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Nos Lecteurs ont la Parole

Le patriarche maronite hier et aujourd’hui

Il n’est nullement surprenant que Bkerké agisse selon ses convictions pour le bien du Liban sans nullement se soucier des réactions provoquées par des parties de mauvaise foi. Bkerké en a déjà vu de doutes les couleurs. Des Mamelouks aux Ottomans, le patriarcat maronite a appris à regarder bien au-delà de la vanité de ses adversaires, de leurs armées et de leurs empires éphémères. Ce patriarcat a toujours vu bien plus grand. De Kfar-Hay à Ilige et de Qannoubine à son siège actuel, il a façonné le Liban au cours des siècles avec la patience de la goutte d’eau calcaire des stalagmites. Le Liban fut construit sur des fondations millénaires et élevé dans son ouverture sur le monde.

Dès 685-704, c’est le premier patriarche des syriaques maronites, saint Jean Maron, qui fonda son Église et le Liban de concert dans la complémentarité, et au sein d’un jumelage empreint de sacralité. En 1215, Jérémie de Amchit (patriarche de 1199 à 1230) se rendait déjà à Rome pour le IVe concile de Latran tenu par le pape Innocent III. Il y affirma le caractère et la destinée du Liban toujours ouvert sur l’Europe et le monde.

Lorsqu’aux XVIe-XVIIe siècles, Fakhreddine II voulu consolider le Liban comme une nation, une principauté indépendante et modernisée, il dut s’appuyer sur l’Église maronite et sur son patriarcat. La construction de ce Liban s’est faite à travers le Collège maronite de Rome fondé en 1584. Le Liban réaffirma ainsi son ouverture sur l’Occident grâce aux élèves de ce collège qui jouèrent un rôle prépondérant : Isaac Sciadrensis fut ambassadeur de Fakhreddine II en France. Victorius Scialach Accurensis (de Aqoura) fut son ambassadeur au Vatican. Don Giorgio Maronio fut aussi son ambassadeur à Rome. Enfin, un autre de ses élèves, le patriarche Georges II Omeira (1633-1644), auteur de la grammaire syriaque, composa un livre d’architecture sur la fortification des villes à la demande de ce prince.

Vers la fin du XVIIe siècle, le patriarche Estéphanos Douayhi compléta l’œuvre de saint Jean Maron en fixant le Liban dans l’histoire. Car une nation n’existe pas tant qu’elle n’a pas écrit son histoire et ses arts. Cette montagne devint un « dogme » lorsque Estéphanos Douayhi écrivit : « Lévnon itaw qyomo morunoyo » (« Le Liban est un dogme maronite »).

Le Mont-Liban devint un phare de la culture lorsqu’un professeur du Collège maronite de Rome, Simon Assemani, y tint un concile en 1736 à Louaïzé, sous le patriarcat de Mar Joseph V (Khazen). Ce concile ordonna la scolarisation obligatoire pour tous les enfants, filles et garçons. Les écoles des monastères enseignaient alors 6 langues étrangères en plus du syriaque. Plusieurs autres conciles, dont ceux de 1744 et de 1755 sous le patriarcat de Mar Chémoun Boutros Aouad, ainsi que le concile de 1756 sous Mar Tobia Boutros Khazen, vinrent réaffirmer ces clauses relatives à la vocation culturelle du Liban.

Du XVIe au XIXe siècle, les missions européennes se multiplièrent dans toutes les éparchies maronites. Les franciscains œuvraient déjà, dès le XVe siècle, avec l’un des leurs, l’évêque maronite Gabriel Barcleius. À cette époque, un patriarche, Siméon VI de Hadath, fut représenté au concile de Latran de 1516. Les carmes aussi arrivèrent au Mont-Liban en 1635 durant le patriarcat de Georges II Omeira. Et bientôt, les jésuites, en 1656, avec le patriarche Georges III de Bsebeél. Au XIXe siècle, leurs écoles se multiplièrent avec celles des lazaristes, puis des maristes, des capucins et d’autres encore. Ils firent de Beyrouth une université et une cité ouverte capable de s’engager pleinement dans les défis du XXe siècle.

En 1920, Mar Élias Boutros Hoayek obtint à Versailles la formation du Grand Liban pour tous les Libanais de toute origine. Et en 1943, le patriarche Antonios Petros Arida joua un rôle prépondérant dans l’accession de ce pays à l’indépendance. Il s’opposa de même à Béchara el-Khoury qui compromit cette indépendance en s’aventurant dans une nouvelle identité non inclusive.

Le rôle de Bkerké comme gardienne de la nation ne s’interrompit à aucun moment. En 1969, le patriarche Mar Boulos Boutros Méouchi avertissait du danger mortel de l’accord du Caire qu’il refusa et combattit, tenant toujours à la souveraineté du Liban comme un dogme. Avant même son élection au siège patriarcal, Mar Antonios Petros Khreiche, qui installa Caritas au Sud-Liban, œuvrait pour les relations islamo-chrétiennes. Et en 1983, il fit tout son possible afin d’éviter la guerre fratricide dans le Chouf.

Son successeur, Mar Nasrallah Boutros Sfeir, sera connu comme le patriarche de la seconde indépendance. Il fut l’unique figure à pouvoir faire face à l’occupation syrienne que personne n’osait plus dénoncer. Il sera suivi dans son dévouement pour l’indépendance, la souveraineté et l’identité réelle et noble du Liban par Mar Béchara Boutros Raï. Encore une fois, Bkerké se révèle être à la hauteur de sa vocation de fondatrice et de gardienne du Liban, de son identité ouverte sur le monde, et de son message de démocratie, de liberté et de pluralisme.

Dans une région consumée par les totalitarismes et les fanatismes de tout genre, Bkerké demeure la lumière unique de la vérité et de l’espoir. Elle est la culture face à l’ignorance. Elle est l’amour christique face à l’intolérance haineuse. Elle est l’ouverture face à l’hostilité. Elle est la spiritualité face au fanatisme et la foi face à l’adoration. Elle est la religion face à l’idéologie. Elle est le Liban face à l’obscurantisme.

Tur Levnon

Union syriaque maronite

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Il n’est nullement surprenant que Bkerké agisse selon ses convictions pour le bien du Liban sans nullement se soucier des réactions provoquées par des parties de mauvaise foi. Bkerké en a déjà vu de doutes les couleurs. Des Mamelouks aux Ottomans, le patriarcat maronite a appris à regarder bien au-delà de la vanité de ses adversaires, de leurs armées et de leurs empires éphémères....

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