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Politique - Éclairage

Mais où est donc passée la thaoura ?

Les groupes d’opposition adoptent différentes stratégies, axées notamment sur les prochaines législatives, pour peser sur la scène politique.


Mais où est donc passée la thaoura ?

Le poing, symbole de la thaoura, à Tripoli. Photo João Sousa

À moins d’un mois du second anniversaire du soulèvement de la rue du 17 octobre, les places publiques qui bouillonnaient de colère à travers le Liban sont éteintes, alors que la situation socio-économique ne fait que s’aggraver et que les forces politiques alternatives ont petit à petit délaissé les manifestations au profit d’autres stratégies axées sur les élections. « Manifester, c’est se baser sur au moins deux hypothèses fondamentales : le fait que notre droit à le faire pacifiquement sera protégé par le système et que la classe politique répondra à un moment donné à nos demandes. Cela n’a pas été le cas », explique la professeure d’administration publique Carmen Geha. Lors de la dernière manifestation de masse, celle de la commémoration de la double explosion du 4 août 2020, les affrontements entre les forces de sécurité et les protestataires ont fait plus de 80 blessés.

La répression des mouvements de protestation par les forces de l’ordre décourage nombre de Libanais à descendre dans la rue. Elles furent, ainsi, globalement désertes lors du vote de confiance du Parlement au gouvernement de Nagib Mikati le 20 septembre. « Le vote, dont l’issue était certaine, se tenait au palais de l’Unesco. Le terrain était tout sauf propice et aurait mis les manifestants en danger plus qu’autre chose », explique Mohammad Serhan, membre du Bloc national. Lors du vote de confiance au gouvernement Diab le 11 février 2020, des centaines de manifestants s’étaient postés devant les différentes entrées du Sérail. Et les forces de sécurité, elles, étaient massivement déployées. « Il ne manquait plus que la garde présidentielle pour faire un défilé militaire », ironise Mohammad Serhan.

C’était quatre mois après le début du soulèvement de la rue contre la classe dirigeante. Depuis, le contexte socio-économique s’est dégradé à une vitesse folle.

« Les Libanais sont désormais focalisés sur la sécurisation de leurs besoins primaires, ce qui les empêche de descendre dans la rue. Et les Libanais se demandent, aujourd’hui, ce que la thaoura a finalement accompli depuis le début », estime Waddah Sadek, à la tête du parti Khat ahmar. Selon le dernier rapport de l’Escwa, publié début septembre, plus de 78 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

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« La dynamique du 17 octobre 2019 s’est essoufflée », explique Karim el-Mufti, professeur et chercheur en sciences politiques. Le contexte actuel n’est pas opportun. La population vit un calvaire quotidien entre pénurie d’essence, de mazout et de médicaments, hyperinflation et rationnement drastique en électricité. « C’est le syndrome zombie, c’est-à-dire que les gens sont complètement perdus et ne savent plus où donner de la tête. Dans ce contexte, la population n’a plus le temps de manifester », poursuit le chercheur. Les campagnes de décrédibilisation à l’encontre des protestataires ont également pu contribuer à freiner la mobilisation. « Nous avons été accusés d’être des agents d’ambassades », déplore ainsi Waddah Sadek, qui rappelle que Khat ahmar a décidé de suspendre sa participation aux manifestations dans la rue en juin 2020.

Sur le terrain politique

De leur côté, Citoyens et citoyennes dans un État, le mouvement de Charbel Nahas, a toujours été sélectif. « Les manifestations sont un outil parmi d’autres. Par ailleurs, il n’est pas logique de réclamer des réformes à une classe politique qui nous a réprimés », estime Maya Hodroj, membre du parti. Pour le mouvement, la mobilisation dans la rue doit être « portée par un programme pas seulement basé sur des slogans, mais aussi sur un leader. Quant au programme, il doit expliquer clairement la politique publique envisagée, son coût, comment elle sera financée, etc. » poursuit-elle.

Si les grandes manifestations de l’automne 2019 ne sont plus à l’ordre du jour, la rue n’a pas été totalement délaissée pour autant. Elle est désormais plutôt utilisée à des fins stratégiques. « On s’adapte à la situation. Il est nécessaire de déterminer la valeur ajoutée d’une manifestation dans la rue », explique Karim Safieddine, membre de Mada, un réseau regroupant des jeunes, principalement dans les universités via les clubs laïcs, mais également depuis peu dans les régions de Tyr et Aley. Les familles des victimes de la double explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, soutenues par des protestataires, manifestent pour leur part régulièrement. Le 13 juillet, elles n’avaient pas hésité à crier leur colère devant l’immeuble de Mohammad Fahmi, ex-ministre de l’Intérieur, accusé de bloquer l’investigation.

