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Politique - Focus

Par voie maritime ou terrestre, l’ouverture des routes iraniennes vers le Liban

L’annonce par Hassan Nasrallah de l’arrivée prochaine de pétroliers venant d’Iran entre dans le cadre des efforts constants de Téhéran d’accéder à la Méditerranée.

Par voie maritime ou terrestre, l’ouverture des routes iraniennes vers le Liban

Le supertanker iranien Grace 1, au large de Gibraltar, en juillet 2019. Jorge Guerrero/Archives AFP

Pour l’axe pro-iranien, tous les chemins doivent désormais mener à la Méditerranée. Ayant pour objectif de sécuriser une continuité territoriale entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban, et d’en faire un ensemble géopolitique mais aussi économique, Téhéran et ses obligés ont besoin d’un accès à la mer chaude depuis le Liban et/ou la Syrie. C’est dans ce contexte qu’il faut appréhender l’annonce du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah concernant l’arrivée prochaine de plusieurs navires pétroliers iraniens visant à répondre à la pénurie de carburants que subit le Liban de plein fouet. Au-delà du coup symbolique, il s’agit pour l’Iran de s’imposer comme un nouvel acteur méditerranéen, ce qu’il n’avait pas été depuis l’ère de Cyrus le Grand (VIe siècle av. J.-C.), et de s’inviter dans la bataille énergétique qui se joue dans la région.

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Téhéran a beau avoir réussi à considérablement renforcer son influence dans le Proche-Orient arabe, il y demeure en territoire relativement hostile. L’arrivée d’un bateau battant pavillon iranien dans les eaux libanaises est loin d’être une évidence et paraît même assez compromise. L’Iran étant encore sous sanctions américaines, le Liban pourrait être pénalisé s’il commerçait directement avec lui. Outre les États-Unis, et plus généralement les Occidentaux, les Israéliens voient aussi d’un très mauvais œil la présence d’un bateau ennemi à proximité de leurs eaux territoriales.

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Dans ces circonstances, c’est dans les eaux syriennes, plus précisément dans le port de Banias, que les trois navires iraniens annoncés pourraient accoster. L’intervention iranienne en soutien au régime de Bachar el-Assad durant la guerre syrienne avait notamment pour objectif de permettre à Téhéran d’avoir un accès à la Méditerranée. Mais l’entrée en jeu de la Russie, qui souhaite elle aussi depuis des siècles gagner un accès à la mer chaude, a compliqué les projets iraniens. Téhéran a été écarté du port de Lattaquié, mais a pu conserver une influence, avec le feu vert russe, dans celui de Banias dans lequel il livre son carburant à son allié syrien.

Si les tankers iraniens y accostaient, la cargaison devrait être transportée via des camions-citernes vers le Liban. C’est ici que la question des voies terrestres entre en jeu. L’ouverture d’un axe reliant Téhéran à la Méditerranée via l’Irak, la Syrie et le Liban a été le cœur du projet géopolitique iranien au cours de ces dernières années. De nombreuses déclarations de responsables iraniens évoquent l’importance stratégique de cette route, à laquelle Téhéran a alloué des milliards de dollars. La route est censée relier les frontières irako-syriennes entre elles, mais la présence américaine dans l’Est syrien et ses multiples bases militaires, dont la base d’al-Tanf, ont freiné le dessein iranien. Par ailleurs, des raids américains, et surtout israéliens, ont également ciblé de nombreux sites iraniens des deux côtés de la frontière irako-syrienne. « La livraison du pétrole iranien est une réponse au projet américain d’encercler l’Iran », avance un cadre du Hezbollah sous le couvert de l’anonymat. « Entre le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran, nous souhaitons construire un système économique et commercial interconnecté », ajoute-t-il, complétant ainsi la pensée du secrétaire général du parti qui avait appelé à se tourner davantage vers l’est.

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Les « couloirs-clés » du Hezbollah

