasite dans l'État

    Nicolas ZAHAR

    02 h 27, le 18 octobre 2021

  • QUELQU'UN PEUT IL M'EXPLIQUER POURQUOI ON MET LA MORT D'UNE FEMME MERE DE 5 ENFANTS COMME 7EM MARTYR DU PAYS DES AFFRONTEMENT DE TAYOUNNE ALORS QU'ELLE A ETE TUE PAR DES TIRS EN L'AIR DES MILICES DE HEZBOLLAH .DANS SA PROPRE REGION OU ELLE HABITE AU MOMENT DES FUNERAILS DES COMBATTANTS QUI SONT MORT EN S'ATTAQUANT A LA JUSTICE ET DONT L'ENTERREMENT DEVAIT ABSOLUMENT AVOIR DES TIRS EN L'AIR POUR CELEBRER CETTE ECRASANTE DEFAITE ET FAIRE EN SORTE QU'ILS SONT BIEN LA ENCORE LA VERITE : TOUT LE MONDE A BIEN VU LES TIRS DES MILICES DE HEZBOLLAH BIEN ARMES ET TIRANT DES RAFALES EN PERMANENCE A TORT ET A TRAVERS NEANMOINS AUCUN N'A ETE INQUIETE. C'EST LA OU NASRALLAH DEVRAIT S'OFFUSQUER : ON A ARRETTE 17 CHETIENS ET AUCUN CHIITE BIEN PRESENT SUR TOUTES LES CAMERAS DIU MONDE ENTIER ET IL GARDE LE SILENCE EVIDEMENT PUISQUE CE SONT SES ORDRES QUE SUIVENT LES PSEUDO ENQUETEURS DES FORCES DE L'ORDRE

    LA VERITE

    00 h 59, le 17 octobre 2021

  • "Quand le Hezbollah met Michel Aoun dans une position intenable" primo c'est Aoun qui s'est mis dans une situation intenable pour lui car elle égratigne sont orgueil étant soumis aux désirs de son allié poilu souterrain, secondo c'est le pays et le Peuple qui souffrent de cette situation intenable dû à cette bavure du prez roque fort, tertio son gendre ne peut plus se tenir aussi se trouvsnt encore plus dépendant de son copain barbu qui lui avait ignoré son appel télévisionique pour de de l'aide...

    Wlek Sanferlou

    21 h 36, le 16 octobre 2021

  • En tt cas de sources sure … bcp de Aouniste après la tentative d’invasion et de menace sont maintenant rentrer dans l’ordre et voterons OUWET aux prochaines législatives

    Bery tus

    19 h 19, le 16 octobre 2021

  • IL N,Y A QU,UN IMPORTATEUR, PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR DU NITRATE ET SES COMPLICES. QU,IL AIT FAIT EXPLOSER LUI-MEME LE NITRATE AU PORT OU QUE D,AUTRES L.ONT FAIT POUR SE VENGER DE LUI, IL RESTE QU,IL EST SEUL RESPONSABLE AVEC SES COMPLICES LA MAJORITE DE SON BORD, D,OU LES ACCUSES EN MAJORITE SONT CHIITES. LES VICTIMES ELLES SONT EN MAJORITE ECRASANTE CHRETIENNES ET LA PARTIE DETRUITE DE BEYROUTH EST CHRETIENNS. QUE HN DECLARE PUBLIQUEMENT QUE LE NITRATE APPARTIENT AU HEZBOLLAH ET DEMANDE PARDON AUX MORTS, AUX BLESSES ET A LA VILLE DETRUITE ET DEPOSE SES ARMES ET LIQUIDE LES DEUX MILICES CHIITES ET FAIT RENTRER LA COMMUNAUTE CHIITE DANS LE GIRON DE L,ETAT... PEUT-ETRE LE PEUPLE LUI PARDONNERA EN LE VOYANT LUI ET SES RESPONSABLES FUIR POUR L,IRAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 08, le 16 octobre 2021

  • Monsieur le Président Michel Aoun. Je vous conjure d’oublier tous les petits calculs électoraux du CPL et l’avenir politique de votre petit gendre ET ainsi revenir à la position patriotique que vous aviez affiché devant plus d’un média français lors de votre exil à Paris en déclarant illégales toutes les armes du Hezbollah et en demandant leur désarmement immédiat au profit de l’armée patriotique de la République Libanaise dont vous êtes le Président et Garant

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 14, le 16 octobre 2021

  • prendre LA POSITION requise ? michel aoun le voudra t il que son tout pti gendre adore l'en dissuadera surement, de peur de perdre tout espoir d'acceder a baabda si une rupture avec hezb est consacree.

    Gaby SIOUFI

    11 h 15, le 16 octobre 2021

  • Ben oui...quand on fait un pacte avec le diable déguisé en chef d'un "parti divin" pour accéder au fauteuil que l'on destine plus tard à son gendre...il faut en payer le prix un jour ou l'autre ! Mais le plus navrant est que des citoyens innocents subissent les conséquences catastrophiques de cet incroyable égoïsme incarné par celui qui continue de prétendre: "moi, le chef de cet Etat..." etc. On en vient à prier DIEU de nous débarrasser de ces responsables nuisibles...- Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 08, le 16 octobre 2021

  • Sur la photo, le tireur porte un masque pour ne pas contaminer les autres avec le covid-19, mais il n’a aucun scrupule à envoyer les balles de sa kalach sur les mères au foyer. Absurdité à méditer...

    Gros Gnon

    08 h 40, le 16 octobre 2021

  • Aoun n'a qu'une solution, celle que lui dicte d'ailleurs son devoir: adopter - enfin - une position nationale et rompre avec le Hezbollah. Peut-être mourra-t-il martyr, mais au moins, il aura sauvé son honneur, et peut-être le Liban.

    Yves Prevost

    07 h 53, le 16 octobre 2021

  • Le cpl et son grand timonier sont maintenant acculés en raison du « chantage » de son allié, le Hezbollah …. Comment , maintenant, faire prévaloir la prééminence de l ‘enquête du port sur les intérêts individuels surtout sur l’autel d’une vision sectaire qui voudrait à tout prix nous orienter vers « l’est » Il en va de l’héritage politique qu’il souhaiterait laisser, d’autant que son poulain à la prochaine présidentielle est irrémédiablement disqualifié et l’on peut, par ailleurs, s’étonner de son attitude tant il évite de prendre conscience de certaines réalités . La poursuite de l’enquête du port pourrait bien conditionner les prochaines échéances électorales. Son alliance, contre nature, nous mène à une catastrophe dont on entrevoit les prémices, notamment en raison du mutisme gouvernemental suite à l’importation de fuel iranien. Ces iraniens qui n’agissent sûrement pas par philanthropie et demanderont, inévitablement, des comptes.

    C…

    07 h 44, le 16 octobre 2021

  • C’est une alliance totalement artificielle et vouée forcément à un échec cuisant.

    Wow

    00 h 20, le 16 octobre 2021

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