Pour mémoire

Radioscopie des forces politiques portées par la contestation

« L’action politique peut prendre différentes formes », souligne pour sa part Carmen Geha. Et l’absence des mouvements politiques alternatifs dans la rue ne marque pas nécessairement l’épilogue de la thaoura du 17 octobre.

Ces derniers mois, les partis alternatifs ont jeté leurs forces dans les élections estudiantines, mais aussi celles des ordres professionnels et des syndicats. « Notre travail s’inscrit dans la continuité. Nous avons remporté les dernières élections estudiantines et celles de l’ordre des ingénieurs. Notre engagement s’inscrit dans une approche partant de la base (bottom-up) », explique Nahida Khalil, de Beyrouth madinati.

Une grande coalition de partis politiques de l’opposition antisystème a réalisé un véritable raz-de-marée aux élections syndicales de l’ordre des ingénieurs et des architectes de Beyrouth en juin dernier. Cette stratégie et ces victoires permettent aux partis de l’opposition antisystème de s’ingérer dans l’action publique. « La stratégie consistant à se mobiliser pour remporter les élections des ordres professionnels et au sein du monde syndical est bonne car elle permet de consolider un certain contre-pouvoir. Mais attention, ces victoires ne veulent pas nécessairement dire que ce capital politique se transformera automatiquement en vote des électeurs lambda. Les élections se gagnent sur le terrain politique, pas sur celui de l’action publique », explique Karim el-Mufti.

La droite, le centre et la gauche

Or, la boussole, pour la majorité des partis, pointe en direction des élections législatives de 2022. Ainsi, certains groupes de l’opposition focalisent leur travail sur la construction d’alliances politiques et électorales en amont des élections syndicales prévues pour les mois à venir, mais aussi et surtout avant le scrutin parlementaire de l’année prochaine. « Il existe, en ce moment, des nuances entre les différents groupes de l’opposition sur la question de l’État civil, du système économique ou de la souveraineté. Résultat, il y a trois grandes familles politiques au sein de l’opposition : la droite, le centre et la gauche. Chacune de ces familles peut attirer un électorat différent, mais elles se retrouvent sur le fond, c’est-à-dire l’opposition à la classe politique actuelle », explique Mohammad Serhan.« Tabler sur le dégagisme ne fonctionne pas, même avec la déliquescence du pays et de l’économie, puisque le vide et l’instabilité font peur, et l’identité confessionnelle peut facilement être invoquée comme bouclier et protection du bien-être des groupes et des régions », avertit toutefois Karim el-Mufti. Pour le politologue, les législatives de 2018, lors desquelles l’opposition n’avait réussi à faire élire qu’une seule députée, sont un exemple à ne pas oublier. « Kulluna watani, une grande alliance sur 15 circonscriptions, a fini par faire chou blanc à cause de cette idée selon laquelle une alliance et une liste unie peuvent convaincre toutes les régions et tous les Libanais. Or, la politique, c’est la bataille de la représentativité. Il faut cibler les circonscriptions en phase avec les valeurs que l’on porte et créer un véritable programme politique basé sur un projet et non simplement sur des slogans. Les législatives requièrent un vrai travail de terrain », poursuit-il.

Nombreux sont ceux qui se demandent si les législatives prévues en mai 2022 peuvent être porteuses de changement, alors que la classe politique actuelle maîtrise toutes les ficelles, et notamment celle du clientélisme politique, de ce genre de scrutin. « Nous savons pertinemment que nous allons probablement devoir attendre encore quelques années avant de pouvoir réellement changer les choses par le biais des institutions », admet Waddah Sadek. Ce qui n’empêche pas, estiment les partis de l’opposition, que pour mettre le pied dans la porte du pouvoir, il faut s’engager dans la bataille dès aujourd’hui.


À moins d’un mois du second anniversaire du soulèvement de la rue du 17 octobre, les places publiques qui bouillonnaient de colère à travers le Liban sont éteintes, alors que la situation socio-économique ne fait que s’aggraver et que les forces politiques alternatives ont petit à petit délaissé les manifestations au profit d’autres stratégies axées sur les élections....

commentaires (12)

Rien ne changera par les nouvelles législatives. Pays failli. La classe politique , je vous rappelle vient du peuple corrompu a l os

Robert Moumdjian

08 h 06, le 28 septembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Rien ne changera par les nouvelles législatives. Pays failli. La classe politique , je vous rappelle vient du peuple corrompu a l os