L’Iran souhaiterait également réhabiliter les deux oléoducs qui rejoignent le Liban via la Syrie. Ces lignes ont été sabotées pendant la période de la guerre civile libanaise et n’ont pas été réparées depuis. Les Iraniens s’y intéressent d’autant plus que le Liban pourrait devenir lui-même un État pétrolier, en fonction de possibles découvertes dans ses eaux territoriales. Les tractations autour de la délimitation de la frontière maritime avec Israël s’inscrivent dans le même contexte. Les opposants au Hezbollah accusent l’Iran de vouloir l’utiliser comme une carte de négociations avec les États-Unis. Les Russes tentent, eux aussi, de s’inviter dans la partie, en proposant de réhabiliter les raffineries de pétrole de Tripoli et en déclarant vouloir travailler sur une médiation entre Beyrouth et Damas pour délimiter la frontière maritime nord. Retour sur la voie terrestre, dans laquelle le Hezbollah joue les premiers rôles. « Nous contrôlons plusieurs couloirs-clés entre la Syrie et le Liban », reconnaît le cadre du parti précité. Le Hezbollah y fait circuler combattants, fournitures militaires, produits et médicaments. Le parti chiite a pris le contrôle d’une grande partie des terres frontalières avec le Liban lors des combats en Syrie, à la fois autour de Damas et de Homs. Sous le contrôle de l’Iran et de ses alliés à Homs en 2014, les contours de ce grand projet ont commencé à se dessiner : l’Iran n’a réussi à imposer son contrôle que par un processus systématique de déplacement de population. Homs a constitué un changement majeur dans le contrôle géographique de l’Iran, car c’est elle qui relie toutes les autres provinces de la Syrie entre elles, jusqu’à Damas, et la Badia vers l’est pour atteindre l’Irak, en plus de connecter la Syrie au Liban à l’ouest.

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Ainsi, le parti a pris le contrôle des deux côtés des frontières syrienne et libanaise, notamment dans le nord de la Békaa et du Hermel. À la suite de ces développements, la tension entre les maronites, représentés par l’Église, et les chiites dans la périphérie du caza de Jbeil, en particulier dans les deux principales zones de Lassa et de Aqoura, est montée d’un cran. Ces deux régions sont considérées comme stratégiques. Des sources chrétiennes opposées au Hezbollah considèrent que le parti tente de contrôler cette zone reculée, qui est reliée par des routes très accidentées au nord de la Békaa. Elles estiment que le Hezbollah souhaite atteindre à partir de Qousseir et de Homs la vallée de la Békaa, et de là, la périphérie de Jbeil jusqu’à la route côtière reliant Beyrouth au nord du Liban, ce qui ouvrirait une fenêtre sur la Méditerranée.

Pendant des années, le Hezbollah a réussi à enregistrer de nombreuses percées dans différents points géographiques et régionaux du Liban, notamment sur la route côtière reliant Beyrouth au Sud. Après le coup de force du 7 mai 2008, le parti chiite a réussi à contrôler des sites-clés le long de cette route en acquérant des biens immobiliers. Les zones côtières entre Beyrouth et Saïda ont connu un changement démographique grâce aux complexes résidentiels le long de la route appartenant aux chiites. Le parti a aussi développé ses relations avec des minorités au sein des communautés sunnite et druze pour sécuriser la route reliant Beyrouth au Sud. Une des voies les plus stratégiques pour le parti, avec au sud Israël, à l’ouest la Méditerranée, au nord Beyrouth et à l’est la Békaa. 

La première cargaison de fuel iranien devrait être acheminée au Liban via la Syrie
Le premier pétrolier chargé de fuel iranien à destination du Liban, commandé par le Hezbollah, sera acheminé à travers la Syrie afin d’éviter des sanctions contre le pays du Cèdre, selon deux sources informées citées par l’agence Reuters. « Le choix de recevoir le navire via la Syrie n’est pas lié à une crainte de frappes israéliennes ou américaines, mais à des considérations internes en rapport avec la volonté de ne pas vouloir impliquer des alliés », d’après l’une des sources, en référence aux alliés du parti chiite pro-iranien qui chercheraient à éviter des sanctions américaines suite à une telle action. La cargaison arriverait à un port syrien et serait ensuite transportée par camion au Liban, la première priorité étant de livrer du mazout aux hôpitaux pour produire de l’électricité, selon elles.
De son côté, le site spécialisé TankerTrackers.com a annoncé hier que le premier pétrolier transportant du carburant iranien « pour le réseau électrique » libanais « a été retardé », sans plus de précision. Il a toutefois ajouté qu’un deuxième navire avait déjà quitté l’Iran et que le troisième n’avait toujours pas pris le large a priori.Par ailleurs, la vice-directrice du bureau de presse de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), Candice Ardell, a précisé à l’Agence nationale d’information que cette force n’avait aucune prérogative concernant l’octroi d’une autorisation d’entrée des navires dans les eaux territoriales libanaises et n’avait donc pas une raison de s’impliquer dans la question de l’arrivée des pétroliers iraniens. Le rôle de la Finul est d’aider la marine libanaise dans des missions très limitées concernant notamment l’interdiction d’entrée d’armes illégales au Liban par voie maritime, a-t-elle précisé, ajoutant que les Casques bleus n’effectuaient pas eux-mêmes des inspections de navires. « Les autorités libanaises sont responsables des autorisations ou des non-autorisations d’entrée dans les eaux territoriales et du déchargement des cargaisons », a insisté Mme Ardell.
Pour l’axe pro-iranien, tous les chemins doivent désormais mener à la Méditerranée. Ayant pour objectif de sécuriser une continuité territoriale entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban, et d’en faire un ensemble géopolitique mais aussi économique, Téhéran et ses obligés ont besoin d’un accès à la mer chaude depuis le Liban et/ou la Syrie. C’est dans ce contexte qu’il...

commentaires (8)

Si le rossignol du perchoir est déjà vendu en avance sur ce projet Perse, Où est donc le Vieux et son Gendre de tout ça ? Où sont les Premiers Ministres depuis une décennie ?

