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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Pourquoi Mahmoud Abbas a reçu le ministre israélien de la Défense

Le président de l’Autorité palestinienne a rencontré dimanche à Ramallah Benny Gantz, afin notamment de discuter des mécanismes de coopération sécuritaire.


Pourquoi Mahmoud Abbas a reçu le ministre israélien de la Défense

À gauche, l’ancien chef d’état-major Benny Gantz, aujourd’hui ministre de la Défense du gouvernement mené par Naftali Bennett. À droite, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ici en visite en Tunisie. Photos AFP

Aucune image n’aura filtré de cette rencontre. Dimanche dernier, le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, recevait à Ramallah le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz. Une rencontre rare, puisque cela faisait depuis 2014 qu’un ministre israélien ne s’était pas ouvertement entretenu avec le président palestinien. À l’époque, la ministre de la Justice Tzipi Livni, en charge des négociations avec les Palestiniens, avait contacté le chef de l’AP. Mais la séquence avait eu lieu à Londres, et contre l’avis du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Sept ans plus tard, le chef du gouvernement a certes validé la rencontre en amont. Mais la communication se fait toujours a minima autour d’une entrevue qu’aucune des deux parties n’a intérêt à éventer. Dès lundi matin, les autorités israéliennes s’empressent de clarifier, via une « source proche du Premier ministre », que la rencontre de la veille avait porté sur « des affaires courantes » de « défense » avec l’AP – rejetant d’emblée toute rumeur concernant une possible reprise du processus diplomatique.

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Côté israélien, le choix de la personne mandatée, en l’occurrence le ministre de la Défense, pouvait d’emblée éclairer quant au sens à donner à l’entrevue. Le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, et son ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, également Premier ministre alternant, se répartissent d’ordinaire la gestion des dossiers extérieurs. Mais cette fois, « Bennett et Lapid ont tous deux intérêt à se distancier des Palestiniens pour des raisons politiques internes – en particulier le premier, qui cherche à éviter tout ce qui pourrait être interprété comme un geste politique à l’intention des Palestiniens », estime Khaled Elgindy, directeur du programme Israël/Palestine au Middle East Institute à Washington. En tant que « ministre de la Défense, et de “gouverneur” de facto de la Cisjordanie, Gantz est donc l’option logique qui s’est imposée », avance-t-il.

Mais alors que l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu s’était abstenu de telles initiatives, l’opération dénote un changement de la part du nouveau gouvernement pour qui « le désir de sanctionner et de punir l’AP pèse moins lourd que le besoin d’empêcher son propre effondrement », estime M. Elgindy. La prise de fonctions à la mi-juin de ce « gouvernement du changement » mettait fin aux 12 années de règne de Benjamin Netanyahu. Mais la coalition au pouvoir, qui rassemble un vaste melting-pot de partis allant de l’extrême droite à la gauche, peine depuis à imposer une majorité du fait des divergences idéologiques. En arrangeant une discrète rencontre avec le chef de l’AP, le nouvel exécutif pourrait ainsi chercher à renforcer la coopération sécuritaire afin de prévenir de futures violences en Cisjordanie (à l’instar des événements de mai dernier), tout en anticipant des critiques à droite pouvant désapprouver la politique de la main tendue avec les Palestiniens.

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« Gagner du temps »

La séquence s’explique donc en premier lieu par l’intérêt réciproque des deux parties : «L’AP a besoin d’Israël afin de survivre, tandis qu’Israël compte sur la coordination avec l’AP pour sa propre sécurité », observe Khaled Elgindy. Confronté à une profonde crise économique et à la baisse des financements extérieurs, le président Abbas est en effet avant tout financièrement dépendant des Israéliens.

Le pari est pourtant particulièrement risqué pour Ramallah, qui s’était engagé en 2018 à boycotter tout dialogue avec le leadership israélien suite à la décision du président Donald Trump de déménager l’ambassade américaine à Jérusalem. Les réactions de la population, de l’opposition, du Hamas, du Jihad islamique et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ne se sont pas fait attendre. Et au sein du Fateh, des critiques émanent d’anciens cadres hauts placés. « Même Mohammad Dahlan, un ancien chef de la sécurité qui a pourtant coopéré assez étroitement avec les Israéliens, a attaqué M. Abbas sur ce sujet », remarque M. Elgindy. Pour ce dernier, la rencontre pourrait également apporter de l’eau au moulin de certaines figures fortes, rivales de M. Abbas, telles que Nasser Qidoua ou Marwan Barghouti qui demeure l’un des candidats favoris pour une succession à la présidence malgré le fait qu’il soit incarcéré dans une prison israélienne.

Pour Nour Odeh, membre de l’opposition et cofondatrice de l’Assemblée démocratique nationale, la séquence ne représente qu’une confirmation de l’incurie du pouvoir en place : « Une illustration de l’effondrement complet qui est en train d’avoir lieu dans l’espace politique palestinien et de l’incapacité de l’AP à prendre position, compte tenu de sa propre fragilité. »

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Car le timing de cette affaire tombe particulièrement mal pour Ramallah. La rencontre a eu en effet lieu quatre mois seulement après le report sine die des élections nationales initialement prévues en mai – les premières en quinze ans. L’annulation avait alors été perçue par beaucoup de Palestiniens comme une grossièreté émanant de la présidence, qui aurait cherché à éviter une débâcle dans les urnes en prétextant du refus par Israël d’inclure Jérusalem-Est.

Quelques semaines plus tard, des manifestations d’une ampleur inédite ont secoué les villes de Cisjordanie, dans le sillage des violences policières de Jérusalem et de la campagne militaire contre Gaza. Fin juin, un évènement a remis le feu aux poudres : Nizar Banat, un opposant connu pour ses prises de position critiques contre l’AP, meurt à Hébron des suites de ses blessures après avoir été arrêté et battu par les forces de sécurité palestiniennes.

Même si elle parvenait à négocier de nouveaux financements, un prêt, la récupération d’une partie des taxes confisquées par Israël, ou d’autres bénéfices annexes comme la réunification familiale, l’AP ne pourrait dans ces conditions prétendre qu’à quelques mesures palliatives : une manière « de gagner du temps qui n’affectera pas fondamentalement la crise interne, qui est profondément enracinée », conclut Nour Odeh.

Aucune image n’aura filtré de cette rencontre. Dimanche dernier, le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, recevait à Ramallah le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz. Une rencontre rare, puisque cela faisait depuis 2014 qu’un ministre israélien ne s’était pas ouvertement entretenu avec le président palestinien. À l’époque, la ministre de la...

commentaires (1)

Par rapport au titre "pq Abbas a reçu ..." on pourrait répondre " et pourquoi pas"?? Ils ont fait la paix et les rencontres devraient être normales. C'est le Hamas qui guerroie et non l'autorité palestinienne.

LE FRANCOPHONE

00 h 03, le 02 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • Par rapport au titre "pq Abbas a reçu ..." on pourrait répondre " et pourquoi pas"?? Ils ont fait la paix et les rencontres devraient être normales. C'est le Hamas qui guerroie et non l'autorité palestinienne.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 03, le 02 septembre 2021

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