    Robert Moumdjian

    08 h 06, le 28 septembre 2021

  • BIZARRERIE DU BIZARRE ! HAYDA LEBNEN. LES MEMES CLIQUES DES MEMES PANURGES VOLEURS ET MAFIEUX AUX ETABLES BIEN GARNIES DE MOUTONS, D,ANES ET DE MULETS ENCORE, ET L,ACHAT FOLKLORIQUE DES VOIX DES ELECTEURS SURTOUT EN CETTE PERIODE OU LA FAIM MALMENE LES ESTOMACS, REVIENDRONT AU POUVOIR. LA MALEDICTION LES LIBANAIS SE L,ATTIRENT EUX QUI ACCEPTENT DES LEGISLATIVES DITES LIBRES ET DEMOCRATIQUES AVEC L,UNE DES COMMUNAUTES ARMEE ET AYANT UN ETAT ET DES INSTITUTIONS ET UNE ARMEE TOUS A L,OBEDIENCE ETRANGERE. LIBANAIS VOUS CUEILLEZ CE QUE VOUS SEMES. C,EST TRES TRISTE ET MALHEUREUX. AILLEURS UN SOULEVEMENT AURAIT NETTOYE LE VERT ET LE TURPIDE POUR UNE NOUVELLE GENERATION. LIBANAIS VOUS AVEZ RATE LE COCHE... DOMMAGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 13, le 27 septembre 2021

  • Non ils ont tellement pousser les libanais à la misère que ceux là maintenant tout ce qu’ils veulent n’est plus d’avancer dans la pyramide de Maslow, mais bien au contraire donner de leur liberté afin de pouvoir avoir l’essentiel afin de juste survivre … le pire dans tout ça c’est bien le pyromane qui est devenue pompier !!! Les mêmes qui nous ont mis dans cette merde ceux là même sont devenue les anges gardiens

    Bery tus

    14 h 41, le 27 septembre 2021

  • CE QUE LA CLIQUE AU POUVOIR NE COMPREND PAS C'EST QU'ELLE A REUSSIE PEUT ETRE A AMOINDRIR LES CONTESTATIONS DANS LA RUE MAIS QUE LES LIBANAIS QUI NE DESCENDENT PLUS DANS LA RUE AUJOURDH'UI POUR NE PAS ETRE SOIT TABASSE SOIT REQUIS LE LENDEMAIN A SE RENDRE AUPRES 'DUN COMMISSAIRE DE POLICE , CES LIBANAIS SE RENDONT DANS LES URNES LE JOUR DES ELECTIONS ET NE VOTERONT PAS POUR CES CRIMINELS QUI ONT RUINES LE PAYS ET LE CHANGEMENT AURA LIEU ET PAS POUR 5 OU 10 DEPUTES MAIS POUR BIEN PLUS LA VERITE: QUI VIVRA VERRA QUE CETTE CLIQUE VIT SES DERNIERS MOIS AMEN

    LA VERITE

    13 h 43, le 27 septembre 2021

  • On savait la tâche ardue dés les premiers instants de la révolution. Ce que nous ignorions c’est le manque de souffle des libanais face à une mafia qui mise sur le temps et l’utilise pour user jusqu’à la corde leurs nerfs, leurs vies et leur espoir de les voir déguerpir. Aux premiers signes de violences les rebelles se sont fait de plus en plus rares et la propagation du virus a fait le reste. Cependant tout n’est pas joué, beaucoup de libanais œuvrent dans le monde entier pour que ces élections puissent avoir lieu le plus démocratiquement possible et avec le plus grand nombre de participants pour enfin nous débarrasser de ces malotrus. NAHWA L WATAN et tant d’autres mouvements patriotiques n’économisent pas leurs forces, leur temps, ni les moyens financiers et stratégiques pour mobiliser le plus possible les élites de ce pays à venir les rejoindre comme beaucoup d’autres d’ailleurs pour qu’enfin notre dignité et notre indépendance nous soient restituées grâce à nos efforts et non à une quelconque intervention étrangère. La nation c’est nous le peuple insoumis qui n’est pas à sa première épreuve ni à sa première victoire face aux ennemis qui sont nombreux mais qui ne nous ont jamais impressionné puisque nous sommes dans nos droits de défendre notre pays par tous les moyens pour nous débarrasser des usurpateurs.

    Sissi zayyat

    12 h 17, le 27 septembre 2021

  • BREF: "Les Libanais sont désormais focalisés sur la sécurisation de leurs besoins primaires", Les révolutions se font via une classe moyenne frustrée par l'injustice mais n'ont pas encore faim ce qui n'est plus le cas; et que 90% d'entre eux, sont actuellement en dessous du seuil de pauvreté.

