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Économie - Crise du carburant

L’inaction des pouvoirs publics aggrave l’asphyxie

Les distributeurs alertent sur l’explosivité de la situation actuelle générée par le flou que laisse encore planer l’État sur le calendrier de la levée des subventions sur les importations.

L’inaction des pouvoirs publics aggrave l’asphyxie

Une station Coral prise d’assaut hier dans le Kesrouan. Photo PH.B.

La crise du carburant que le pays connaît depuis plusieurs mois continue de jour en jour d’asphyxier des Libanais qui attendent encore de savoir quel sera l’impact réel de la levée des subventions dont bénéficient les importateurs d’essence, de mazout (consommé par les générateurs privés) et de gaz domestique sur leur quotidien déjà bouleversé. Mis en place depuis octobre 2019 et amendés depuis, ces mécanismes permettent officiellement de limiter la hausse des prix en livres de ces produits, qui sont plafonnés par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, lequel n’a pas modifié les prix hier comme il a l’habitude de le faire chaque mercredi. L’incertitude qui entoure la levée prochaine des subventions a conduit de nombreux véhicules à se ruer chez les distributeurs.

Hier encore, la circulation a été rendue difficile voire impossible sur plusieurs axes principaux et secondaires de la capitale par des nombres toujours plus importants de véhicules aux abords des stations-service ouvertes. Ces dernières étaient d’ailleurs de plus en plus nombreuses à rationner la quantité d’essence distribuée par véhicule, en invoquant la baisse des stocks disponibles, obligeant les automobilistes à s’approvisionner auprès de plusieurs points de vente.

Les conditions d’approvisionnement en carburant sont encore plus dramatiques dans la Békaa qu’au Mont-Liban, selon notre correspondante sur place Sarah Abdallah. Celle-ci affirme que la quasi-totalité des stations-service de cette partie du pays sont fermées et que les automobilistes ne peuvent trouver de l’essence qu’au marché noir, alors que 70 % du carburant destiné à la région serait détourné vers la Syrie, à en croire les propos d’un propriétaire de station. Notre correspondante a ajouté que plus au sud, au niveau de Hasbaya, certaines stations-service ne servaient que les habitants de cette région. Sur Instagram, une internaute s’est pour sa part indignée qu’une station-service du groupe Sakr ait réservé une file d’attente pour les membres des Forces libanaises, entre autres informations plus ou moins fiables concernant des personnes affiliées aux partis politiques.

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Dans les médias, les représentants de la filière n’ont cessé d’alerter sur l’assèchement des stocks d’essence, à l’image du représentant des distributeurs de carburant, Fadi Abou Chacra, qui a indiqué qu’aucun nouvel accord n’avait été conclu entre la Banque du Liban et le ministère de l’Énergie concernant les modalités d’importations du carburant. Membre du syndicat des propriétaires de stations-service, Georges Brax a, lui, indiqué à l’Agence nationale d’information (ANI) « espérer » qu’une solution soit trouvée pour décharger une cargaison d’essence transportée par un navire-citerne stationné au large des côtes libanaises.

Contacté par L’Orient-Le Jour, Maroun Chammas, qui dirige le groupe Medco, a alerté contre le risque que fait peser la situation actuelle. « Nous travaillons avec des combustibles qui sont inflammables et nous sommes en plein chaos. C’est insupportable et j’ai très peur que ma société soit confrontée à un problème sur une station ou avec un camion-citerne », a-t-il déclaré alors que plusieurs incidents ont effectivement eu lieu ces derniers jours. « Les responsables doivent se réunir et prendre une décision ferme soit de lever les subventions, soit de trouver une autre voie. Mais le flou actuel est en train de mettre tout le monde en danger », a-t-il martelé. Un avertissement que Georges Brax a également relayé via l’ANI.

Nouvelle livraison de mazout

Côté mazout, la situation n’était pas beaucoup plus claire hier sur le terrain. Certains propriétaires de générateurs – qui fournissent de l’électricité pendant les heures de coupures du fournisseur d’État – ont rétabli le courant qu’ils avaient coupé pendant plusieurs jours à leurs abonnés, alors que d’autres ont augmenté le rationnement. Et cela alors qu’Électricité du Liban (EDL) a légèrement augmenté sa distribution de courant ces deux derniers jours dans certaines régions, selon plusieurs témoignages d’abonnés du Mont-Liban.

Coïncidence troublante : c’est généralement lorsque le ministère de l’Énergie n’augmente pas les prix que certains propriétaires de générateurs augmentent le rationnement à leurs abonnés – ou leur coupent tout bonnement et simplement le courant – en prétextant ne pas pouvoir trouver de mazout. Dans une localité côtière, des résidents ont par exemple constaté que les propriétaires de générateurs avaient calqué leurs horaires de rationnement les uns sur les autres… à l’exception de l’un d’entre eux qui habite sur place qui coupe beaucoup moins le courant que ses confrères.

