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Société - Explosion d'un réservoir de carburant

Aux hôpitaux Geitaoui et al-Salam, une même douleur, une même colère, un même désespoir

Un médecin lance un appel à l'aide aux autorités ; des proches des blessés de l'explosion de Tleil mettent en garde contre "des conséquences intenables".

Aux hôpitaux Geitaoui et al-Salam, une même douleur, une même colère, un même désespoir

A l’hôpital de Geitaoui, à Beyrouth, un soldat se tient près d’un homme blessé lors de l’explosion d’une citerne d’essence à Tleil, dans le Akkar, dans la nuit du 14 au 15 août.REUTERS/Emile Madi

Une même douleur emplissait les urgences de l'hôpital al-Salam, à Tripoli, et de l'hôpital Geitaoui, à Beyrouth, ce dimanche. La douleur, extrême, des grands brûlés de l'explosion d'une citerne d'essence, dans la nuit de samedi à dimanche, à Tleil, village du Akkar. La douleur, aussi, de leurs proches, contraints à une attente insupportable.

A l’hôpital al-Salam, où une grande partie des dizaines de blessés de Tleil ont été transférés, les familles se pressent dans les urgences. Une mère de famille d’une soixantaine d’années est assise à même le sol. Son fils, Houssam el-Dine Ahmad, fait partie des militaires blessés par l'explosion d'une citerne d'essence au tour de laquelle s'étaient massés des habitants de la région pour tenter de s'approvisionner. Quelques heures plus tôt, l'armée avait perquisitionné le site, dont il semblerait qu'il soit dédié à la contrebande, et confisqué une partie de l'essence, l'autre devant être distribuée à la population, dans un Liban en butte à une grave pénurie de carburants.

"Qu’a-t-on fait au bon Dieu pour mériter tout cela ?", sanglote la femme, qui se relève à chaque fois que passe un médecin pour tenter d'avoir des nouvelles de son fils.

Abdo al-Hassan lui, est incapable de parler. Il a perdu son frère lors de l’explosion. C'est son voisin, qui l'a accompagné à l'hôpital, qui explique ce qui s'est passé. Une histoire que de nombreux témoins avancent, alors que l'on attend toujours une explication officielle des causes du drame. « Samedi à minuit, l’armée a réquisitionné de grandes quantités de carburant stocké dans les citernes sur ce terrain. Elle avait l’intention de les distribuer aux habitants. Les militaires en ont prélevé une partie dans un camion-citerne. Sauf que le fils de Georges Ibrahim Rachid est arrivé sur place, en colère. Il a alors tiré en direction du camion-citerne », raconte cet homme à notre correspondant sur place, Souhayb Jawhar. Dimanche, l'armée a arrêté Georges Rachid et son fils.

"La tension est forte au Akkar, et nous avons peur des réactions qui pourraient en découler", indique pour sa part la sœur de Mahmoud Mari, un des blessés.

Présent sur place pour soutenir les familles touchées par le drame, le militant Bilal Hussein dénonce lui l’implication de certains députés de la région dans la contrebande de carburant. "Les politiciens se partagent le gâteau et quand il y a une catastrophe qui se produit, ils s’accusent mutuellement et essaient de tirer profit de la situation", ajoute-t-il. Il n'aura, de fait, fallu que quelques heures pour que la tragédie de samedi soir ne serve de prétexte au Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et au Courant du Futur (dirigé par l'ex-Premier ministre Saad Hariri) pour relancer leur polémique et leurs échanges d'accusations.

Un "vrai massacre"
Outre l'hôpital al-Salam, plusieurs blessés de Tleil ont été transférés à Beyrouth, à l'hôpital Geitaoui, connu pour son expertise dans le traitement des grands brûlés.
"Trois des personnes admises se trouvent dans un état très grave, et cinq autres dans un état critique", confiait, dimanche matin, le Dr Pierre Yared à Abby Sewell, journaliste à L'Orient Today, notre publication anglophone. "Notre département de traitement des brûlés était déjà complet, avec neuf patients admis, mais nous avons pu agrandir ce service avec l'aide de médecins et d'infirmiers", expliquait-il. Selon des informations de L'Orient Today, douze autres patients devaient encore arriver dans l'après-midi.

