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Nos Lecteurs ont la Parole

Le principe de subsidiarité, une dernière chance pour les Libanais

Face à l’effondrement du pays, de l’État et de toutes les institutions publiques, et même privées, est-il raisonnable d’attendre encore un hypothétique redressement de notre économie ? La décomposition est telle qu’aucun changement local, régional ou international ne pourrait se produire dans les délais nécessaires pour sauver la population du pire.

Non seulement les alliés traditionnels du Liban ne feront rien pour le sortir du marasme politique, mais aussi il est clair qu’il n’y aura jamais d’aide financière quelconque. Peut-on pour autant désespérer et s’abandonner au désastre humanitaire ? Il y a toujours des solutions qui ont fait leurs preuves tout au long de l’histoire à travers les sociétés et les continents. Et il s’agit des possibilités les plus simples, basiques et tellement évidentes qu’on ne les soupçonne pas.

Dans son homélie du 18 avril 2021, le patriarche maronite Béchara Boutros Raï exhortait à partir de Bkerké « les fédérations des municipalités, les associations et les partis à unir leurs efforts et à resserrer les rangs pour assurer la reprise économique afin d’aider tous les Libanais à éviter l’effondrement de leur pays. » Là où l’État central a échoué, il est impératif de laisser les autorités locales administrer et répondre à l’urgence des besoins immédiats et quotidiens.

Cette constatation, si évidente soit-elle, est pourtant loin d’être appliquée au Liban où tout, jusqu’aux détails les plus insignifiants, se doit de passer par le pouvoir central.

La gestion directe de la société et de ses affaires basiques peut se faire de la manière la plus naturelle et efficace par la municipalité lorsque celle-ci jouit des prérogatives nécessaires. Et là où cette entité constate son manque de moyens, elle est en mesure de remonter à l’instance supérieure qui est la fédération des municipalités de la région ou caza. Cette solution de sauvetage préconisée par le patriarche est apparue pour certains comme une improvisation dans l’urgence. Et pourtant, il s’agit là de la directive la plus constante de la Doctrine sociale de l’Église qui établit sa « philosophie sociale » sur ce principe dit de subsidiarité. Il fut explicitement formulé en 1931 dans l’encyclique Quadragesimo Anno sous le pape Pie XI.

Selon ce concept de subsidiarité, la société se construit et se gère toujours du bas vers le haut. Partant du principe fondamental de dignité de la personne humaine, cela commence par l’individu doté de la liberté et des droits inaliénables. Les fonctions qu’il ne peut accomplir seul se réalisent au niveau de la famille qui est la cellule sur laquelle se construit la société. De même que l’autorité municipale ne peut intervenir dans les affaires de la famille, l’échelon supérieur (fédération des municipalités) ne peut intervenir dans celles de la commune. Ce système protège de manière absolue toute entité des abus pouvant provenir d’une hiérarchie qui la dépasse.

La Doctrine sociale de l’Église stipule qu’il n’appartient à aucun moment à une autorité supérieure de s’immiscer dans la sphère d’une collectivité médiane ou inférieure, ou de limiter son action. Elle considère de tels agissements comme étant injustes et de nature à « troubler d’une manière dommageable l’ordre social ». Car toute personne, famille ou entité sociale se caractérise par une originalité qu’elle est seule capable d’offrir pour enrichir la communauté. La limitation de ces capacités est assimilable à un crime. Une telle gravité va bien au-delà de celle, déjà éprouvée, de l’hypertrophie des appareils publics noyés dans la mentalité de l’assistanat et de la bureaucratisation excessive. Cette dernière, tout le monde le sait déjà, ouvre la voie à toute forme de dérives et de gaspillage, pour ne pas parler de corruption.

La classe politique, dotée d’une virtuosité dans le domaine des interprétations et des contextualisations, est parfois portée à limiter les prérogatives des collectivités inférieures ou médianes sous prétexte de situations anormales ou provisoires. Anticipant ces détournements, la Doctrine sociale de l’Église met en garde contre toute tentative de « négation de la subsidiarité ou sa limitation au nom d’une prétendue démocratisation ou égalité de tous dans la société ». L’égalité entre les communautés ne peut, d’aucune manière, supprimer ou limiter les initiatives et les spécificités des différentes composantes.

L’articulation pluraliste de la société est à préserver à tous les niveaux comme garante de ses forces vitales. La reconnaissance des réalités territoriales et culturelles permet de promouvoir la dignité de la personne. Or ce pluralisme ne peut trouver son épanouissement en dehors du principe de subsidiarité qui est au cœur de l’enseignement de l’Église, et qui se trouve à la source du concept politique du fédéralisme. Ainsi le projet pour une « République fédérale libanaise » de Iyad Boustany se construit entièrement autour de cette valeur inaliénable. Celle-ci s’oppose aussi fondamentalement à l’idée de décentralisation administrative « poussée ou élargie » qui est, par essence décidée, appliquée et administrée au sommet de l’État.