Là aussi, le rationnement est beaucoup plus dur dans certaines régions dont la Békaa. Selon Sarah Abdallah, Électricité de Zahlé, la société qui s’est substituée aux propriétaires de générateurs dans la capitale de la Békaa et les localités environnantes, a dû effectivement augmenter les heures de coupures pour économiser son carburant, en attendant d’être sûre de pouvoir s’en fournir suffisamment. Dans le Hermel (nord de la Békaa), cela fait un mois que les habitants n’auraient pas été alimentés par l’État en électricité. Seule bonne nouvelle : après l’accord donné à deux navires transportant un total de « 80 millions de litres » de mazout mardi, la BDL a donné son feu vert au déchargement d’un autre navire de « 35 000 tonnes » (une quantité équivalente à environ 40 millions de litres selon nos calculs). Selon une source proche du dossier, les trois navires concernés sont respectivement affrétés par les importateurs Coral, Uniterminal (mardi) et Total (hier). Ces quantités s’ajoutent aux 4,4 millions de litres d’essence et aux 2,2 millions de litres de mazout saisis et redistribués par l’armée qui a multiplié les descentes chez des distributeurs stockant du carburant en cachette, soit pour le revendre au Liban après la levée des subventions, soit pour l’écouler en Syrie. C’est d’ailleurs l’explosion d’un stock dissimulé de combustible qui est à l’origine du drame qui a secoué dimanche le Akkar et a coûté la vie à une trentaine de personnes.

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Abdo Saadé, président du rassemblement des propriétaires de générateurs privés, avait indiqué à L’Orient-Le Jour, il y a quelques semaines, que les propriétaires de générateurs, qui détiennent près de 7 000 groupes électrogènes répartis sur tout le territoire, auraient besoin d’environ 5 millions de litres de mazout par jour pour fournir entre 20 et 22 heures de courant par jour, estimant la demande totale du marché entre 12 et 15 millions de litres par jour. Des chiffres qui n’ont pas été confirmés par une autre source.

L’annonce de la levée des subventions sur les importations de carburant a été faite la semaine dernière par le gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Samedi, la BDL et le ministère de l’Énergie se sont entendus pour garantir que les sociétés importatrices de carburant vendent au prix officiel les stocks déjà importés via le mécanisme de subvention de la banque centrale qui leur permet d’échanger leurs livres contre des dollars délivrés par cette dernière à un taux de 3 900 livres pour un dollar pour régler 100 % des montants de leurs commandes. Une mesure qui doit permettre de préparer la levée complète des subventions sur les carburants, ce que les autorités ne veulent pas prendre le risque de faire avant d’avoir mis en place son substitut, la carte d’approvisionnement qu’ils espèrent activer dans les jours à venir. Cette levée obligerait les importateurs à calculer leurs prix en fonction du taux dollar/livre sur le marché parallèle, ce qui conduira à multiplier le prix par un facteur de 4 ou 5.

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Si la levée des subventions est une mesure économique, le contexte dans lequel cette décision a été prise est, lui, clairement politique, comme l’a démontré le fil des événements depuis que le gouverneur de la BDL a annoncé qu’il ne pourrait plus les financer, en raison de la baisse des réserves de devises qu’il ponctionnait pour le faire. Selon une source citée par l’agence al-Markaziya hier, le conseil central de la BDL est déterminé à ne pas revenir sur cette décision. La source, qui affirme avoir participé à la réunion du conseil central, a ajouté que le Parlement, qui a prévu de se réunir demain pour aborder la question, pourra toujours décider de voter une loi pour changer cette donne en couvrant la BDL.

Enfin, EDL a déploré dans un communiqué le fait qu’un incendie se soit déclaré mardi soir dans la sous-station de Horch (Beyrouth) et affirmé être en train dévaluer l’ampleur des dégâts – le feu ayant été maîtrisé. Le fournisseur public s’était récemment plaint que des personnes étrangères à l’institution avaient pris le contrôle de 8 sous-stations, provoquant l’instabilité sur le réseau et des black-out subséquents.

La crise du carburant que le pays connaît depuis plusieurs mois continue de jour en jour d’asphyxier des Libanais qui attendent encore de savoir quel sera l’impact réel de la levée des subventions dont bénéficient les importateurs d’essence, de mazout (consommé par les générateurs privés) et de gaz domestique sur leur quotidien déjà bouleversé. Mis en place depuis octobre 2019...

commentaires (1)

Sakr ait réservé une file d’attente pour les membres des Forces libanaises, entre autres informations plus ou moins fiables concernant des personnes affiliées aux partis politiques Entre autres informations … plus ou moins fiable ?!?!?! Soit elle est fiable …. Soit elle ne l’est pas dans ça dernier cas on ne l’écrit pas !!

Bery tus

06 h 09, le 19 août 2021

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Commentaires (1)

  • Sakr ait réservé une file d’attente pour les membres des Forces libanaises, entre autres informations plus ou moins fiables concernant des personnes affiliées aux partis politiques Entre autres informations … plus ou moins fiable ?!?!?! Soit elle est fiable …. Soit elle ne l’est pas dans ça dernier cas on ne l’écrit pas !!

    Bery tus

    06 h 09, le 19 août 2021

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