Un peu plus loin, Marwa el-Cheikh, sœur de l'une des personnes blessées par l'explosion et traitée à Geitaoui, confiait sa colère à notre journaliste. "Nous venons directement de Tleil. Hier, l'armée a saisi environ 60.000 litres d'essence stockés illégalement dans notre village, à l'issue d'une série de perquisitions. Ce stock appartenait à une personne nommée Georges Rachid. Ce dernier affirmait qu'il utilisait cet essence pour son business, mais son travail nécessite du mazout et non de l'essence, qu'on ne nous prenne pas pour des idiots !", s'emportait cette femme. "L'armée a confisqué ces carburants samedi après-midi. On a ensuite appris que la troupe distribuait l'essence gratuitement à la population. A quoi faut-il s'attendre dans une région pauvre où les gens font la queue pour le pain, pour le gaz, pour tout ? Il y avait donc un monde fou, des centaines de gens se sont massés sur place pour avoir de l'essence", racontait-elle. "Vers 1h30 du matin, nous avons appris qu'il y avait eu une explosion sur place. Un vrai massacre. Après la catastrophe du 4 août (l'explosion de 2020 au port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts), on se demande ce que l'on nous prépare encore...", lâchait Marwa, angoissée. "Il y a encore des personnes portées disparues, notamment mon beau-frère. D'autres sont méconnaissables en raison de leurs blessures. Heureusement, mon frère Ismaïl n'est pas grièvement blessé. Mais je pense à ceux qui ont plus souffert. Je souhaite que chacun de ceux qui sont responsables de notre misère souffre comme nous souffrons", criait-elle.

"Le pays va imploser"

Jaafar, un soldat du Akkar, est lui aussi venu au chevet de son frère, alors que son beau-frère est encore porté disparu. Tous trois sont militaires. "Je rentrais tout juste de mon service lorsque l'explosion a eu lieu. Mon frère a été blessé, et mon beau-frère est toujours porté disparu. Si la situation reste ainsi, les choses vont dégénérer. Le pays va imploser, et les conséquences seront intenables", mettait-il en garde dimanche matin.

Sur place, le père d'un autre soldat blessé dans l'explosion est venu à son chevet. "Il y avait un monde fou. Il y a eu beaucoup de morts. Cette situation est insupportable. Où va le pays ?". Un peu plus tard, l'armée a annoncé l'arrestation du fils du propriétaire du terrain où le drame a eu lieu. Elle ne mentionne toutefois pas de coups de feu sur les lieux, alors que plusieurs sources l'ont rapporté.

Cette nouvelle tragédie intervient en outre alors que le secteur médical et hospitalier est au bord de l'effondrement. Samedi, c'est le prestigieux hôpital américain de Beyrouth qui avertissait d'un "désastre imminent", se trouvant contraint de fermer sous 48 heures si du mazout ne lui était pas fourni pour faire tourner ses générateurs. Le rationnement en électricité, conséquence de la pénurie de carburant, s'est aggravé après l'annonce, mercredi par la BDL, de la levée des subventions sur les carburants.

"Nous avons lancé un cri d'alarme aux responsables, le dernier probablement, car il faut une solution à la pénurie de médicaments et d'équipements médicaux, ainsi qu'aux tarifications dans les hôpitaux. Cette situation ne peut plus continuer. L'explosion au Akkar est la plus grande preuve que nous avons besoin d'un système hospitalier sain pour pouvoir encaisser les chocs, de plus en plus nombreux", regrette le médecin.

Une même douleur emplissait les urgences de l'hôpital al-Salam, à Tripoli, et de l'hôpital Geitaoui, à Beyrouth, ce dimanche. La douleur, extrême, des grands brûlés de l'explosion d'une citerne d'essence, dans la nuit de samedi à dimanche, à Tleil, village du Akkar. La douleur, aussi, de leurs proches, contraints à une attente insupportable.A l’hôpital al-Salam, où une grande...

commentaires (7)

Abyssus abyssum invocat “Aux armes citoyens, formez vos bataillons”…

Robert Moumdjian

12 h 10, le 16 août 2021

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Commentaires (7)

  • Abyssus abyssum invocat “Aux armes citoyens, formez vos bataillons”…

    Robert Moumdjian

    12 h 10, le 16 août 2021

  • Nous étions en enfer promis par l’épouvantail mais il manquait les flammes. Il peut partir sa mission a été accomplie.

    Sissi zayyat

    18 h 39, le 15 août 2021

  • Voila les dépôts bancaires des épargnants libanais sirotées pour les subventions des carburants qui se volatilisent en méchoui... Malheureusement.

    Mago1

    15 h 40, le 15 août 2021

  • Selon les médias french il y a 28 morts.tragedie

    Jamal kaawar

    13 h 21, le 15 août 2021

  • Il est temps, grand temps, que dans dans un sursaut de survie, le peuple fasse la peau à ces chiens !

    LeRougeEtLeNoir

    12 h 18, le 15 août 2021

  • Le régime de tous les malheurs. Chose promise, chose due : l’ENFER. Merci qui ??

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 12, le 15 août 2021

  • Arbitraire, corruption, amateurisme et misère!

    Alexandre Husson

    11 h 46, le 15 août 2021

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