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Moyen-Orient - Éclairage

Pourparlers sur le nucléaire : pourquoi Téhéran fait sa diva

La République islamique se montre réticente à l’idée d’un retour rapide au deal de 2015, dans le cadre d’une stratégie qui semble viser à faire monter la pression pour obtenir plus de concessions de la part des Occidentaux.

Pourparlers sur le nucléaire : pourquoi Téhéran fait sa diva

Discours vidéo du président iranien Ebrahim Raïssi lors de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le 21 septembre 202, à New York. Eduardo Munoz/AFP

Au sein des chancelleries occidentales, l’heure est à la stupéfaction. Si les officiels européens et américains savaient que la nouvelle administration iranienne leur donnerait plus de fil à retordre que la précédente, elles ne s’attendaient pas forcément à ce que son ministre des Affaires étrangères – Hossein Amir Abdollahian –, en visite à New York la semaine dernière pour l’Assemblée générale des Nations unies, se montre si peu beau parleur. Malgré une douzaine de rencontres bilatérales tenues en marge de la session d’ouverture avec ses homologues à l’échelle mondiale, malgré la symbolique relative du moment – puisque c’était la première fois en deux ans qu’un chef iranien de la diplomatie obtenait un visa pour les États-Unis – aucune avancée dans les discussions relatives à la réactivation de l’accord de Vienne sur le nucléaire n’a pu être notée. M. Abdollahian a, au contraire, multiplié les formules floues et donné peu d’indications au sujet d’un éventuel calendrier pour un retour de son pays dans le deal. Au point de faire dire au porte-parole du département d’État américain, Ned Price, que Washington n’avait cessé d’entendre tout au long de la semaine « bientôt et très bientôt », avec un manque de clarté et de précision déconcertant. Dans la même veine, un fonctionnaire du département d’État avait déclaré, la veille, que « la fenêtre d’opportunité… ne restera pas ouverte pour toujours ».

Pour mémoire

Les enjeux de la visite de Hossein Amir-Abdollahian à New York

Conclu en 2015 sous le gouvernement de Barack Obama, l’accord de Vienne visait à restreindre les activités nucléaires de Téhéran en échange d’un allégement des sanctions à son égard. Malgré son caractère historique, il s’est toutefois vite heurté au jusqu’au-boutisme de Donald Trump vis-à-vis de la République islamique. Une posture qui a résulté en 2018 à un retrait unilatéral de Washington de l’accord, puis à la réimposition et au renforcement des mesures punitives contre l’Iran. L’actuel locataire de la Maison-Blanche Joe Biden avait fait du retour au JCPOA l’objectif principal de sa politique extérieure au Moyen-Orient, mais son arrivée au pouvoir en janvier s’est déroulée dans un contexte triplement compliqué. Dès 2019, la République islamique s’est ainsi progressivement affranchie des limites qu’elle avait accepté d’imposer à son programme nucléaire en vertu de l’accord de Vienne. À quoi s’est ajouté le pronostic – exact – d’une victoire des partisans de la ligne dure à l’élection présidentielle iranienne de juin. Sans compter la levée de boucliers des alliés de Washington au Moyen-Orient, à commencer par Israël et l’Arabie saoudite, soucieux d’aboutir à un marché sur le nucléaire plus strict que celui de 2015 et d’intégrer dans les négociations les épineuses questions de l’arsenal balistique et du réseau de supplétifs régionaux iraniens, deux lignes rouges pour leur adversaire commun.

Éliminer vs annuler

Téhéran se fait attendre, les Occidentaux s’inquiètent. Et l’une des raisons alimentant ce pessimisme est le soupçon concernant l’accumulation progressive par l’Iran de grandes quantités de matières fissiles enrichies suffisantes à la fabrication d’une bombe nucléaire d’ici à moins d’un mois. Dernière bravade en date de la République islamique, le refus d’accorder le 26 septembre l’accès aux inspecteurs internationaux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à un site sensible, ravivant les tensions qui l’opposent à l’organisation.

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Selon Henry Rome, directeur adjoint de la recherche au sein du groupe Eurasia, cité dans un article publié sur le site de CNN, les durs iraniens semblent considérer que les avantages économiques de l’accord de Vienne sont surestimés et que le pays n’a pas à se précipiter en vue de sa réactivation puisqu’il a déjà survécu à la campagne de pression maximale menée par Donald Trump. Pour eux, « le meilleur moyen d’alléger la pression des sanctions n’est pas de les éliminer mais de les “annuler” complètement en utilisant le concept d’“économie de résistance” du guide suprême Ali Khamenei », a souligné le spécialiste auprès du média américain.

« Si les États-Unis ne s’étaient pas retirés du JCPOA, les avantages de l’accord de Vienne auraient été très importants. L’Iran pourrait non seulement vendre son pétrole, ce qui permettrait à son gouvernement de mettre en œuvre des politiques fiscales, mais environ 200 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) auraient aussi été injectés dans l’économie iranienne. Ce que les partisans de la ligne dure croient peut-être, c’est que le JCPOA n’a pas porté ses fruits », nuance pour sa part Mahdi Ghodsi, économiste au sein du Vienna Institute for International Economic Studies.