    DAMMOUS Hanna

    11 h 31, le 27 septembre 2021

  • Les papillons ne manifestent pas . Pour toute manifestation il Y A RÉPRESSION , dans les démocraties ou dictature LA VIOLENCE EST RÉPRIMÉE PAR LA VIOLENCE : qu’un policier soit blesse alors NORMAL qu’un manifestant soit blesse : exemple FRANCE , HOLLANDE ,USA , AUSTRALIE,G.B., Russie , ÉMIRATS ARABE ,en israel ON TUE PAR BALLES RÉELLES , ARABIE SAOUDITE LA TÊTE du manifestant /opposant est TRANCHÉE !!! 17 OCTOBRE – même bien avant – a été UTILISÉE et FINANCÉE à des fins stratégiques dont nous subissons et vivons les effets négatives Alors POURQUOI VOULOIR DÉCROCHER LA LUNE QUAND ON A LES ÉTOILES. La photo du poing, résume la situation . MAIS il y a encore ceux qui espèrent un Redressement du MAJEUR !!!!

    aliosha

    11 h 25, le 27 septembre 2021

  • je ne sais pas qui a lance le 1er le mouvement du 17 Oct, je sais qu'y avait illico repondu en masse la classe moyenne qui fut le gros des protestataires -jusqu'a ce que KELLON reagissent com on se rappelle. meme les gens du future avaient deserte la place ..celle-ci pas prete aux violences instaurees par les hommes des di9vers partis et autres organisations au but de justement semer la pagaille qui a fini par porter ses fruits: la classe moyenne rentre chez elle pour de bon. trois grandes familles politiques au sein de l’opposition sont ok, ce qui doit aussi se faire est la concentration des candidatures a ces 3 courants... surtout que KELLON feront ce qu'ils sont bons a faire: multiplier les listes electorales donc eparpiller les voix au max. reste un element MAJEUR, l'argent et les machines électoraux. qui font défaut aux mouvements du 17 Oct. qui dans tous les cas , meme avec ttes les chances mises de leur cote , ne pourraient objectivement viser qu'a faire elire 1 ou 2 sunnites, et qqs 10 chretiens. ce qui serait deja un bon debut .

    Gaby SIOUFI

    09 h 46, le 27 septembre 2021

  • LES MEMES PANURGES MAFIEUX REVIENDRONT PORTES PAR LES MOUTONS, ANES ET MULETS QUI BROUTENT L,HERBE ET RENTRENT DANS LEURS ETABLES ETERNELLES. - AVEC UNE COMMUNAUTE ARMEE POINT DE LIBRES ET DEMOCRATIQUES ELECTIONS. ON SE RIE DE SOI-MEME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 50, le 27 septembre 2021

  • DE LIBRES LEGISLATIVES ET DEMOCRATIQUES, AVEC L,UNE DES COMMUNAUTES DU PAYS ARMEE ET AYANT DES INSTITUTIONS ETATIQYES... ETAT DANS L,ETAT... IL NE PEUT Y AVOIR. LES MEMES TETES VONT REVENIR, EN MAJORITE, SI CE N,EST EXCLUSIVEMENT, AVEC LEURS ETABLES PORTES PAR LEURS CLIENTELES DE MOUTONS BELEURS ET D,ANES ET DE MULETS BROUTEURS D,HERBE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 44, le 27 septembre 2021

  • Il s’agira là, pour les groupes d’opposition avec notamment ceux dits de la thaoura , de former le consensus le plus large possible à l’approche de ses élections. Ces groupes devront coute que coute faire fi de toutes les oppositions qui pourront les animer et essayer, en dépit de nombreuses divergences qui risquent d’apparaître, de rassembler les idées qui permettraient de faire front commun pour enfin obtenir une transition politique porteuse de justice sociale et capable de rétablir une démocratie enfin digne de ce nom . Depuis l’avènement de la thaoura, on aura vu et entendu émerger des centaines de réflexion , il serait bien de trier les enseignements nécessaires et éviter de noyer un éventuel futur programme par des considérations personnelles, ce qui permettrait de déloger ces politiques qui sont imposées et réglées par une tradition sacrée et immuable qu’est le féodalisme, principe, au Liban, de soumission des citoyens aux responsables actuels, cette espèce d’allégeance aux politiques qui considèrent l’état et ses biens comme leur chasse gardée … La marche semble bien haute à franchir mais elle ne serait que plus belle.

    C…

    08 h 23, le 27 septembre 2021

  • Or ni car

    Le Tigre

    08 h 09, le 27 septembre 2021

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