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La Consolidation de la paix au Liban - Septembre 2021

Franchement, pourquoi punir celui qui n’aime pas et ne désire pas « selon les goûts » des autres ?

Alors que le pouvoir au Liban s’agrippe à ses systèmes minables et à sa vision étriquée de la société, les membres de la communauté LGBTQ restent confinés dans une bataille qui ne cesse d’être reportée. Ils luttent contre la discrimination systématique dont ils sont victimes et souffrent d’être privés de leur droit à se sentir libres et en sécurité. Ils subissent une injustice accentuée et sont dépouillés de leurs droits humains les plus élémentaires, voire de refuges d’accueil d’urgence qui soient sûrs, notamment pour ceux qui d’entre eux ont été déplacés en raison des politiques de criminalisation et de paupérisation. Ils sont également privés des soins de santé élémentaires, comme le fait de pouvoir être hospitalisés sans avoir à cacher leurs traits – du moins pour ceux d’entre eux qui arrivent à se faire hospitaliser. Certains, principalement les transsexuels, ne bénéficient pas d’une procédure légale juste qui corresponde à une reconnaissance effective et non formelle de leur identité.

Alors que nous assistons perplexes à ce que nos bourreaux accomplissent à notre égard, nous nous rappelons des causes justes que nous avions menées à bon port avant l’effondrement apocalyptique. Nous nous basons pour le dire sur les promesses qui nous ont été faites dans ce sens.

Au nombre de ces causes, les droits d’une couche de la population dont la définition identitaire a changé proportionnellement au changement que ces personnes ont elles-mêmes apporté à leur propre identité, dans l’espoir que cela les rapprochera, ne serait-ce qu’un peu plus seulement, de ce qu’elles ressentent au fond d’elles-mêmes et de ce que leur être représente à un moment déterminé. En réalité, ce sentiment est la définition la plus noble et la plus précise que l’abécédaire peut contenir. Tantôt on en supprime une lettre, tantôt on en rajoute une autre dans l’espoir de refléter le plus fidèlement possible les changements d’identité et d’émotion et le lien étroit qui existe entre elles.

Ce qui est frappant aujourd’hui c’est que ce sentiment est vibrant, mouvant et durable n’en déplaise à nos bourreaux et malgré les crises qu’ils ont produites, à commencer par l’effondrement du pouvoir d’achat jusqu’à la double explosion du 4 août et la série d’effondrements qui ont suivi. Si on examine tous ces écroulements, il paraît évident que l’un de leurs objectifs consistait à nous détourner de nos êtres et de nos ambitions au profit de besoins élémentaires qui limitent désormais nos intérêts au pain, au médicament et à l’essence plutôt qu’à la liberté, le développement et le bien-vivre, à titre d’exemple.

Parallèlement, non seulement cette flexibilité et liberté des sentiments affichés continue d’embarrasser de nombreuses personnes, mais il est presque interdit de les expérimenter, voire de les explorer à une époque où les malheurs tombent sur tout individu dont les sentiments ne sont pas respectés en premier lieu, dont la personnalité et les préférences sont rejetées par ses proches, sur qui on pose un regard de stupéfaction ou de condamnation dès qu’il se présente dans un endroit public et qui doit rester vigilant en prévision d’un éventuel harcèlement sexuel au quotidien.

Nous ne passerons pas en revue les complications de la crise sur certaines catégories d’individus qu’une grande partie de la société stigmatise en la désignant par homosexuelle. Nous n’énumérons pas non plus les articles de loi qui nous ont refusé des droits sexuels et physiques fondamentaux. Nous prendrons toutefois pour cible nos leaders criminels en dévoilant certaines raisons sous-jacentes pour lesquelles ils insistent à criminaliser ceux et celles aux désirs et sentiments « illégaux » ou plutôt qui ne leur plaisent pas.

Au cours des dernières années, les perquisitions et poursuites de membres de la communauté LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers) se sont poursuivies malgré les crises successives dont ils sont également victimes au même titre que toute la population libanaise. Parfois, ils en ont payé le prix fort. Dans ce contexte, il est important de nous rappeler que nous comptions des groupes de défense de nos droits. Ils étaient audacieux et actifs et ont réussi à se démarquer. Nous comptions des femmes lesbiennes et queers qui se sont imposées. Des jugements qualitatifs ont aussi été émis par des magistrats ayant refusé de juger des personnes gays, lesbiennes et queers conformément aux dispositions de l’article 534 du code pénal qui pénalise les relations sexuelles « contre nature ». Ce qui laisse présager un changement dans le traitement de cette question au niveau social et judiciaire.