Les sanctions américaines ont ainsi asséné un coup terrible à une économie déjà chancelante. Et la politique vers l’Est si chère au guide suprême ne pourra pas compenser, à elle seule, les effets néfastes des mesures américaines. « L’Iran a signé un partenariat stratégique avec la Chine et a récemment rejoint l’Organisation de coopération de Shanghai. Cependant, il ne peut obtenir aucun résultat positif tant que les sanctions secondaires américaines pénalisent les multinationales et les entreprises d’autres pays comme la Chine et la Russie », dit M. Ghodsi.

En somme, les ingrédients principaux pour un retour au deal sont là : Washington souhaite restreindre les activités nucléaires de Téhéran ; Téhéran souhaite desserrer l’étau autour de son économie. Mais, pour y parvenir, ce dernier semble avoir recours à une stratégie de la pression par le nucléaire, en multipliant les provocations à ce sujet pour pousser les États-Unis à céder sans avoir la marge de manœuvre nécessaire pour astreindre l’Iran à plus de compromis qu’en 2015. De l’usure aussi, en remettant aux calendes grecques la reprise des négociations.

Plan B

À New York, Téhéran n’aurait d’ailleurs montré aucun signe témoignant d’une volonté de reprendre les pourparlers là où ils s’étaient arrêtés en juin à Vienne, après six cycles de négociations amorcés en avril. Si des progrès avaient été soulignés à l’époque, les discussions entre les principaux protagonistes butaient sur deux points essentiels, Téhéran exigeant un engagement de Washington qui empêcherait toute équipe américaine ultérieure de se retirer de l’accord ; Washington exigeant de Téhéran que la réactivation du marché ouvre la voie à d’autres négociations sur les dossiers non nucléaires. Une fois l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi « élu » à l’issue d’un scrutin hautement contrôlé, la République islamique a cependant mis en pause les discussions au prétexte qu’elle avait besoin de temps pour former un nouveau gouvernement. Si les parties prenantes à l’accord de Vienne (les quatre membres du Conseil de sécurité de l’ONU, hormis les États-Unis et l’Allemagne) avaient peu ou prou accepté la justification, elles constatent aujourd’hui qu’aucune démarche n’a été entreprise par la nouvelle administration en faveur d’une reprises des discussions.

Pour mémoire

Comment l’Iran exporte son pétrole sur le « marché gris »

« Ce n’est pas une simple allégation occidentale selon laquelle l’Iran profiterait de la pause prolongée des pourparlers de Vienne. Alors que les diplomates américains et européens ont demandé à plusieurs reprises à Téhéran de les reprendre, la République islamique a délibérément ignoré ces requêtes. En fait, Téhéran a considérablement étendu son programme nucléaire ces derniers mois, accumulant plus d’influence face aux États-Unis pour des négociations futures », commente Ali Fathollah-Nejad, collaborateur scientifique au Centre d’études de la coopération internationale et du développement (CECID) à l’Université libre de Bruxelles. Malgré l’évocation jeudi dernier d’un « plan B » par un officiel américain dans l’éventualité où Téhéran ne retournerait pas à la table des négociations, le leadership iranien paraît convaincu de mener la danse. Dans un entretien avec le site d’informations Quds Online, le vice-président de la commission parlementaire à la Sécurité nationale et la Politique étrangère – le pur et dur Abbas Moqtadaei – a par exemple estimé que c’est désormais « l’Iran qui peut fixer les conditions et décider du moment approprié pour négocier », accusant les Occidentaux d’avoir « gâché leurs opportunités » et insistant sur le fait qu’il revenait à présent aux Américains « d’attendre l’Iran ».

« Pour l’instant, la direction iranienne estime que Washington ne sera pas en mesure de mettre en place un “plan B” efficace », résume Ali Fathollah-Nejad. Cette lecture est corroborée par les propos répétés de responsables américains soulignant que la pression maximale « de Trump a échoué, ce qui conduit Téhéran à suggérer que l’administration Biden ne croit pas en l’imposition de davantage de pression, donnant ainsi à l’Iran le temps et la certitude qu’il peut miser sur sa stratégie d’“escalade nucléaire” pour atteindre ses objectifs de suppression de lourdes sanctions ».

Au sein des chancelleries occidentales, l’heure est à la stupéfaction. Si les officiels européens et américains savaient que la nouvelle administration iranienne leur donnerait plus de fil à retordre que la précédente, elles ne s’attendaient pas forcément à ce que son ministre des Affaires étrangères – Hossein Amir Abdollahian –, en visite à New York la semaine dernière pour...

commentaires (1)

facile a y repondre: -le retrait us et toute l'armada occidentale de l'afghanistan leur a donne des ailes -psychologiques a ces persans -la politique etrangere de ces memes us ,ref a la doctrine Hussein Obama que les neo persans adorent rappeler au monde entier -l'adage qui veut que PLUS ON LEUR ACCORDE, PLUS ILS EN DEMANDENT . NB. en attendant les arabes n'en finissent de s'unir .

Gaby SIOUFI

10 h 14, le 29 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • facile a y repondre: -le retrait us et toute l'armada occidentale de l'afghanistan leur a donne des ailes -psychologiques a ces persans -la politique etrangere de ces memes us ,ref a la doctrine Hussein Obama que les neo persans adorent rappeler au monde entier -l'adage qui veut que PLUS ON LEUR ACCORDE, PLUS ILS EN DEMANDENT . NB. en attendant les arabes n'en finissent de s'unir .

    Gaby SIOUFI

    10 h 14, le 29 septembre 2021

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