Le pouvoir central ne peut en aucun cas mettre en place les structures des unités régionales puisque la construction doit se faire du bas vers le haut. Ce sont les régions autonomes qui dressent les sphères supérieures et ce, jusqu’à l’État fédéral. Ce dernier ne peut, dès lors, intervenir dans les affaires des rangs inférieurs que dans un cadre de pure suppléance limitée dans les prérogatives et dans le temps. Cette fonction ne doit jamais perdre de vue son caractère d’exception.

Les structures étatiques s’édifient à partir de l’homme et pour l’homme comme valeur absolue. Les lois sont édictées non pas en vue de sa soumission, mais pour son épanouissement individuel et en tant que membre d’un groupe. C’est toute la communauté politique qui doit se placer au service de la société sans laquelle elle ne peut avoir de raison d’être. Car en fin de compte, c’est bien l’homme « conçu comme être autonome, relationnel, ouvert à la Transcendance », qui demeure le point focal de la Doctrine sociale de l’Église. Or cette vision s’oppose en profondeur à certaines formes de gouvernances centralisées et inadéquates qui s’emploient à effacer le groupe social et culturel pour le soumettre à ses propres exigences et aux besoins de son administration bureaucratique. C’est ce que le modèle libanais n’a eu de cesse de faire de manière agressive et autodestructice depuis le tout début des années 1990. Il s’est placé comme antagoniste et rival du citoyen. Il a anéanti l’originalité et l’initiative privée, qui excellaient partout où l’État n’était pas présent. Aujourd’hui, le respect du principe de subsidiarité ne semble plus être un choix ni un luxe, il s’impose comme unique issue possible, capable de nous sauver du pire.

Dr Amine Jules ISKANDAR

Union syriaque maronite – Tur Levnon

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Face à l’effondrement du pays, de l’État et de toutes les institutions publiques, et même privées, est-il raisonnable d’attendre encore un hypothétique redressement de notre économie ? La décomposition est telle qu’aucun changement local, régional ou international ne pourrait se produire dans les délais nécessaires pour sauver la population du pire. Non seulement les alliés...

commentaires (1)

le patriarche Rai et d'autres comme continuent a faire confiance et "exhorter" ces memes escrocs qui ont mene a notre ruine, mafieux de toutes sortes qui ont grignote sur les fondations de notre nation. vous diriez bon ben a qui peut ils s'adresser alors ? ben justement, s'il tient a le faire a ces memes personnes, instances, preseidences et responsables -sans oublier les mafieux du prive- IL DOIT LEUR RETIRE SA CONFIANCE, exiger /accepter leur demission volontaire et/ou forcee. VOILA DORENAVANT LEUR SEULE MISSION A RAI ,AUDI ET LES AUTRES. CONTINUER A DEFENDRE LEURS POSITIONS C'EST S'ASSOCIER A LEURS CRIMES PAR "RICOCHET". LES MARONITES N'ONT PLUS BESOIN DE LA PRESIDENCE POUR VIVRE AU LIBAN.NI AUCUNE AUTRE CONFESSION D'AILLEURS BESOIN DE QQ POSITION QU'ELLE SOIT.

Gaby SIOUFI

10 h 23, le 30 août 2021

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Commentaires (1)

  • le patriarche Rai et d'autres comme continuent a faire confiance et "exhorter" ces memes escrocs qui ont mene a notre ruine, mafieux de toutes sortes qui ont grignote sur les fondations de notre nation. vous diriez bon ben a qui peut ils s'adresser alors ? ben justement, s'il tient a le faire a ces memes personnes, instances, preseidences et responsables -sans oublier les mafieux du prive- IL DOIT LEUR RETIRE SA CONFIANCE, exiger /accepter leur demission volontaire et/ou forcee. VOILA DORENAVANT LEUR SEULE MISSION A RAI ,AUDI ET LES AUTRES. CONTINUER A DEFENDRE LEURS POSITIONS C'EST S'ASSOCIER A LEURS CRIMES PAR "RICOCHET". LES MARONITES N'ONT PLUS BESOIN DE LA PRESIDENCE POUR VIVRE AU LIBAN.NI AUCUNE AUTRE CONFESSION D'AILLEURS BESOIN DE QQ POSITION QU'ELLE SOIT.

    Gaby SIOUFI

    10 h 23, le 30 août 2021

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