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Culture - Restauration

L’expertise suisse au secours du palais Sursock

Trois experts en conservation-restauration du patrimoine invités par l’ONG RestArt et l’ambassade de Suisse au Liban ont posé leur diagnostic : il faudra au moins un an de travail et une équipe d’une dizaine de personnes pour redonner aux magnifiques murs et plafonds de la prestigieuse demeure beyrouthine leur splendeur passée.

L’expertise suisse au secours du palais Sursock

Une vue de la conference de presse avec, de gauche à droite : l’experte suisse Giancinta Jean, Marie-Ève Didier, cofondatrice de RestArt, l’ambassadrice de Suisse au Liban, la Dr Marion Weichelt, et Rodrick Cochrane, le propriétaire du palais Sursock. Photo DR

Il est presque 18h dans les jardins du palais Sursock. La même heure, à quelques minutes près, que celle de la fatidique double explosion du port qui a dévasté Beyrouth le 4 août 2020. La conférence de presse donnée par les experts suisses en conservation-restauration de patrimoine architectural tire à sa fin. Un regard jeté sur la façade arrière de la belle demeure patricienne, encore traversée d’immenses fissures (au danger d’écroulement toutefois maîtrisé par un système de stabilisation posé par la Beirut Heritage Initiative sous la supervision de la Direction générale des antiquités), suffit à faire prendre conscience de l’ampleur du chantier nécessaire à la réparation de ce qui a été détruit en à peine 30 secondes !

Du temps, des financements et des expertises. Il faut tout cela à la fois pour remettre en état ce fleuron architectural du Beyrouth du XIXe siècle. L’entreprise, titanesque, impossible à mener en solo par Rodrick Sursock Cochrane, l’actuel propriétaire des lieux, bénéficie de l’aide de RestArt*, une structure philanthropique internationale (placée sous l’égide de la Fondation du Roi Baudoin) spécialement créée à cet effet par de jeunes esthètes, dans la foulée de la double explosion du 4 août 2020. D’autant qu’une fois réhabilitée, cette magnifique propriété familiale ouvrira ses portes au public en tant que musée privé et centre culturel. La décision en a été prise dans les jours qui ont suivi la tragédie de Beyrouth. Comme une évolution naturelle du lien qui s’est noué entre ce bijou architectural et les habitants de la ville meurtrie. Et que Cochrane rappelle en évoquant « l’élan des jeunes Libanais, professionnels ou pas, accourus spontanément offrir leur aide à travers diverses actions de secours pour sa préservation ».

« Certaines parties (du palais Sursock, NDLR) sont instables et il faudrait les sécuriser le plus rapidement possible », affirment les experts suisses. Photo DR

Préserver l’identité de Beyrouth…

Pour revenir à l’action de RestArt, l’ONG qui avait procédé, au cours des mois précédents, à la réalisation d’un inventaire et d’une estimation des dommages engendrés par la double explosion sur les collections du palais et « entrepris les travaux de réparation urgents des pièces les plus fragiles », consacre ses efforts aujourd’hui à la restauration des stucs des plafonds et des peintures murales intérieures dont certaines parties menacent de s’effondrer.

À cet effet, elle a fait appel à trois experts suisses, conservateurs-restaurateurs du patrimoine spécialisés dans les surfaces architecturales décorées, qu’elle a invités, avec le soutien de l’ambassade de Suisse au Liban, à passer une semaine sur place afin d’évaluer les dégâts et d’identifier les savoir-faire, techniques et compétences qu’il faudra mettre en œuvre pour leur réparation.

Giancinta Jean, architecte spécialiste des bâtiments historiques et responsable de la filière conservation et restauration de la Haute École professionnelle de la Suisse italienne (SUPSI) spécialisée en arts et sciences appliqués, Giovanni Nicoli, expert dans la conservation et la restauration des stucs et peintures murales, et Julia Rousso, conservatrice-restauratrice de biens culturels, ont ainsi procédé, au cours de leur séjour, à un examen approfondi des dommages subis par les murs et plafonds intérieurs du palais Sursock.

« Il faut prendre des mesures urgentes afin d’éviter des pertes ultérieures. Les magnifiques ornementations des murs et plafonds sont l’une des principales caractéristiques de ce palais. Malheureusement, elles ont été gravement endommagées. Certaines parties sont instables et il faudrait les sécuriser le plus rapidement possible, idéalement d’ici 4 à 5 semaines au plus tard », signale Giancinta Jean. « D’autres parties sont moins urgentes à traiter. On peut y intervenir dans un temps plus long – qui ne devrait pas dépasser néanmoins une année. Ce qui nous permettra de collaborer avec des spécialistes, architectes et artisans locaux. » La chef de projet, qui rappelle que sa mission, ici, cible uniquement les stucs, plâtres et décorations murales intérieures, a aussi évoqué la mise en place d’ateliers de formation aux techniques et pratiques spécifiques à ce domaine de la conservation via des échanges académiques avec des universités libanaises, dont l’USEK et des établissements spécialisés suisses notamment. Et cela afin de suppléer aux lacunes de ces domaines sur le terrain.

« Nous sommes là pour déterminer les besoins, apporter notre expertise, et établir des liens avec les architectes et les professionnels locaux afin de collaborer ensemble à la restauration de ce précieux édifice », a-t-elle également affirmé au cours de la conférence de presse.

« Cette mission d’expertise suisse représente un premier pas vers la réhabilitation globale de cette magnifique demeure historique beyrouthine, a déclaré pour sa part la nouvelle ambassadrice de Suisse au Liban, la Dr Marion Weichelt. J’en suis d’autant plus fière qu’au-delà de la mise en lumière des hautes compétences universitaires et scientifiques suisses, elle participe à la préservation de l’héritage patrimonial et culturel de Beyrouth. Si ce dernier est perdu, c’est d’une certaine façon l’âme et l’identité de cette capitale qui sont en danger. »

*RestArt a été initiée par Joseph el-Hayeck, ex-chargé du protocole à l’ambassade de Grande-Bretagne, actuellement en poste à l’ambassade des Pays-Bas, et Marie-Ève Didier, docteure en physique, diplômée de Polytechnique et spécialisée dans le développement de méthodes pour la conservation et la préservation des œuvres d’art.

Il est presque 18h dans les jardins du palais Sursock. La même heure, à quelques minutes près, que celle de la fatidique double explosion du port qui a dévasté Beyrouth le 4 août 2020. La conférence de presse donnée par les experts suisses en conservation-restauration de patrimoine architectural tire à sa fin. Un regard jeté sur la façade arrière de la belle demeure patricienne,...

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