En 2019 et 2020, le processus judiciaire a été couronné par les décisions du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le magistrat Peter Germanos, qui avait interdit que des militaires déférés devant lui pour infraction à l’article 534 du code pénal soient poursuivis. Il a ainsi rompu une tradition patriarcale qui instituait un lien classique entre le machisme qui répond à des critères déterminés et porte aux nues le monde militaire. Ces développements judiciaires ont été précédés par d’autres prises de position positives, comme celles interdisant à l’ordre des médecins et au ministère de la Justice d’effectuer un examen anal pour prouver l’homosexualité ou encore les appels lancés par les corps psychologiques et psychiatriques pour ne plus traiter l’homosexualité comme étant un trouble mental.

Parallèlement, de nombreux ateliers de travail féministes ont été tenus. Ils ont permis d’introduire certains amendements au système législatif, notamment en matière de lutte contre la violence domestique, de la hausse chez certaines communautés de l’âge de garde des enfants par la mère, de la sanction du harcèlement sexuel et de l’interdiction aux employeurs de poursuivre en justice les travailleuses domestiques pour « fuite ». Cette dynamique législative ne s’est pas forcément étendue avec la même intensité à d’autres groupes marginalisés, au nombre desquels la communauté LGBTQ. Au contraire, cette dernière a été assiégée encore plus et attaquée, à tel point que certains de ses événements et conférences ont même été interdits par la force avec des exposés de motifs fallacieux.

Avec leurs points communs et leurs différences, les mouvements féministe et LGBTQ ont réussi au cours des cinq dernières années à opérer d’importants changements sur les plan intellectuel, social et politique. Ces deux mouvements se sont unifiés, même si c’était de manière imprévue, pour lutter contre un système patriarcal qui les perçoit comme une menace pour ses fondements, au nombre desquels la structure familiale en général et la famille libanaise en particulier. Mais dans quel sens ?

Tout simplement, il est évident qu’à l’instar des réformes à orientation féministe qui touchent à la famille, les relations homosexuelles et les expressions non stéréotypées ne bénéficieront pas à l’alliance solide entre le système actuel et une grande tranche de la société qu’unit la même obsession visant à perpétuer les règles relatives à l’hétéronormativité (l’hétérosexualité est la seule norme), ainsi que les normes sexuelles sur base de la relation et de la procréation hétérosexuelles et de la reproduction dans l’intérêt de la valeur nationale suprême et ce en multipliant les membres d’un même groupe. Donc, toute violation par l’individu du rôle, de l’apparence, de l’expression et de l’orientation escomptés est susceptible aux yeux du système en place de perturber la composition du groupe dans le pays et de celle du pays au sein de ses groupes, puisque le simple fait d’accepter une possible « infraction » pourrait ouvrir grand la porte à d’autres violations, ruinant ainsi les projets du pouvoir et ses paris quant à son avenir.

Dès lors, le système libanais est désorienté face à tout ce qui pourrait littéralement lui tordre le bras. Le système patriarcal, basé sur ses groupes qui tantôt se disputent et tantôt se coalisent, a urgemment et constamment besoin d’assurer la pérennité des structures qu’il considère comme ses alliées, puisque ce sont ces mêmes structures qui constitueront l’artère vitale qui préserve ses intérêts et les transmet d’une génération à une autre. Néanmoins, on craint toujours la capacité de tout système d’exploitation et monopolistique des richesses à s’adapter soit à des structures anciennes qui ont réussi à échapper à ses griffes soit à des structures émergentes qui tendent à se renforcer. Il essaie ainsi d’assurer sa pérennité en répondant, même tardivement, à leurs revendications pour les rallier à sa cause ou pour en absorber certains, comme il l’a fait récemment avec certains mouvements féministes et syndicaux.

Cependant, rien ne montre que le système est actuellement prêt à lâcher une partie de son pouvoir patriarcal et religieux pour assurer sa pérennité, puisque tout simplement, il n’a rien à gagner en échange d’une telle « amputation » et puisque les parties qui négocient avec lui, même si elles le dérangent, ne méritent pas à ses yeux des concessions majeures de sa part.

Mais tout cela se maintiendra jusqu’à nouvel ordre, un nouveau sentiment et une nouvelle lettre.

Alors que le pouvoir au Liban s’agrippe à ses systèmes minables et à sa vision étriquée de la société, les membres de la communauté LGBTQ restent confinés dans une bataille qui ne cesse d’être reportée. Ils luttent contre la discrimination systématique dont ils sont victimes et souffrent d’être privés de leur droit à se sentir libres et en sécurité. Ils subissent une...

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