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Économie - Compétition

Prix FFE : Au Liban, les femmes entrepreneures défient la crise

Les lauréates de la dixième édition du prix se partagent un prix de 42 000 euros qui seront investis, à travers Berytech, dans le développement de leurs start-up respectives.

Prix FFE : Au Liban, les femmes entrepreneures défient la crise

Les lauréates (de g. à d.) : Nayla Madi (Wall.Creation, 2e place), Sandra Sarkis (Start-Leb, 1re place) et Sabine Skayem (Ýakin, 3e place) hier à la remise des prix à Beyrouth. Photo Michel Sayegh

Si les inégalités ont la peau dure, les Libanaises ont, elles, le souffle long. C’est en tout cas l’un des enseignements que l’on pourra retenir de cette dixième édition réussie de la compétition « Femme francophone entrepreneure » (FFE) de 2021 qui a livré hier son verdict à l’issue de près de quatre mois pendant lesquels les 83 candidates ont dû peaufiner leurs projets dans un contexte de crise alternant le pénible, le révoltant et le tragique.

Si cette compétition organisée par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) au Moyen-Orient, Berytech et L’Orient-Le Jour a été remportée cette année par Sandra Sarkis (Start-Leb, 1re place), Nayla Madi (Wall.Creation, 2e place) et Sabine Skayem (Ýakin, 3e place), c’est bien le Liban et ses femmes entrepreneures qui sortent vainqueurs et renforcés à l’issue de ce pari réussi. Les lauréates ont été départagées par un jury composé d’Aline Kamakian (entrepreneure, fondatrice des restaurants arméniens Mayrig et Batchig), Samer Toutounji (entrepreneur, fondateur d’Eshmoon) et Corinne Kiamé (directrice des investissements à IM Capital).

Les fondatrices de Start-Leb, Wall.Creation et Ýakin se partagent un prix de 42 000 euros offerts par l’AUF, soit près du double des montants des années précédentes – 18 000 euros pour la première, 14 000 euros pour la deuxième et 10 000 euros pour la troisième –, qui seront investis, à travers Berytech, dans le développement de leurs start-up respectives. Par ailleurs, elles bénéficieront d’un accompagnement et d’un soutien pour la création de leur entreprise dans l’incubateur de Berytech (formations, coaching, ou encore hébergement).

Ferments lactiques

Start-Leb part d’un postulat particulièrement prometteur pour l’industrie agroalimentaire : identifier les ferments lactiques à partir de nouvelles souches de bactéries lactiques isolées dans des produits traditionnels libanais afin de pouvoir les fabriquer localement. « Je suis partie sur cette idée d’une part grâce à ma longue expérience dans le domaine du contrôle qualité et, d’autre part, lorsque j’ai vu les répercussions de la crise sur les producteurs laitiers (de laban, labneh, fromages, etc.), qui sont contraints d’importer leurs ferments parce qu’il n’y a pas de production locale », a expliqué l’entrepreneure Sandra Sarkis à L’Orient-Le Jour. « Il y a vraiment un créneau pour développer cette industrie afin d’aider les producteurs laitiers à exporter leurs produits tout en maintenant leur identité propre (…) Et ça ne s’arrête pas au domaine laitier, vu que des ferments sont aussi utilisés pour faire du pain, de la bière ou encore du vin », ajoute-t-elle.

Les dauphines de Start-Leb ne sont pas en reste en matière de créativité. Avec Wall.Creation, Nayla Madi a imaginé un processus de création et de fabrication de papier peint « eco-friendly », personnalisé, facile à apposer et que l’on peut retirer sans résidus. Sabine Skayem et sa complice Bruna Teeny ambitionnent, pour leur part, avec Ýakin, de rendre le design « accessible à tous », via une ligne de meubles « éclectiques et épurés », pouvant être montés en kit, dans le respect, là aussi, de l’environnement.

Pour mémoire

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Les trois finalistes malheureuses ont elles aussi présenté des projets potentiellement porteurs, que ce soient les pâtes fraîches libanaises de Gudtolli Pasta fabriquées notamment à base d’herbes et de fleurs locales défendues par Leila Khalifé ; Asala Art, plateforme électronique de gestion et numérisation d’œuvres d’art de Juliana Salhab ; ou enfin Pop Up Stool, un tabouret écologique et design, fabriqué en carton alvéolé particulièrement résistant, proposé par Amira Zaarour.

Contexte de crise

De manière plus générale, la totalité des 83 participantes présélectionnées dans le sillage du lancement de la compétition le 4 juin dernier en présence de la membre du conseil d’administration du groupe Fattal et marraine de l’édition, Caroline Fattal, ainsi que d’Aline Kamakian, ont eu cette année encore le mérite de braver les difficultés d’une crise de plus en plus étouffante. « Les pannes de courant de plus en plus fréquentes ont compliqué les phases techniques d’élaboration des projets, même si elles nous ont laissé beaucoup de temps pour réfléchir », plaisante Nayla Madi. « C’était un véritable défi, sans parler de la dimension financière de la crise qui a également pesé », renchérit Sabine Skayem.

Un véritable parcours du combattant que n’ont pas manqué de saluer les organisateurs et Caroline Fattal, qui préside également la fondation Stand for Women. Dans son discours, la marraine de cette 10e édition a rendu hommage aux « femmes entrepreneures écorchées, blessées et qui ont tout perdu du jour au lendemain (en raison de la double explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août 2020, NDLR) », mais qui ont reconstruit leurs entreprises depuis. Le directeur régional de l’AUF Moyen-Orient, Jean-Noël Baléo, a salué de son côté la « créativité, l’expertise, la création de valeur, l’énergie, la détermination et la foi en l’avenir au Liban » des participantes. Le directeur exécutif de L’Orient-Le Jour, Michel Hélou, s’est quant à lui dit « bluffé » en faisant un parallèle entre la dégradation de la situation dans le pays et le niveau des entrepreneures qui « s’améliore » d’année en année. Enfin, le directeur adjoint de Berytech Ramy Boujawdeh a rappelé que la crise était loin d’être le seul obstacle entravant la marche en avant des femmes entrepreneures, évoquant notamment « la discrimination, le manque d’aide financière et un accès limité aux réseaux (professionnels) ».

Si les inégalités ont la peau dure, les Libanaises ont, elles, le souffle long. C’est en tout cas l’un des enseignements que l’on pourra retenir de cette dixième édition réussie de la compétition « Femme francophone entrepreneure » (FFE) de 2021 qui a livré hier son verdict à l’issue de près de quatre mois pendant lesquels les 83 candidates ont dû peaufiner leurs...

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