Georges S.

13 h 28, le 05 septembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Si le rossignol du perchoir est déjà vendu en avance sur ce projet Perse, Où est donc le Vieux et son Gendre de tout ça ? Où sont les Premiers Ministres depuis une décennie ?

    Georges S.

    13 h 28, le 05 septembre 2021

  • Finalement, il en est ou leur bateau? Vraiment il est allé a Banias? Mon œil oui. On n'a pas beaucoup vu de photos le voyant passer par le canal de Suez... J’espère que les syriens ne vont pas nous faire le coup de nous renvoyer leurs camions-citernes de contrebande que nous leur avons nous-mêmes financés avec nos dépôts bancaires? Peut-être même avec des petit auto-collants iraniens sur les pare-brises pour faire semblant...

    Mago1

    04 h 04, le 05 septembre 2021

  • Toujours les meilleurs articles écrits par monsieur Rabih. Une vision plus fouillée et vraiment journalistique qui nous amène à réfléchir.il y’a toujours cette pointe de géopolitique qui le différencie . Merci encore.

    Darwiche Jihad

    23 h 39, le 04 septembre 2021

  • Quand est-ce que, dans notre histoire moderne, les routes entre l'Iran et le Liban étaient elles coupées ou barrées!? Au temps du chah, les relations étaient au beau fixe. Elles étaient aussi ouvertes que toutes autres routes avec d'autres pays du monde. Clamer qu'elles soient coupées n'est que pour fomenté la zizanie entre Libanais.

    Wlek Sanferlou

    16 h 36, le 04 septembre 2021

  • Que les officiers de l'armee libanaise gravés aux aumônes des uns et des autres continuent à ronfler paisiblement alors que les engagés la désertent. Zzzzzz...

    Christine KHALIL

    15 h 51, le 04 septembre 2021

  • LA ROUTE PERSANE QUI MENE A LA MÉDITERRANÉE? DEJA ANCREE A BANIAS. SOIT. DE LA A ASSOCIER A CE PROJET LE JURD DE JBEIL A LA SYRIE EST TROP GRAVE POUR LE PRENDRE A LA LEGERE. MAIS QUE DIS-JE LA ! QUI AVAIT DIT QUE N'ETAICE HEZB DAECH SERAIT ARRIVE A JOUNIEH EN PREPARAIT ALORS LE TERRAIN: KHAMENAI L'IRANIEN BIENTOT A JBEIL AUSSI. GRACE AU PRES. MARONITE FORT, A SON ACCORD DIVIN AVEC CE MEME KHAMENAI IRANIEN VIA SON HOMME LIBANAIS. TANTOT LA LANGUE PERSANE AU PROGRAMME DE NOS ECOLES-CATHOLIQUES, PROTESTANTES,ORTHODOXES ET LAIQUES.

    Gaby SIOUFI

    10 h 51, le 04 septembre 2021

  • LES VENDUS DE LA COMMUNAUTE CHIITE ( PAS LES HONNETES ) ONT VENDU LES ACCES DU PAYS SOUS LE CONTROLE DE LA TRINITE DU MAL BIEN CONNUE DES LIBANAIS ET MEME LE PAYS A L,IRAN. IL RESTE A VOIR LA REACTION DES FORCES CHRETIENNES, SUNNITES, DRUZES ET AUTRES JUSQU,OU ELLE IRAIT. CHASSERAIT-ON BE;ZEBUTH LE BARBU ET SES LIEUTENANTS LES DEUX BELIERS DE L,APOCALYPSE ET LEURS MAITRES MAITRES PERSES COMME ON A CHASSE ARAFAT ET SES MAINTS MAITRES POURVOYEURS ET FINANCIERS ET LIBERERAIT-ON LE PAYS MEME S,IL LE FAUT AVEC UNE ENEVITABLE GUERRE CIVILE DONT ON LE MENACE CONTINUELLEMENT ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 49, le 04 septembre 2021

  • "« Nous contrôlons plusieurs couloirs-clés entre la Syrie et le Liban », reconnaît le cadre du parti précité. Le Hezbollah y fait circuler combattants, fournitures militaires, produits et médicaments.". Et où est l'atmée libanaise? Quand l'Etat parle de lutter contre la ontrebande, c'rest un mensonge pur et simple ... qui s'ailleurs, ne trompe personne!

    Yves Prevost

    07 h 15, le 04 septembre 2021

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